Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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a eu lieu. M. Formerie eut un air fin.

      – Et comment se fait-il que vous n’ayez pas suivi cet exemple salutaire ?

      – J’ai tenté de le suivre. Mais l’issue était barrée par une porte que je n’ai pu ouvrir. C’est pendant cette tentative que l’autre est revenu dans la salle, et qu’il a tué son complice par peur des révélations que celui-ci n’aurait pas manqué de faire. En même temps il dissimulait au fond du placard, où on l’a trouvé, le paquet de vêtements que j’avais préparé.

      – Pourquoi ces vêtements ?

      – Pour me déguiser. En venant aux Glycines, mon dessein était celui-ci : livrer Altenheim à la justice, me supprimer comme prince Sernine, et réapparaître sous les traits…

      – De M. Lenormand, peut-être ?

      – Justement.

      – Non.

      – Quoi ?

      M. Formerie souriait d’un air narquois et remuait son index de droite à gauche, et de gauche à droite.

      – Non, répéta-t-il.

      – Quoi, non ?

      – L’histoire de M. Lenormand… C’est bon pour le public, ça, mon ami. Mais vous ne ferez pas gober à M. Formerie que Lupin et Lenormand ne faisaient qu’un.

      Il éclata de rire.

      – Lupin, chef de la Sûreté ! Non ! Tout ce que vous voudrez, mais pas ça ! Il y a des bornes… Je suis un bon garçon… mais tout de même… Voyons, entre nous, pour quelle raison cette nouvelle bourde ? J’avoue que je ne vois pas bien…

      Lupin le regarda avec ahurissement. Malgré tout ce qu’il savait de M. Formerie, il n’imaginait pas un tel degré d’infatuation et d’aveuglement. La double personnalité du prince Sernine n’avait pas, à l’heure actuelle, un seul incrédule. M. Formerie seul…

      Lupin se retourna vers le sous-chef qui écoutait, bouche béante.

      – Mon chef Weber, votre avancement me semble tout à fait compromis. Car enfin, si M. Lenormand n’est pas moi, c’est qu’il existe… et s’il existe, je ne doute pas que M. Formerie, avec tout son flair, ne finisse par le découvrir… auquel cas…

      – On le découvrira, monsieur Lupin, s’écria le juge d’instruction… Je m’en charge et j’avoue que la confrontation entre vous et lui ne sera pas banale.

      Il s’esclaffait, jouait du tambour sur la table.

      – Que c’est amusant ! Ah ! On ne s’ennuie pas avec vous. Ainsi, vous seriez M. Lenormand, et c’est vous qui auriez fait arrêter votre complice Marco !

      – Parfaitement ! Ne fallait-il pas faire plaisir au président du Conseil et sauver le Cabinet ? Le fait est historique.

      M. Formerie se tenait les côtes.

      – Ah ça ! C’est à mourir ! Dieu, que c’est drôle ! La réponse fera le tour du monde. Et alors, selon votre système, c’est avec vous que j’aurais fait l’enquête du début au Palace, après l’assassinat de M. Kesselbach ?…

      – C’est bien avec moi que vous avez suivi l’affaire du diadème quand j’étais duc de Charmerace, riposta Lupin d’une voix sarcastique.

      M. Formerie tressauta, toute sa gaieté abolie par ce souvenir odieux. Subitement grave, il prononça :

      – Donc, vous persistez dans ce système absurde ?

      – J’y suis obligé parce que c’est la vérité. Il vous sera facile, en prenant le paquebot pour la Cochinchine, de trouver à Saigon les preuves de la mort du véritable M. Lenormand, du brave homme auquel je me suis substitué, et dont je vous ferai tenir l’acte de décès.

      – Des blagues !

      – Ma foi, monsieur le Juge d’instruction, je vous confesserai que cela m’est tout à fait égal. S’il vous déplaît que je sois M. Lenormand, n’en parlons plus. S’il vous plaît que j’aie tué Altenheim, à votre guise. Vous vous amuserez à fournir des preuves. Je vous le répète, tout cela n’a aucune importance pour moi. Je considère toutes vos questions et toutes mes réponses comme nulles et non avenues. Votre instruction ne compte pas, pour cette bonne raison que je serai au diable vauvert quand elle sera achevée. Seulement…

      Sans vergogne, il prit une chaise et s’assit en face de M. Formerie de l’autre côté du bureau. Et d’un ton sec :

      – Il y a un seulement, et le voici : vous apprendrez, monsieur, que, malgré les apparences et malgré vos intentions, je n’ai pas, moi, l’intention de perdre mon temps. Vous avez vos affaires… j’ai les miennes. Vous êtes payé pour faire les vôtres. Je fais les miennes… et je me paye. Or, l’affaire que je poursuis actuellement est de celles qui ne souffrent pas un minute de distraction, pas une seconde d’arrêt dans la préparation et dans l’exécution des actes qui doivent la réaliser. Donc, je la poursuis, et comme vous me mettez dans l’obligation passagère de me tourner les pouces entre les quatre murs d’une cellule, c’est vous deux, messieurs, que je charge de mes intérêts. C’est compris ?

      Il était debout, l’attitude insolente et le visage dédaigneux, et telle était la puissance de domination de cet homme que ses deux interlocuteurs n’avaient pas osé l’interrompre.

      M. Formerie prit le parti de rire, en observateur qui se divertit.

      – C’est drôle ! C’est cocasse !

      – Cocasse ou non, monsieur, c’est ainsi qu’il en sera. Mon procès, le fait de savoir si j’ai tué ou non, la recherche de mes antécédents, de mes délits ou forfaits passés, autant de fariboles auxquelles je vous permets de vous distraire, pourvu, toutefois, que vous ne perdiez pas de vue un instant le but de votre mission.

      – Qui est ? demanda M. Formerie, toujours goguenard.

      – Qui est de vous substituer à moi dans mes investigations relatives au projet de M. Kesselbach et notamment de découvrir le sieur Steinweg, sujet allemand, enlevé et séquestré par feu le baron Altenheim.

      – Qu’est-ce que c’est que cette histoire-là ?

      – Cette histoire-là est de celles que je gardais pour moi quand j’étais… ou plutôt quand je croyais être M. Lenormand. Une partie s’en déroula dans mon cabinet, près d’ici, et Weber ne doit pas l’ignorer entièrement. En deux mots, le vieux Steinweg connaît la vérité sur ce mystérieux projet que M. Kesselbach poursuivait, et Altenheim, qui était également sur la piste, a escamoté le sieur Steinweg.

      – On n’escamote pas les gens de la sorte. Il est quelque part, ce Steinweg.

      – Sûrement.

      – Vous savez où ?

      – Oui.

      – Je serais curieux…

      – Il est au numéro 29 de la villa Dupont.

      M. Weber haussa les épaules.

      – Chez Altenheim, alors ? Dans l’hôtel qu’il habitait ?

      – Oui.

      – Voilà bien le crédit qu’on peut attacher à toutes ces bêtises ! Dans la poche du baron, j’ai trouvé son adresse. Une heure après, l’hôtel était occupé par mes hommes !

      Lupin poussa un soupir de soulagement.

      – Ah ! La bonne nouvelle ! Moi qui redoutais l’intervention du complice, de celui que je n’ai pu atteindre, et un second enlèvement de Steinweg. Les domestiques ?

      – Partis !

      – Oui, un coup de téléphone de l’autre les aura prévenus. Mais Steinweg


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