Mariages d'aventure. Emile Gaboriau
suite. S’il s’intéressait si vivement aux dispositions de l’appartement, au bois des meubles, à la couleur des tentures, c’est qu’il meublait par la pensée l’appartement de sa sœur. Sa conviction était telle, qu’il empêcha son ami d’acheter un petit tableau de Boucher, un chef-d’œuvre, parce qu’il trouvait le sujet peu convenable.
C’était cependant une occasion unique.
C’est vers cette époque que, tout à coup, le bruit des immenses richesses de Pascal se répandit à Lannion. Il avait remué ses louis d’or, et leurs tintements étaient venus aux oreilles de ses compatriotes. Toute la ville sut bientôt à n’en pas douter que le fils de M. Divorne était trois ou quatre fois millionnaire, pour le moins.
Cette incroyable nouvelle avait été apportée par deux enfants de la ville, qui, après être venus tenter fortune à Paris, retournaient au pays, Gros-Jean comme devant, plus pauvres de quelques mille écus, mais riches de cette conviction qu’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Ils avaient eu besoin de Pascal et l’avaient trouvé au moment critique.
Les braves gens mesurèrent le luxe de leur compatriote à leur reconnaissance, et ils racontèrent à qui voulut les entendre qu’il roulait voiture et habitait dans la capitale un palais des Mille et une nuits.
On ne les croyait qu’à demi, lorsque tous les faits qu’ils avaient avancés furent confirmés et au-delà par un jeune étudiant auquel Pascal avait prêté une fois quatre-vingts francs pour aller au bal masqué, et cent francs un autre jour pour apaiser un tailleur menaçant.
Ce jeune homme, qui avait dîné quelquefois chez Pascal, ne tarissait pas à son sujet. Les meubles de chêne et les bronzes l’avaient ébloui: on ne sait pas encore au Quartier Latin tout ce qui se fabrique à Paris de vieux chêne avec du carton-pâte verni, et de bronze florentin avec du mastic préparé par la galvanoplastie.
Cet étudiant, qui en était encore à s’étonner des magnificences et de la générosité de Pascal, stupéfia ses compatriotes par ses descriptions, faites de bonne foi. Selon lui, l’ingénieur se lavait les mains dans l’or, et, la nuit, reposait sur des matelas de billets de banque.
Les exagérations admises comme choses certaines, Pascal fut plus admiré qu’il n’avait été honni. Les pères qui avaient tremblé autrefois d’avoir un pareil fils, le citèrent en exemple à leurs enfants; ceux qui l’avaient le plus maltraité ne se pardonnaient pas cette offense, ce crime de lèse-capital. Ah! l’argent est un avocat puissant!
Le résultat immédiat et le plus clair de ce revirement d’opinion fut pour Pascal une avalanche de lettres: on se rappelait à son souvenir, on sollicitait sa protection pour un neveu, on lui dénonçait les gens qui avaient mal parlé de lui. Un conseiller municipal se hasarda à lui écrire et à faire un appel à «son bon cœur, au nom des pauvres de Lannion, sa ville natale.»
Pascal ne répondit à personne, mais il mit sous pli cinq cents francs pour les pauvres. A cette munificence royale, on vit bien que sa fortune n’avait pas été exagérée; on reconnut à ce trait l’homme dont la signature sur un chiffon de papier donne à ce chiffon la valeur de l’argent comptant. On le salua millionnaire. Quant à demander où et comment il avait gagné cette fortune énorme, personne n’en eut l’idée. Ce sont là d’indiscrètes questions qu’on adresse seulement aux pauvres diables.
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