Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


Скачать книгу
Moi, je vole en appartement ; toi, tu voles en Bourse. Tout ça, c’est kif-kif. Donc, voilà, Kesselbach. Associons-nous pour cette affaire. J’ai besoin de toi puisque je l’ignore. Tu as besoin de moi parce que, tout seul, tu n’en sortiras pas. Barbareux est un niais. Moi, je suis Lupin. Ça colle ?

      Un silence. Lupin insista, d’une voix qui tremblait :

      – Réponds, Kesselbach, ça colle ? Si oui, en quarante-huit heures, je te le retrouve, ton Pierre Leduc. Car il s’agit bien de lui, hein ? C’est ça, l’affaire ? Mais réponds donc ! Qu’est-ce que c’est que cet individu ? Pourquoi le cherches-tu ? Que sais-tu de lui ? Je veux savoir.

      Il se calma subitement, posa sa main sur l’épaule de l’Allemand et, d’un ton sec :

      – Un mot seulement. Oui ou non ?

      – Non.

      Il tira du gousset de Kesselbach un magnifique chronomètre en or et le plaça sur les genoux du prisonnier.

      Il déboutonna le gilet de Kesselbach, écarta la chemise, découvrit la poitrine, et, saisissant un stylet d’acier, à manche niellé d’or, qui se trouvait près de lui, sur la table, il en appliqua la pointe à l’endroit où les battements du cœur faisaient palpiter la chair nue.

      – Une dernière fois ?

      – Non.

      – Monsieur Kesselbach, il est trois heures moins huit. Si dans huit minutes vous n’avez pas répondu, vous êtes mort.

      – 3 –

      Le lendemain matin, à l’heure exacte qui lui avait été fixée, le brigadier Gourel se présenta au Palace-Hôtel. Sans s’arrêter, et dédaigneux de l’ascenseur, il monta les escaliers. Au quatrième étage il tourna à droite, suivit le couloir, et vint sonner à la porte du 415.

      Aucun bruit ne se faisant entendre, il recommença. Après une demi-douzaine de tentatives infructueuses, il se dirigea vers le bureau de l’étage. Un maître d’hôtel s’y trouvait.

      – M. Kesselbach, s’il vous plaît ? Voilà dix fois que je sonne.

      – M. Kesselbach n’a pas couché là. Nous ne l’avons pas vu depuis hier après-midi.

      – Mais son domestique, son secrétaire ?

      – Nous ne les avons pas vus non plus.

      – Alors, eux non plus n’auraient pas couché à l’hôtel ?

      – Sans doute.

      – Sans doute ! Mais vous devriez avoir une certitude.

      – Pourquoi ? M. Kesselbach n’est pas à l’hôtel ici, il est chez lui, dans son appartement particulier. Son service n’est pas fait par nous, mais par son domestique, et nous ne savons rien de ce qui se passe chez lui.

      – En effet… en effet…

      Gourel semblait fort embarrassé. Il était venu avec des ordres formels, une mission précise, dans les limites de laquelle son intelligence pouvait s’exercer. En dehors de ces limites, il ne savait trop comment agir.

      – Si le Chef était là… murmura-t-il, si le Chef était là…

      Il montra sa carte et déclina ses titres. Puis il demanda, à tout hasard :

      – Donc, vous ne les avez pas vus rentrer ?

      – Non.

      – Mais vous les avez vus sortir ?

      – Non plus.

      – En ce cas, comment savez-vous qu’ils sont sortis ?

      – Par un monsieur qui est venu hier après-midi au 415.

      – Un monsieur à moustaches brunes ?

      – Oui. Je l’ai rencontré comme il s’en allait vers trois heures. Il m’a dit : « Les personnes du 415 viennent de sortir. M. Kesselbach couchera ce soir à Versailles, aux Réservoirs, où vous pouvez lui envoyer son courrier. »

      – Mais quel était ce monsieur ? À quel titre parlait-il ?

      – Je l’ignore.

      Gourel était inquiet. Tout cela lui paraissait assez bizarre.

      – Vous avez la clef ?

      – Non. M. Kesselbach avait fait faire des clefs spéciales.

      – Allons voir.

      Gourel sonna de nouveau furieusement. Rien. Il se disposait à partir quand, soudain, il se baissa et appliqua vivement son oreille contre le trou de la serrure.

      – écoutez… on dirait… mais oui c’est très net… des plaintes… des gémissements…

      Il donna dans la porte un véritable coup de poing.

      – Mais, monsieur, vous n’avez pas le droit…

      – Je n’ai pas le droit !

      Il frappait à coups redoublés, mais si vainement qu’il y renonça aussitôt.

      – Vite, vite, un serrurier.

      Un des garçons d’hôtel s’éloigna en courant. Gourel allait de droite et de gauche, bruyant et indécis. Les domestiques des autres étages formaient des groupes. Les gens du bureau, de la direction, arrivaient. Gourel s’écria :

      – Mais pourquoi n’entrerait-on pas par les chambres contiguës ? Elles communiquent avec l’appartement ?

      – Oui, mais les portes de communication sont toujours verrouillées des deux côtés.

      – Alors, je téléphone à la Sûreté, dit Gourel, pour qui, visiblement, il n’existait point de salut en dehors de son chef.

      – Et au commissariat, observat-on.

      – Oui, si ça vous plaît, répondit-il du ton d’un monsieur que cette formalité intéresse peu.

      Quand il revint du téléphone, le serrurier achevait d’essayer ses clefs. La dernière fit jouer la serrure. Gourel entra vivement.

      Aussitôt il courut à l’endroit d’où venaient les plaintes, et se heurta aux deux corps du secrétaire Chapman et du domestique Edwards. L’un d’eux, Chapman, à force de patience, avait réussi à détendre un peu son bâillon, et poussait de petits grognements sourds. L’autre semblait dormir.

      On les délivra. Gourel s’inquiétait.

      – Et M. Kesselbach ?

      Il passa dans le salon. M. Kesselbach était assis et attaché au dossier du fauteuil, près de la table. Sa tête était inclinée sur sa poitrine.

      – Il est évanoui, dit Gourel en s’approchant de lui. Il a dû faire des efforts qui l’ont exténué.

      Rapidement, il coupa les cordes qui liaient les épaules. D’un bloc, le buste s’écroula en avant. Gourel l’empoigna à bras-le-corps, et recula en poussant un cri d’effroi :

      – Mais il est mort ! Tâtez… les mains sont glacées, et regardez les yeux ! Quelqu’un hasarda :

      – Une congestion, sans doute ou une rupture d’anévrisme.

      – En effet, il n’y a pas de trace de blessure, c’est une mort naturelle.

      On étendit le cadavre sur le canapé, et l’on défit ses vêtements. Mais, tout de suite, sur la chemise blanche, des taches rouges apparurent, et, dès qu’on l’eut écartée, on s’aperçut que, à l’endroit du cœur, la poitrine était trouée d’une petite fente par où coulait un mince filet de sang.

      Et sur la chemise était épinglée une carte.

      Gourel


Скачать книгу