Sainte-Marie-des-Fleurs: Roman. Boylesve René
m'avez bien amusée avec vos «mains qui sont comme des pierres râpeuses». Oh! le vilain égoïste! l'affreux douillet! la petite femme! Mais moi, je ne suis pas comme cela. Ce qui me choque, après les rustres qui vous donnent des poignées de mains qui font rougir les joues, ce sont ceux qui vous tendent une main si molle ou si sèche qu'elle n'a aucune expression. Voyez, je ne suis incommodée que par les extrêmes: l'outrance ou le trop peu; et je n'avais pas pensé à votre râpe qui doit être intermédiaire.
«Nous irons vendredi, après midi, à cette exposition du Palais de l'Industrie, qui va fermer bientôt, je crois. Cela vaut-il la peine? Adieu, monsieur mon ami.»
Tout courait, tout se précipitait. Pourquoi les choses elles-mêmes se mêlent-elles d'être si pressées?
C'étaient les mots surtout qui nous emportaient; ces mots que je ne maudirai jamais assez! Chacune de mes paroles était, pour la pauvre enfant, comme une petite flèche qui s'élançait de mes lèvres ou de mes doigts.
Assurément, j'avais voulu agir sur ce cerveau de jeune fille, mais l'ayant touché, dans une mesure déterminée, j'étais effrayé de voir la puissance soudaine de tout le restant de mes petites forces. Elle y gonflait le sens de chaque expression et s'émouvait pour le seul fait que venaient de moi des choses qui eussent laissé tout le monde indifférent.
Mais, quoi que je fisse pour enrayer désormais notre marche dangereuse, nous étions déjà loin; et la sorte de terreur que j'éprouvais était assez semblable au vertige qui vous fait vous précipiter...
«Bonjour!... monsieur mon ami, c'est moi, ne vous dérangez pas! Est-ce que vous allez trouver que je vous taquine insupportablement si je vous dis que j'ai écrit, le soir de notre rencontre au Palais de l'Industrie, un petit feuillet que vous n'aurez pas... parce que, l'ayant porté sur moi plusieurs jours, il est dans un état! Vous ne le regretterez pas: il était assez maussade, oui, maussade, je ne sais trop pourquoi, et malgré que je vous aie su un gré immense d'être venu à cette exposition. Mais tenez, voyez tout de suite comme le monde est mal fait, et comme nous sommes malheureuses. Je dois aller à tel endroit, il n'y a pas de mal à ce que j'aie du plaisir à vous y voir. Je vous dis: je vais à tel endroit; il n'y a rien non plus d'extraordinaire que vous y veniez. Eh bien! je suis au désespoir parce que cette petite entente prend en français le nom de «rendez-vous», ce qui est affreux, n'est-ce pas, monsieur mon ami? Cependant, si, dans le salon, je vous fais signe de venir causer avec moi, dans un petit coin, cela ne prend pas ce nom effrayant. Ah! j'ai été bien ennuyée. J'aurais mieux fait, dites! de ne pas vous prévenir. Mais, je ne croyais pas que vous viendriez, ni même que vous feriez attention seulement... On hasarde ainsi l'expression timide de petits ou grands désirs, sans compter absolument qu'ils se puissent réaliser. Et je vous assure qu'on est tout surpris quand ils se réalisent, et qu'on sent que l'on n'y était pas du tout préparé.
«Aussi, vous avez dû me trouver bien étrange, cette après-midi? Ah! pourrai-je jamais être devant le monde, le moi-même que vous formez par la douce culture de vos paroles? Nous apparaîtrons-nous jamais l'un et l'autre ce que nous sommes dans ces feuillets échangés? J'ai peur, j'ai peur. Dites-moi, mon ami, pourquoi j'ai peur. Echangeons des feuillets le plus possible! c'est le meilleur, n'est-ce pas?
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