Les grands guignols. Pier-Angelo Fiorentino

Les grands guignols - Pier-Angelo Fiorentino


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       Pier-Angelo Fiorentino

      Les grands guignols

      Publié par Good Press, 2021

       [email protected]

      EAN 4064066326838

       PARIS L’ÉTÉ

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       IX

       X

       XI

       XII

       XIII

       XIV

       XV

       XVI

       XVII

       XVIII

       XIX

       XX

       XXI

       XXII

       XXIII

       Table des matières

      Un des préjugés de Paris, c’est de ne pas vouloir croire à l’été. Lorsque les chaleurs arrivent, souvent plus étouffantes qu’en Sicile, en Afrique et au Sénégal, tout le monde paraît surpris. Les directeurs de théâtre poussent des gémissements, les glaciers manquent de glace, la population, accablée, défaillante, languit sur l’asphalte en fusion comme les tribus d’Israël avant que Moïse eût fait jaillir l’eau du rocher.

      Sous prétexte que l’été ne dure que trois mois, quelquefois quatre, on ne fait rien pour s’y préparer. Dans les pays chauds, où cependant la brise est plus fraîche qu’à Paris, vous avez des promenades sur l’eau, des promenades sous les arbres, des allées, des tunnels et des grottes où le soleil ne darde pas ses rayons; vous avez des vêtements légers et des chapeaux de paille à larges bords, des spectacles en plein vent, des cirques, des arènes; vous avez des fruits glacés, des figues d’Inde, des pastèques, des grenades; à chaque coin de rue s’élèvent de petits pavillons à colonnettes rayées de blanc et d’or, ornés de grands festons de citrons et d’oranges, et la foule est souvent si compacte autour de ces frais reposoirs, que l’acquajuolo est obligé de prendre dans sa main trois verres à la fois pour les remplir d’une eau froide et claire comme le cristal de roche, tempérée par quelque gouttes d’anis.

      Dans les pays chauds, vous avez la sieste aux heures brûlantes; les hamacs, les stores, les fauteuils en roseau; les terrasses ombragées de tentes en coutil ou de berceaux de vigne; les soupers de coquillages et de fruits de mer; enfin le bon sens et, la logique des habitants qui ont adopté le judicieux usage de dormir le jour et de veiller la nuit.

      A Londres, l’été dure moins longtemps qu’à Paris, et cependant toutes les précautions sont prises pour combattre la chaleur. Un excellent système de ventilation est appliqué aux salles de spectacle; les jardins publics abondent; partout des parcs, des squares, des arbres, des pièces d’eau magnifiques: On se baigne où l’on veut; j’ai vu de nombreux baigneurs, en costume de triton, s’ébattre paisiblement, dans l’étang de Kinsington, dans le parc de la reine!

      Il manque à Paris deux choses essentielles; l’eau et les arbres. Cependant la Seine est là, remplie de bonne volonté, et avec un peu d’industrie, on pour rait avoir des fontaines superbes, des étangs, des cascades, qui auraient le double avantage de rafraîchir l’air et de réjouir la vue. Quant à trouver de beaux arbres, je conviens que la chose est plus diflicile. Du train dont on y va, on montrera bientôt comme une curiosité tout arbre qui ne sera pas une allumette. Mais il reste encore quelques beaux chênes, quelques sapins oubliés, dans la forêt, de Saint-Germain, dans les bois de Meudon, de Verrières et de Bièvre, et grâce au chemin de fer, on peut, comme Mahomet, aller aux arbres si les arbres ne viennent pas à nous. Croiriez-vous qu’on a ouvert un bal à Enghien, à quelques pas de ce coude charmant que fait la Seine, à quelques pas de la forêt de Montmorency, et que les propriétaires de ce curieux établissement ont trouvé moyen de choisir le seul terrain peut-être de toute la contrée qui n’eût ni un filet d’eau ni un arbre? Avouez qu’il a fallu bien de l’esprit pour bâtir presque sur le lit du fleuve, un petit désert de sable, un coin de Sahara où l’on ne rencontre, pour toute oasis, que des lampions et des chaises!

      Nous avons des écoles de natation, c’est-à-dire de petits cachots, bien calfeutrés, entourés de planches et de toiles, où chacun a pour sa consommation particulière moins d’eau que dans une baignoire, et où l’on risque de recevoir à chaque instant sur la nuque les nageurs habiles dont la spécialité consiste à piquer des têtes.

      Il y a deux ou trois siècles, on y mettait moins de façons, on se baignait en plein air. Je lis ceci dans la Bruyère:

      «Tout le monde connaît cette longue levée qui borne et qui resserre le lit de la Seine du côté où elle entre à Paris avec la Marne qu’elle vient de recevoir les hommes s’y baignent au pied pendant les chaleurs de la canicule; on les voit de fort près se jeter dans l’eau, on les en voit sortir; c’est un amusement. Quand cette saison n’est pas venue, les femmes de la ville ne s’y promènent pas encore; et quand elle est passée, elles ne s’y promènent plus.»

      Dans ce temps-là les hommes allaient se baigner dans la Seine, au-dessus de la Porte-Saint-Bernard. Le bord de la rivière était encombré de dames; on y louait des chaises comme aujourd’hui aux Champs-Élysées. Les auteurs comiques et satiriques s’amusèrent beaucoup du choix de cette promenade En 1696, on joua au Théâtre-Italien une pièce de circonstance, sous ce titre attrayant: les Bains de la Porte-Saint-Bernard.

      J’ai


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