Haine d'amour. Daniel Lesueur

Haine d'amour - Daniel Lesueur


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murmura-t-il encore. Quel goût vous avez, Sabine!

      C’était une suprême tentative. Elle demeura inutile. Et l’inévitable scène commença.

      Pour la millième fois, Sabine peignit les amertumes de sa situation. Elle souffrait atrocement de se voir déclassée, mais n’admettait point qu’elle le fût, déclarant s’estimer au-dessus de ses anciennes relations mondaines qui détournaient la tête pour ne pas la saluer. Oui... à Cannes, par exemple, où elle en avait rencontré plusieurs. A cause de cela, le séjour de cette ville lui était devenu un supplice. Cependant la plupart de ces femmes ne se gênaient pas pour tromper leurs maris, et, le jour où il leur arriverait aussi quelque catastrophe, elles ne seraient pas capables, comme elle-même, de demander à l’art la dignité de leur existence et la réhabilitation. Quant à elle, son talent lui rendrait ce qu’elle avait perdu... Des titres plus beaux que sa couronne de comtesse, et des titres qu’au moins elle ne devrait qu’à elle seule... Puis, qui sait?... la fortune peut-être...

      Sabine s’exaltait, enragée d’orgueil, aiguillonnée par un besoin de revanche contre le sort, contre la société, contre son amant lui-même, qui lui offrait de l’argent et lui refusait son nom.

      Comme Vincent se taisait, ne paraissait pas croire à ses succès de peintre,—car les portraits de Mme Marsan l’eussent à peine fait vivre si elle n’eût possédé quelques rentes, produit de ses diamants admirables, jadis conservés grâce à la générosité du comte de Rovencourt, puis échangés contre des valeurs;—comme Vincent se taisait, Sabine lui lança même cette phrase, avec un cinglement d’ironie:

      —D’ailleurs, qu’importe?... J’aime mieux dix louis gagnés par mon pinceau que dix millions rapportés par l’Apéritif Bertet.

      A ce moment, Vincent regarda sa montre.

      —Quoi!... s’écria-t-elle. Le jour de mon retour!... Ne m’avez-vous pas réservé toute votre après-midi?

      —Pour ce que nous en faisons... dit le jeune homme.

      —Voilà, reprit Sabine, comme vous traitez une femme qui a tant souffert pour vous!... Ne devriez-vous pas être touché de ce que je ne veuille rien recevoir de vous que votre amour? Si je le possédais, je serais la femme la plus heureuse du monde, et je ne regretterais rien. Mais, ajouta-t-elle d’une voix amère, je vous demande la seule chose que vous ne puissiez pas me donner.

      —Ah! s’écria-t-il, perdant la maîtrise de lui-même, je vous donne plus que vous ne le saurez jamais!... Et la misérable fortune que je mettais à vos pieds tout à l’heure n’est rien auprès de ce que je vous sacrifie...

      —Vincent!... Vincent!... Qu’est-ce que tu veux dire?...

      Elle était domptée, transformée... Mais d’une si effrayante façon que M. de Villenoise eut peur de sa victoire. Cette créature violente, belle malgré tout dans sa colère, changea de visage: son teint mat prit une nuance terreuse, ses traits se tirèrent, ses lèvres blêmirent.

      —Que peux-tu me sacrifier?... balbutia-t-elle. Parle... Je le devine, va... C’est un mariage. O Vincent!... mon Vincent! Tu en aimes une autre... Je te suis à charge. Eh bien, je me tuerai!... Oh! oui, ce sera bon de mourir... Tu ne m’aimes plus!... Oh! c’est trop affreux!... c’est trop affreux!...

      Elle porta les deux mains à sa gorge. Elle étouffait. Une contraction nerveuse lui coupa la parole. Sa voix s’étrangla; les mots se perdirent en un rauque gémissement. Puis, tout à coup, un cri jaillit, et elle s’abattit en avant, le front sur le tapis.

      «Allons!...» se dit M. de Villenoise avec un soupir d’irritation.

      Mais la pitié le saisit, effaça tout. Déjà il s’agenouillait près d’elle, soulevait sa tête, prenait ses mains raidies, et baisait, avec des paroles de consolation, ses yeux, qui, sous les longues paupières, avaient perdu leur flamme et se convulsaient légèrement:

      —Sabine... Ma chérie... A quoi penses-tu?... Moi, me marier!... Mais il n’en est pas question... Mais je n’y songe pas!... Écoute... voyons... Tu sais bien que je t’ai donné toute ma vie...

      —Ah! gémit-elle avec un flot de larmes qui termina la crise nerveuse, tu le regrettes!...

      Il protesta; il lui fit des serments. Et comme elle demandait l’explication de ce mot de «sacrifice» prononcé par lui tout à l’heure, il déclara que c’était une plaisanterie.

      —Une plaisanterie!... avec l’expression que tu y as mise!

      —Eh bien, non, c’est vrai... Je ne plaisantais pas... Mais je voulais te taquiner, me venger un peu... Car tu m’avais poussé à bout.

      —Moi?... Comment?... fit-elle avec la plus sincère surprise. En te disant que je t’aimais pour toi-même, que je ne voulais pas de ta fortune?...

      Il n’insista pas. D’abord parce que c’était inutile; puis parce qu’il pensait à autre chose. En ce moment, Sabine, appuyée contre sa poitrine, semblait revenir à la vie, à la jeunesse, à la douceur et au sourire, dans son étreinte. Ses propres nerfs d’homme secoués par le bouleversement de cette nature féminine, par les pleurs de ces beaux yeux, par les caresses, commençaient à pressentir la saveur aiguë de volupté qui, souvent, s’était, pour eux, dégagée de pareilles scènes. Il pressa donc silencieusement et plus étroitement la jeune femme sur son cœur. Elle frissonna tout entière, poussa un soupir; puis, se dégageant:

      —Les yeux me brûlent, dit-elle. Je voudrais les baigner d’eau fraîche.

      Et, traversant l’atelier, elle alla soulever la portière qui voilait l’entrée de son boudoir.

      Vincent la suivit.

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