Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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frissonna. Il reprit :

      – Oui, mais tu parleras.

      – Jamais.

      – Si, tu parleras. Pas maintenant, c’est trop tard, mais cette nuit.

      Il se pencha sur lui et tout bas, à l’oreille, il prononça :

      – écoute, Altenheim, et comprends-moi bien. Tout à l’heure tu vas être pincé. Ce soir tu coucheras au Dépôt. Cela est fatal, irrévocable. Moi-même je ne puis plus rien y changer. Et demain, on t’emmènera à la Santé, et plus tard, tu sais où ?… Eh bien, je te donne encore une chance de salut. Cette nuit, tu entends, cette nuit, je pénétrerai dans ta cellule, au Dépôt, et tu me diras où est Geneviève. Deux heures après, si tu n’as pas menti, tu seras libre. Sinon… c’est que tu ne tiens pas beaucoup à ta tête.

      L’autre ne répondit pas. Sernine se releva et écouta. Là-haut, un grand fracas. La porte d’entrée cédait. Des pas martelèrent les dalles du vestibule et le plancher du salon. M. Weber et ses hommes cherchaient.

      – Adieu, baron, réfléchis jusqu’à ce soir. La cellule est bonne conseillère.

      Il poussa son prisonnier, de façon à dégager la trappe et il souleva celle-ci. Comme il s’y attendait, il n’y avait plus personne en dessous, sur les marches de l’escalier.

      Il descendit, en ayant soin de laisser la trappe ouverte derrière lui, comme s’il avait eu l’intention de revenir.

      Il y avait vingt marches, puis, en bas, c’était le commencement du couloir que M. Lenormand et Gourel avaient parcouru en sens inverse.

      Il s’y engagea et poussa un cri. Il lui avait semblé deviner la présence de quelqu’un.

      Il alluma sa lanterne de poche. Le couloir était vide.

      Alors, il arma son revolver et dit à haute voix :

      – Tant pis pour toi… Je fais feu.

      Aucune réponse. Aucun bruit.

      « C’est une illusion sans doute, pensa-t-il. Cet être-là m’obsède. Allons, si je veux réussir et gagner la porte, il faut me hâter… Le trou, dans lequel j’ai mis le paquet de vêtements, n’est pas loin. Je prends le paquet… et le tour est joué… Et quel tour ! Un des meilleurs de Lupin… »

      Il rencontra une porte qui était ouverte et tout de suite s’arrêta. À droite il y avait une excavation, celle que M. Lenormand avait pratiquée pour échapper à l’eau qui montait.

      Il se baissa et projeta sa lumière dans l’ouverture.

      « Oh ! fit-il en tressaillant… Non, ce n’est pas possible… C’est Doudeville qui aura poussé le paquet plus loin. »

      Mais il eut beau chercher, scruter les ténèbres. Le paquet n’était plus là, et il ne douta pas que ce fût encore l’être mystérieux qui l’eût dérobé.

      « Dommage ! La chose était si bien arrangée ! L’aventure reprenait son cours naturel, et j’arrivais au bout plus sûrement… Maintenant il s’agit de me trotter au plus vite… Doudeville est au pavillon… Ma retraite est assurée… Plus de blagues… il faut se dépêcher et remettre la chose sur pied, si possible… Et après, on s’occupera de lui… Ah ! Qu’il se gare de mes griffes, celui-là. »

      Mais une exclamation de stupeur lui échappa ; il arrivait à l’autre porte, et cette porte, la dernière avant le pavillon, était fermée. Il se rua contre elle. À quoi bon ? Que pouvait-il faire ?

      « Cette fois-ci, murmura-t-il, je suis bien fichu. »

      Et, pris d’une sorte de lassitude, il s’assit. Il avait l’impression de sa faiblesse en face de l’être mystérieux. Altenheim ne comptait guère. Mais l’autre, ce personnage de ténèbres et de silence, l’autre le dominait, bouleversait toutes ses combinaisons, et l’épuisait par ses attaques sournoises et infernales.

      Il était vaincu.

      Weber le trouverait là, comme une bête acculée, au fond de sa caverne.

      – 2 –

      « Ah ! Non, non ! fit-il en se redressant d’un coup. S’il n’y avait que moi, peut-être !… mais il y a Geneviève, Geneviève, qu’il faut sauver cette nuit… Après tout, rien n’est perdu… Si l’autre s’est éclipsé tout à l’heure, c’est qu’il existe une seconde issue dans les parages. Allons, allons, Weber et sa bande ne me tiennent pas encore. »

      Déjà il explorait le tunnel, et, sa lanterne en main, étudiait les briques dont les parois étaient formées, quand un cri parvint jusqu’à lui, un cri horrible, abominable, qui le fit frémir d’angoisse.

      Cela provenait du côté de la trappe. Et il se rappela soudain qu’il avait laissé cette trappe ouverte alors qu’il avait l’intention de remonter dans la villa des Glycines. Il se hâta de retourner, franchit la première porte. En route, sa lanterne étant éteinte, il sentit quelque chose, quelqu’un plutôt qui frôlait ses genoux, quelqu’un qui rampait le long du mur. Et aussitôt, il eut l’impression que cet être disparaissait, s’évanouissait, il ne savait pas où. À cet instant, il heurta une marche.

      « C’est là l’issue, pensa-t-il, la seconde issue par où il passe. »

      En haut, le cri retentit de nouveau, moins fort, suivi de gémissements, de râles… Il monta l’escalier en courant, surgit dans la salle basse et se précipita sur le baron. Altenheim agonisait, la gorge en sang. Ses liens étaient coupés, mais les fils de fer qui attachaient ses poignets et ses chevilles étaient intacts. Ne pouvant le délivrer, son complice l’avait égorgé.

      Sernine contemplait ce spectacle avec effroi. Une sueur le glaçait. Il songeait à Geneviève emprisonnée, sans secours, puisque le baron, seul, connaissait sa retraite.

      Distinctement il entendit que les agents ouvraient la petite porte dérobée du vestibule. Distinctement, il les entendit qui descendaient l’escalier de service.

      Il n’était plus séparé d’eux que par une porte, celle de la salle basse où il se trouvait. Il la verrouilla au moment même où les agresseurs empoignaient le loquet. La trappe était ouverte à côté de lui… C’était le salut possible, puisqu’il y avait encore la seconde issue.

      « Non, se dit-il, Geneviève d’abord. Après, si j’ai le temps, je songerai à moi… »

      Et, s’agenouillant, il posa la main sur la poitrine du baron. Le cœur palpitait encore. Il s’inclina davantage :

      – Tu m’entends, n’est-ce pas ?

      Les paupières battirent faiblement.

      Il y avait un souffle de vie dans le moribond. De ce semblant d’existence, pouvait-on tirer quelque chose ?

      La porte, dernier rempart, fut attaquée par les agents. Sernine murmura :

      – Je te sauverai… j’ai des remèdes infaillibles… Un mot, seulement… Geneviève ?…

      On eût dit que cette parole d’espoir suscitait de la force. Altenheim essaya d’articuler.

      – Réponds, exigeait Sernine, réponds et je te sauve… C’est la vie aujourd’hui… la liberté demain… Réponds !

      La porte tremblait sous les coups.

      Le baron ébaucha des syllabes inintelligibles. Penché sur lui, effaré, toute son énergie, toute sa volonté tendues, Sernine haletait d’angoisse. Les agents, sa capture inévitable, la prison, il n’y songeait même pas… mais Geneviève… Geneviève mourant de faim, et qu’un mot de ce misérable pouvait délivrer !…

      – Réponds… il le faut…


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