Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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derrière eux, les mains dans ses poches, Lupin les considérait avec attendrissement, et, en même temps, il savourait de tout son orgueil, en artiste et en maître, cette épreuve si violente de son autorité, de sa force, de l’empire incroyable qu’il exerçait sur les autres. Comment ces bandits avaient-ils pu admettre une seconde cette invraisemblable histoire, et perdre toute notion des choses, au point de lui abandonner toutes les chances de la bataille ?

      Il tira de ses poches deux grands revolvers, massifs et formidables, tendit les deux bras, et, tranquillement, choisissant les deux premiers hommes qu’il abattrait, et les deux autres qui tomberaient à la suite, il visa comme il eût visé sur deux cibles, dans un stand. Deux coups de feu à la fois, et deux encore…

      Des hurlements… Quatre hommes s’écroulèrent les uns après les autres, comme des poupées au jeu de massacre.

      – Quatre ôtés de sept, reste trois, dit Lupin. Faut-il continuer ?

      Ses bras demeuraient tendus, ses deux revolvers braqués sur le groupe que formaient le Brocanteur et ses deux compagnons.

      – Salaud ! gronda le Brocanteur, tout en cherchant une arme.

      – Haut les pattes ! cria Lupin, ou je tire… Parfait ! Maintenant, vous autres, désarmez-le sinon…

      Les deux bandits, tremblants de peur, paralysaient leur chef, et l’obligeaient à la soumission.

      – Ligotez-le ! Ligotez-le, sacré nom ! Qu’est-ce que ça peut vous faire ? Moi parti, vous êtes tous libres… Allons, nous y sommes ? Les poignets d’abord avec vos ceintures… Et les chevilles. Plus vite que ça…

      Désemparé, vaincu, le Brocanteur ne résistait plus. Tandis que ses compagnons l’attachaient, Lupin se baissa sur eux et leur assena deux terribles coups de crosse sur la tête. Ils s’affaissèrent.

      – Voilà de la bonne besogne, dit-il en respirant. Dommage qu’il n’y en ait pas encore une cinquantaine… J’étais en train… Et tout cela avec une aisance, le sourire aux lèvres… Qu’en penses-tu, le Brocanteur ?

      Le bandit maugréait. Il lui dit :

      – Sois pas mélancolique, mon gros. Console-toi en te disant que tu coopères à une bonne action, le salut de Mme Kesselbach. Elle va te remercier elle-même de ta galanterie.

      Il se dirigea vers la porte de la seconde chambre et l’ouvrit.

      – Ah ! fit-il, en s’arrêtant sur le seuil, interdit, bouleversé.

      La chambre était vide. Il s’approcha de la fenêtre, et vit une échelle appuyée au balcon, une échelle d’acier démontable.

      – Enlevée… enlevée… murmura-t-il. Louis de Malreich Ah ! le forban…

      – 2 –

      Il réfléchit une minute, tout en s’efforçant de dominer son angoisse, et se dit qu’après tout, comme Mme Kesselbach ne semblait courir aucun danger immédiat, il n’y avait pas lieu de s’alarmer. Mais une rage soudaine le secoua, et il se précipita sur les bandits, distribua quelques coups de botte aux blessés qui s’agitaient, chercha et reprit ses billets de banque, puis bâillonna des bouches, lia des mains avec tout ce qu’il trouva, cordons de rideaux, embrasses, couvertures et draps réduits en bandelettes, et finalement aligna sur le tapis, devant le canapé, sept paquets humains, serrés les uns contre les autres, et ficelés comme des colis.

      – Brochette de momies sur canapé, ricana-t-il. Mets succulent pour un amateur ! Tas d’idiots, comment avez-vous fait votre compte ? Vous voilà comme des noyés à la Morgue… Mais aussi on s’attaque à Lupin, à Lupin défenseur de la veuve et de l’orphelin ! Vous tremblez ? Faut pas, les agneaux ! Lupin n’a jamais fait de mal à une mouche… Seulement, Lupin est un honnête homme qui n’aime pas la fripouille, et Lupin connaît ses devoirs. Voyons, est-ce qu’on peut vivre avec des chenapans comme vous ? Alors quoi ? Plus de respect pour la vie du prochain ? Plus de respect pour le bien d’autrui ? Plus de lois ? Plus de société ? Plus de conscience ? Plus rien ? Où allons-nous, Seigneur, où allons-nous ?

      Sans même prendre la peine de les enfermer, il sortit de la chambre, gagna la rue, et marcha jusqu’à ce qu’il eût rejoint son taxi-auto. Il envoya le chauffeur à la recherche d’une autre automobile, et ramena les deux voitures devant la maison de Mme Kesselbach.

      Un bon pourboire, donné d’avance, évita les explications oiseuses. Avec l’aide des deux hommes il descendit les sept prisonniers et les installa dans les voitures, pêle-mêle, sur les genoux les uns des autres. Les blessés criaient, gémissaient. Il ferma les portes.

      – Gare les mains, dit-il.

      Il monta sur le siège de la première voiture.

      – En route !

      – Où va-t-on ? demanda le chauffeur.

      – 36, quai des Orfèvres, à la Sûreté.

      Les moteurs ronflèrent un bruit de déclenchements, et l’étrange cortège se mit à dévaler par les pentes du Trocadéro.

      Dans les rues on dépassa quelques charrettes de légumes. Des hommes, armés de perches, éteignaient des réverbères.

      Il y avait des étoiles au ciel. Une brise fraîche flottait dans l’espace.

      Lupin chantait.

      La place de la Concorde, le Louvre… Au loin, la masse noire de Notre-Dame…

      Il se retourna et entrouvrit la portière :

      – Ça va bien, les camarades ? Moi aussi, merci. La nuit est délicieuse, et on respire un air !

      On sauta sur les pavés plus inégaux des quais. Et aussitôt, ce fut le Palais de Justice et la porte de la Sûreté.

      – Restez-là, dit Lupin aux deux chauffeurs, et surtout soignez bien vos sept clients.

      Il franchit la première cour et suivit le couloir de droite qui aboutissait aux locaux du service central. Des inspecteurs s’y trouvaient en permanence.

      – Du gibier, messieurs, dit-il en entrant et du gros. M. Weber est là ? Je suis le nouveau commissaire de police d’Auteuil.

      – M. Weber est dans son appartement. Faut-il le prévenir ?

      – Une seconde. Je suis pressé. Je vais lui laisser un mot. Il s’assit devant une table et écrivit :

      « Mon cher Weber,

      « Je t’amène les sept bandits qui composaient la bande d’Altenheim, ceux qui ont tué Gourel et bien d’autres, qui m’ont tué également sous le nom de M. Lenormand.

      « Il ne reste plus que leur chef. Je vais procéder à son arrestation immédiate. Viens me rejoindre. Il habite à Neuilly, rue Delaizement, et se fait appeler Léon Massier.

      « Cordiales salutations.

      « Arsène LUPIN

      « Chef de la Sûreté. »

      Il cacheta.

      – Voici pour M. Weber. C’est urgent. Maintenant, il me faut sept hommes pour prendre livraison de la marchandise. Je l’ai laissée sur le quai.

      Devant les autos, il fut rejoint par un inspecteur principal.

      – Ah ! C’est vous, monsieur Lebœuf, lui dit-il. J’ai fait un beau coup de filet… Toute la bande d’Altenheim… Ils sont là dans les autos.

      – Où donc les avez-vous pris ?

      – En train d’enlever Mme Kesselbach et de piller sa maison. Mais j’expliquerai tout cela, en temps opportun.

      L’inspecteur principal le prit à part, et, d’un air étonné :

      –


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