Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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en plein jour, à la date fixée. Lui-même ne l’avait-il pas dit : « Quand on saura la simplicité des moyens que j’ai employés pour cette évasion, on sera stupéfait. C’est tout cela, dira-t-on ? Oui, c’est tout cela, mais il fallait y penser. »

      C’était en effet d’une simplicité enfantine : il suffisait d’être chef de la Sûreté.

      Or, Lupin était chef de la Sûreté, et tous les agents, en obéissant à ses ordres, se faisaient les complices involontaires et inconscients de Lupin.

      La bonne comédie ! Le bluff admirable ! La farce monumentale et réconfortante à notre époque de veulerie ! Bien que prisonnier, bien que vaincu irrémédiablement, Lupin, malgré tout, était le grand vainqueur. De sa cellule, il rayonnait sur Paris. Plus que jamais il était l’idole, plus que jamais le Maître !

      En s’éveillant le lendemain dans son appartement de « Santé-Palace » comme il le désigna aussitôt, Arsène Lupin eut la vision très nette du bruit formidable qu’allait produire son arrestation sous le double nom de Sernine et de Lenormand, et sous le double titre de prince et de chef de la Sûreté.

      Il se frotta les mains et formula :

      – Rien n’est meilleur pour tenir compagnie à l’homme solitaire que l’approbation de ses contemporains. Ô gloire ! Soleil des vivants !…

      À la clarté, sa cellule lui plut davantage encore. La fenêtre, placée haut, laissait apercevoir les branches d’un arbre au travers duquel on voyait le bleu du ciel. Les murs étaient blancs. Il n’y avait qu’une table et une chaise, attachées au sol. Mais tout cela était propre et sympathique.

      – Allons, dit-il, une petite cure de repos ici ne manquera pas de charme… Mais procédons à notre toilette… Ai-je tout ce qu’il me faut ?… Non… En ce cas, deux coups pour la femme de chambre.

      Il appuya, près de la porte, sur un mécanisme qui déclencha dans le couloir un disque-signal.

      Au bout d’un instant, des verrous et des barres de fer furent tirés à l’extérieur, la serrure fonctionna, et un gardien apparut.

      – De l’eau chaude, mon ami, dit Lupin.

      L’autre le regarda, à la fois ahuri et furieux.

      – Ah ! s’écria Lupin, et une serviette-éponge ! Sapristi ! Il n’y a pas de serviette-éponge !

      L’homme grommela :

      – Tu te fiches de moi, n’est-ce pas ? ça n’est pas à faire.

      Il se retirait, lorsque Lupin lui saisit le bras violemment :

      – Cent francs, si tu veux porter une lettre à la poste.

      Il tira de sa poche un billet de cent francs, qu’il avait soustrait aux recherches, et le tendit.

      – La lettre, fit le gardien, en prenant l’argent.

      – Voilà !… le temps de l’écrire.

      Il s’assit à la table, traça quelques mots au crayon sur une feuille qu’il glissa dans une enveloppe et inscrivit :

       Monsieur S. B. 42.

       Poste Restante, Paris.

      Le gardien prit la lettre et s’en alla.

      « Voilà une missive, se dit Lupin, qui ira à son adresse aussi sûrement que si je la portais moi-même. D’ici une heure tout au plus, j’aurai la réponse. Juste le temps nécessaire pour me livrer à l’examen de ma situation. »

      Il s’installa sur sa chaise et, à demi-voix, il résuma :

      « Somme toute, j’ai à combattre actuellement deux adversaires : 1°La société qui me tient et dont je me moque ; 2°Un personnage inconnu qui ne me tient pas, mais dont je ne me moque nullement. C’est lui qui a prévenu la police que j’étais Sernine. C’est lui qui a deviné que j’étais M. Lenormand. C’est lui qui a fermé la porte du souterrain, et c’est lui qui m’a fait fourrer en prison. »

      Arsène Lupin réfléchit une seconde, puis continua :

      « Donc, en fin de compte, la lutte est entre lui et moi. Et pour soutenir cette lutte, c’est-à-dire pour découvrir et réaliser l’affaire Kesselbach, je suis, moi, emprisonné, tandis qu’il est, lui, libre, inconnu, inaccessible, qu’il dispose des deux atouts que je croyais avoir, Pierre Leduc et le vieux Steinweg… – bref, qu’il touche au but, après m’en avoir éloigné définitivement. »

      Nouvelle pause méditative, puis nouveau monologue :

      « La situation n’est pas brillante. D’un côté tout, de l’autre rien. En face de moi un homme de ma force, plus fort, même, puisqu’il n’a pas les scrupules dont je m’embarrasse. Et pour l’attaquer, point d’armes. »

      Il répéta plusieurs fois ces derniers mots d’une voix machinale, puis il se tut, et, prenant son front entre ses mains, il resta longtemps pensif.

      – Entrez, monsieur le Directeur, dit-il en voyant la porte s’ouvrir.

      – Vous m’attendiez donc ?

      – Ne vous ai-je pas écrit, monsieur le Directeur, pour vous prier de venir ? Or, je n’ai pas douté une seconde que le gardien vous portât ma lettre. J’en ai si peu douté que j’ai inscrit sur l’enveloppe, vos initiales : S. B. et votre âge : 42.

      Le Directeur s’appelait, en effet, Stanislas Borély, et il était âgé de quarante-deux ans. C’était un homme de figure agréable, doux de caractère, et qui traitait les détenus avec autant d’indulgence que possible. Il dit à Lupin :

      – Vous ne vous êtes pas mépris sur la probité de mon subordonné. Voici votre argent. Il vous sera remis lors de votre libération… Maintenant vous allez repasser dans la chambre de fouille.

      Lupin suivit M. Borély dans la petite pièce réservée à cet usage, se déshabilla, et, tandis que l’on visitait ses vêtements avec une méfiance justifiée, subit lui-même un examen des plus méticuleux.

      Il fut ensuite réintégré dans sa cellule et M. Borély prononça :

      – Je suis plus tranquille. Voilà qui est fait.

      – Et bien fait, monsieur le Directeur. Vos gens apportent, à ces fonctions, une délicatesse dont je tiens à les remercier par ce témoignage de ma satisfaction.

      Il donna un billet de cent francs à M. Borély qui fit un haut-le-corps.

      – Ah ! ça, mais… d’où vient ?

      – Inutile de vous creuser la tête, monsieur le Directeur. Un homme comme moi, menant la vie qu’il mène, est toujours prêt à toutes les éventualités, et aucune mésaventure, si pénible qu’elle soit, ne le prend au dépourvu, pas même l’emprisonnement.

      Il saisit entre le pouce et l’index de sa main droite le médius de sa main gauche, l’arracha d’un coup sec, et le présenta tranquillement à M. Borély.

      – Ne sautez pas ainsi, monsieur le Directeur. Ceci n’est pas mon doigt, mais un simple tube en baudruche, artistement colorié, et qui s’applique exactement sur mon médius, de façon à donner l’illusion du doigt réel.

      Et il ajouta en riant :

      – Et de façon, bien entendu, à dissimuler un troisième billet de cent francs… Que voulezvous ? On a le porte-monnaie que l’on peut et il faut bien mettre à profit…

      Il s’arrêta devant la mine effarée de M. Borély.

      – Je vous en prie, monsieur le Directeur, ne croyez pas que je veuille vous éblouir avec mes petits talents de société. Je voudrais seulement vous montrer que vous avez affaire à un… client de nature un peu… spéciale… et vous dire


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