Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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était désert. Le personnel de l’hôtel n’osait s’y aventurer, et certains pensionnaires s’étaient enfermés à double tour dans leurs chambres, de sorte qu’il fallait frapper longtemps et se faire reconnaître avant que la porte s’ouvrît.

      Plus loin, M. Lenormand aperçut un autre groupe d’agents qui visitaient l’office et, à l’extrémité du long couloir, il en aperçut d’autres encore qui approchaient du tournant, c’est-à-dire des chambres situées sur la rue de Judée.

      Et, soudain, il entendit ceux-là qui poussaient des exclamations, et ils disparurent en courant. Il se hâta.

      Les agents s’étaient arrêtés au milieu du couloir. À leurs pieds, barrant le passage, la face sur le tapis, gisait un corps.

      M. Lenormand se pencha et saisit entre ses mains la tête inerte.

      – Chapman, murmura-t-il, il est mort.

      Il l’examina. Un foulard de soie blanche, tricotée, serrait le cou. Il le défit. Des taches rouges apparurent, et il constata que ce foulard maintenait, contre la nuque, un épais tampon d’ouate tout sanglant.

      Cette fois encore, c’était la même petite blessure, nette, franche, impitoyable.

      Tout de suite prévenus, M. Formerie et le commissaire accoururent.

      – Personne n’est sorti ? demanda le chef. Aucune alerte !

      – Rien, fit le commissaire. Deux hommes sont en faction au bas de chaque escalier.

      – Peut-être est-il remonté ? dit M. Formerie.

      – Non ! Non !

      – Pourtant on l’aurait rencontré.

      – Non… Tout cela est fait depuis plus longtemps. Les mains sont froides déjà… Le meurtre a dû être commis presque aussitôt après l’autre, dès le moment où les deux hommes sont arrivés ici par l’escalier de service.

      – Mais on aurait vu le cadavre ! Pensez donc, depuis deux heures, cinquante personnes ont passé par là…

      – Le cadavre n’était pas ici.

      – Mais alors, où était-il ?

      – Eh ! Qu’est-ce que j’en sais ? riposta brusquement le chef de la Sûreté… Faites comme moi, cherchez ! Ce n’est pas avec des paroles que l’on trouve.

      De sa main nerveuse, il martelait avec rage le pommeau de sa canne, et il restait là, les yeux fixés au cadavre, silencieux et pensif. Enfin il prononça :

      – Monsieur le commissaire, ayez l’obligeance de faire porter la victime dans une chambre vide. On appellera le médecin. Monsieur le Directeur, voulezvous m’ouvrir les portes de toutes les chambres de ce couloir.

      Il y avait à gauche trois chambres et deux salons qui composaient un appartement inoccupé, et que M. Lenormand visita. À droite, quatre chambres. Deux étaient habitées par un M. Reverdat et un Italien, le baron Giacomici, tous deux sortis à cette heure-là. Dans la troisième chambre, on trouva une vieille demoiselle anglaise, encore couchée, et dans la quatrième un Anglais qui lisait et fumait paisiblement et que les bruits du corridor n’avaient pu distraire de sa lecture. Il s’appelait le major Parbury.

      Perquisitions et interrogatoires, d’ailleurs, ne donnèrent aucun résultat. La vieille demoiselle n’avait rien entendu avant les exclamations des agents, ni bruit de lutte, ni cri d’agonie, ni querelle ; le major Parbury non plus.

      En outre, on ne recueillit aucun indice équivoque, aucune trace de sang, rien qui laissât supposer que le malheureux Chapman eût passé par l’une de ces pièces.

      – Bizarre, murmura le juge d’instruction Tout cela est vraiment bizarre…

      Et il ajouta naïvement :

      – Je comprends de moins en moins. Il y a là une série de circonstances qui m’échappent en partie. Qu’en pensez-vous, monsieur Lenormand ?

      M. Lenormand allait lui décocher sans doute une de ces ripostes aiguës par quoi se manifestait sa mauvaise humeur ordinaire, quand Gourel survint tout essoufflé.

      – Chef on a trouvé ça en bas dans le bureau de l’hôtel sur une chaise…

      C’était un paquet de dimensions restreintes, noué dans une enveloppe de serge noire.

      – On l’a ouvert ? demanda le chef.

      – Oui, mais lorsqu’on a vu ce qu’il contenait, on a refait le paquet exactement comme il était… serré très fort, vous pouvez le voir.

      – Dénoue !

      Gourel enleva l’enveloppe et découvrit un pantalon et une veste en molleton noir, que l’on avait dû, les plis de l’étoffe l’attestaient, empiler hâtivement.

      Au milieu, il y avait une serviette toute tachée de sang, et que l’on avait plongée dans l’eau, sans doute, pour détruire la marque des mains qui s’y étaient essuyées.

      Dans la serviette, un stylet d’acier, au manche incrusté d’or. Il était rouge de sang, du sang de trois hommes égorgés, en quelques heures, par une main invisible, parmi la foule des trois cents personnes qui allaient et venaient dans le vaste hôtel. Edwards, le domestique, reconnut aussitôt le stylet comme appartenant à M. Kesselbach. La veille encore, avant l’agression de Lupin, Edwards l’avait vu sur la table.

      – Monsieur le Directeur, fit le chef de la Sûreté, la consigne est levée. Gourel va donner l’ordre qu’on fasse les portes libres.

      – Vous croyez donc que ce Lupin a pu sortir ? interrogea M. Formerie.

      – Non. L’auteur du triple assassinat que nous venons de constater est dans l’hôtel, dans une des chambres, ou plutôt mêlé aux voyageurs qui sont dans le hall ou dans les salons. Pour moi, il habitait l’hôtel.

      – Impossible ! Et puis, où aurait-il changé de vêtements ? Et quels vêtements aurait-il maintenant ?

      – Je l’ignore, mais j’affirme.

      – Et vous lui livrez passage ? Mais il va s’en aller tout tranquillement, les mains dans ses poches.

      – Celui des voyageurs qui s’en ira ainsi, sans ses bagages, et qui ne reviendra pas, sera le coupable. Monsieur le Directeur, veuillez m’accompagner au bureau. Je voudrais étudier de près la liste de vos clients.

      Au bureau, M. Lenormand trouva quelques lettres à l’adresse de M. Kesselbach. Il les remit au juge d’instruction.

      Il y avait aussi un colis que venait d’apporter le service des colis postaux parisiens. Comme le papier qui l’entourait était en partie déchiré, M. Lenormand put voir une cassette d’ébène sur laquelle était gravé le nom de Rudolf Kesselbach.

      Il ouvrit. Outre les débris d’une glace dont on voyait encore l’emplacement à l’intérieur du couvercle, la cassette contenait la carte d’Arsène Lupin.

      Mais un détail sembla frapper le chef de la Sûreté. À l’extérieur, sous la boîte, il y avait une petite étiquette bordée de bleu, pareille à l’étiquette ramassée dans la chambre du quatrième étage où l’on avait trouvé l’étui à cigarettes, et cette étiquette portait également le chiffre 813.

       M. Lenormand commence ses opérations

      Table des matières

      – 1 –

      – Auguste, faites entrer M. Lenormand.

      L’huissier sortit et quelques secondes plus tard introduisit le chef


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