De la littérature des nègres. Henri Grégoire
élevé des connoissances humaines, toute l'antiquité dépose en faveur de ceux qui l'envisagent comme une école célèbre, à laquelle s'instruisirent beaucoup de savans vénérés de la Grèce.
Note 33: (retour) V. Dissertation sur le préjugé qui attribue aux Égyptiens la découverte des sciences; par Cailly, in 8°, à Caen.
Note 34: (retour) The History of Jamaica, 3 vol. in-4°, London 1774, V. t. II, p. 355 et suiv.; et p. 374, etc.
Quoique Edouard Long, refuse du génie aux Égyptiens, il les élève fort au-dessus des Nègres car il ravale ceux-ci au denier échelon de l'intelligence 35; et comme une mauvaise cause, se défend par des argumens de même nature, au nombre de ceux qu'il allègue pour établir l'infériorité morale des Nègres, il assure que leur vermine est noire.
Note 35: (retour) Ibid.
C'est, dit-il, une remarqué échappée à tous les naturalistes 36. En supposant la réalité de ce fait, qui oseroit (excepté Edouard Long) en conclure que les variétés humaines n'ont pas un type identique, et contester à quelques-unes l'aptitude à la civilisation?
Note 36: (retour) The History of Jamaica, 3 vol. in 4°, London 1774, V. t. II, p. 352.
Ceux qui ont voulu déshériter les Nègres, ont appelé l'anatomie à leur secours, et sur la disparité de couleur se sont portées leurs premières observations. Un écrivain nommé Hanneman, veut que la couleur des Nègres leur soit venue de la malédiction prononcée par Noé contre Cham. Gumilla perd son temps à le réfuter. Cette question a été discutée par Pechlin, Ruysch, Albinus, Pittre, Santorini, Winslow, Mitchil, Camper, Zimmerman, Meckel père, Demangt, Buffon, Somering, Blumenbach, Stanhope-Smith37, et beaucoup d'autres. Mais comment s'accorderoit-on sur les conséquences, si l'on est discordant sur les faits anatomiques qui doivent leur servir de base?
Note 37: (retour) Adversaria Anatomica, decad. 3, p. 26, n°23. Dissert. de sede et causa coloris AÉthiopum et caeterorum hominum, etc., Ludg. Bat. 1707. Mémoires de l'acad. des Sc., 1702. Observ. anat., 1724. Venet. Exposition anat., 1743, Amst., t. III, p. 278. De habitu et colore Æthiopum, Kilon, 1677. Discours sur l'origine et la couleur des Nègres, 1764. V. les ouvrag. trad. par Herbel, t. I, 1784, p. 24. V. Histoire de l'Afrique française, 2 vol. in-8°. Sur la différence physique qui se trouve entre les Nègres et les Européens, §48. De Generis Humani varietate nativa, edit. 3, in-8°, Gotting. 1785. V. An Essay on the cause of the variety of complexion and figure in human species, by the rev. S. Stanhope-Smith, etc., in-8°, Philadelphia 1787. J'appelle l'attention sur cet ouvrage, qui mérite d'être médité.
Meckel père pense que la couleur des Nègres est due à la couleur foncée du cerveau; mais Walter, Bonn, Somering, le docteur Gall, et d'autres grands anatomistes, trouvent la même couleur dans les cerveaux des Nègres et ceux des Blancs.
Barrère et Winslow croient que la bile des Nègres est d'une couleur plus foncée que celle des Européens; mais Somering la trouve d'un verd jaunâtre.
Attribuez-vous la couleur des Nègres à celle de leur membrane réticulaire? Mais si chez les uns elle est noire, d'autres l'ont cuivrée ou couleur de bistre. Au fond, c'est reculer la difficulté sans la résoudre; car dans l'hypothèse que la substance médullaire, la bile, la membrane réticulaire, seroient constamment noires, il resteroit à expliquer la cause. Buffon, Camper, Bonn, Zimmerman, Blumenbach, Chardel son traducteur français38, Somering, Imlay, attribuent la couleur des Nègres, et celle des autres variétés, au climat, secondé par des causes accessoires, telles que la chaleur, le régime de vie. Le savant professeur de Gottingue remarque qu'en Guinée, non-seulement les hommes, mais les chiens, les oiseaux, et surtout les gallinacées, sont noirs, tandis que l'ours et d'autres animaux sont blancs vers les mers glaciales. La couleur noire étant, selon Knight, l'attribut de la race primitive dans tous les animaux, il penche à croire que le Nègre est le type original de l'espèce humaine39: Demanet et Imlay remarquent que les descendans des Portugais établis au Congo, sur la côte de Sierra-Leone, et sur d'autres points de l'Afrique, sont devenus Nègres40; et pour démentir des témoins oculaires tel que le premier, il ne suffit pas de nier, comme l'a fait le traducteur du dernier ouvrage de Pallas41.
Note 38: (retour) V. De l'Unité du Genre humain, etc., par Blumenbach, traduit par Chardel.
Note 39: (retour) V. The Progress of civil Society, a didactic poem, by Richard Payne-Knight, in-4º, London 1796, l. v, depuis le vers 227 et les suiv.
Note 40: (retour) V. A Topographical Description of the Western territory of north America, etc., by Georg. Imlay, in-8°, London 1793. V. lettre 9.
Note 41: (retour) V. Voyage dans les départemens méridionaux de la Russie, p. 600, en note.
On sait que les parties les moins exposées au soleil, telles que la plante des pieds et les entre-doigts sont blafardes; aussi Stanhope-Smith, qui dérive la couleur noire de quatre causes, le climat, le régime de vie, l'état de société, la maladie, après avoir accumulé des faits qui prouvent l'ascendant du climat sur la complexion et la figure, explique très-bien pourquoi les Africains de la côte occidentale sous la zone torride, sont plus noirs que ceux de l'est; pourquoi la même latitude en Amérique ne produit pas le même effet.
Ici l'action du soleil est combattue par des causes locales qui, en Afrique, la fortifient; en général la couleur noire se trouve entre les Tropiques, et ses nuances progressives, suivent la latitude chez les peuples qui très-anciennement établis dans une contrée n'ont été ni transplantés sous d'autres climats, ni croisés par d'autres races42. Si les Sauvages de l'Amérique du nord, et les Patagons placés à l'autre extrémité de ce continent, ont la teinte plus foncée que les peuples rapprochés de l'isthme de Panama, pour expliquer ce phénomène, ne doit-on pas recourir aux transmigrations anciennes, et consulter les impressions locales? T. Williams, auteur de l'Histoire de l'État de Vermont, appuie ce système par des observations qui prouvent la connexité de la couleur et du climat; sur des données approximatives, il conjecture que pour réduire, par des croisemens, la race Noire à la couleur blanche, il faut cinq générations qui, étant supposées chacune de vingt-cinq ans, donnent un total de cent vingt-cinq ans; que pour amener les Noirs à la couleur blanche, sans croisement et par la seule action du climat, il faut quatre mille ans; mais seulement six cents ans pour les Indiens qui sont de couleur rouge43.