Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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n’a guère confiance dans les autres, et, s’approchant d’une table où se trouvait un appareil téléphonique, il décrocha le récepteur.

      – Allô !… mademoiselle, je vous prie de me donner Garches… C’est cela, mademoiselle, vous me sonnerez…

      Il resta près de l’appareil.

      Sernine frémissait d’impatience. Le baron allait-il communiquer avec son mystérieux compagnon de crime ?

      La sonnerie retentit.

      – Allô, fit Altenheim… Ah ! C’est Garches… parfait… Mademoiselle, je voudrais le numéro 38… Oui, 38, deux fois quatre…

      Et au bout de quelques secondes, la voix plus basse, aussi basse et aussi nette que possible, il prononça :

      – Le numéro 38 ?… C’est moi… pas de mots inutiles… Hier ?… Oui, tu l’as manqué dans le jardin… Une autre fois, évidemment… mais ça presse… il a fait fouiller la maison le soir… je te raconterai… Rien trouvé, bien entendu… Quoi ?… allô… ! Non, le vieux Steinweg refuse de parler… les menaces, les promesses, rien n’y a fait… Allô… Eh oui, parbleu, il sait que nous ne pouvons rien… Nous ne connaissons le projet de Kesselbach et l’histoire de Pierre Leduc qu’en partie… Lui seul a le mot de l’énigme… Oh ! Il parlera, ça j’en réponds… et cette nuit même… sans quoi… Eh ! Qu’est-ce que tu veux, tout plutôt que de le laisser échapper ! Vois-tu que le prince nous le chipe ! Oh ! Celui-là, dans trois jours, il faut qu’il ait son compte… Tu as une idée ?… En effet… l’idée est bonne. Oh ! Oh ! Excellente… je vais m’en occuper… Quand se voit-on ? Mardi, veux-tu ? Ça va. Je viendrai mardi… à deux heures…

      Il remit l’appareil en place et sortit. Sernine l’entendit qui donnait des ordres.

      – Attention, cette fois, hein ? Ne vous laissez pas pincer bêtement comme hier, je ne rentrerai pas avant la nuit.

      La lourde porte du vestibule se referma, puis ce fut le claquement de la grille dans le jardin et le grelot d’un cheval qui s’éloignait.

      Après vingt minutes, deux domestiques survinrent, qui ouvrirent les fenêtres et firent la chambre.

      Quand ils furent partis, Sernine attendit encore assez longtemps, jusqu’à l’heure présumée de leur repas. Puis, les supposant dans la cuisine, attablés, il se glissa hors du placard et se mit à inspecter le lit et la muraille à laquelle ce lit était adossé.

      « Bizarre, dit-il, vraiment bizarre… Il n’y a rien là de particulier. Le lit n’a aucun double fond… Dessous, pas de trappe. Voyons la chambre voisine. »

      Doucement, il passa à côté. C’était une pièce vide, sans aucun meuble.

      « Ce n’est pas là que gîte le vieux… Dans l’épaisseur de ce mur ? Impossible, c’est plutôt une cloison, très mince. Sapristi ! Je n’y comprends rien, moi. »

      Pouce par pouce, il interrogea le plancher, le mur, le lit, perdant son temps à des expériences inutiles. Décidément, il y avait là un truc, fort simple peut-être, mais que, pour l’instant, il ne saisissait pas.

      « À moins que, se dit-il, Altenheim n’ait positivement déliré… C’est la seule supposition acceptable. Et, pour la vérifier, je n’ai qu’un moyen, c’est de rester. Et je reste. Advienne que pourra. »

      De crainte d’être surpris, il réintégra son repaire et n’en bougea plus, rêvassant et sommeillant, tourmenté, d’ailleurs, par une faim violente.

      Et le jour baissa. Et l’obscurité vint.

      Altenheim ne rentra qu’après minuit. Il monta dans sa chambre, seul cette fois, se dévêtit, se coucha, et, aussitôt, comme la veille, éteignit l’électricité.

      Même attente anxieuse. Même petit grincement inexplicable. Et, de sa même voix railleuse, Altenheim articula :

      – Et alors, comment ça va, l’ami ?… Des injures ?… Mais non, mais non, mon vieux, ce n’est pas du tout ce qu’on te demande ! Tu fais fausse route. Ce qu’il me faut, ce sont de bonnes confidences, bien complètes, bien détaillées, concernant tout ce que tu as révélé à Kesselbach… l’histoire de Pierre Leduc, etc. C’est clair ?…

      Sernine écoutait avec stupeur. Il n’y avait pas à se tromper, cette fois : le baron s’adressait réellement au vieux Steinweg. Colloque impressionnant ! Il lui semblait surprendre le dialogue mystérieux d’un vivant et d’un mort, une conversation avec un être innommable, respirant dans un autre monde, un être invisible, impalpable, inexistant.

      Le baron reprit, ironique et cruel :

      – Tu as faim ? Mange donc, mon vieux. Seulement, rappelle-loi que je t’ai donné d’un coup toute ta provision de pain, et que, en la grignotant, à raison de quelques miettes en vingt-quatre heures, tu en as tout au plus pour une semaine… Mettons dix jours ! Dans dix jours, couic, il n’y aura plus de père Steinweg. À moins que d’ici là tu aies consenti à parler. Non ? On verra ça demain… Dors, mon vieux.

      Le lendemain, à une heure, après une nuit et une matinée sans incident, le prince Sernine sortait paisiblement de la villa Dupont et, la tête faible, les jambes molles, tout en se dirigeant vers le plus proche restaurant, il résumait la situation :

      « Ainsi, mardi prochain, Altenheim et l’assassin du Palace-Hôtel ont rendez-vous à Garches dans une maison dont le téléphone porte le numéro 38. C’est donc mardi que je livrerai les deux coupables et que je délivrerai M. Lenormand. Le soir même, ce sera le tour du vieux Steinweg, et j’apprendrai enfin si Pierre Leduc est, oui ou non, le fils d’un charcutier, et si je peux dignement en faire le mari de Geneviève. Ainsi soit-il ! »

      Le mardi matin, vers onze heures, Valenglay, président du Conseil, faisait venir le préfet de Police, le sous-préfet de la Sûreté, M. Weber, et leur montrait un pneumatique, signé prince Sernine, qu’il venait de recevoir.

      « Monsieur le Président du Conseil,

      « Sachant tout l’intérêt que vous portiez à M. Lenormand, je viens vous mettre au courant des faits que le hasard m’a révélés.

      « M. Lenormand est enfermé dans les caves de la villa des Glycines, à Garches, auprès de la maison de retraite.

      « Les bandits du Palace-Hôtel ont résolu de l’assassiner aujourd’hui à deux heures.

      « Si la police a besoin de mon concours, je serai à une heure et demie dans le jardin de la maison de retraite, ou chez Mme Kesselbach, dont j’ai l’honneur d’être l’ami.

      « Recevez, Monsieur le Président du Conseil, etc.

      « Signé : Prince SERNINE. »

      – Voilà qui est extrêmement grave, mon cher monsieur Weber, fit Valenglay. J’ajouterai que nous devons avoir toute confiance dans les affirmations du prince Paul Sernine. J’ai dîné plusieurs fois avec lui. C’est un homme sérieux, intelligent…

      – Voulezvous me permettre, monsieur le Président, dit le sous-chef de la Sûreté, de vous communiquer une autre lettre que j’ai reçue également ce matin ?

      – Sur la même affaire ?

      – Oui.

      – Voyons.

      Il prit la lettre et lut :

      « Monsieur,

      « Vous êtes averti que le prince Paul Sernine, qui se dit l’ami de Mme Kesselbach, n’est autre qu’Arsène Lupin.

      « Une seule preuve suffira : Paul Sernine est l’anagramme d’Arsène Lupin. Ce sont les mêmes lettres. Il n’y en a pas une de plus, pas une de moins.

      « Signé : L. M. »


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