Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron. Ciceron

Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron - Ciceron


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les cas qu’il avait l’intention d’exprimer.

      LI. La définition a lieu quand il se trouve dans le texte quelque mot dont on cherche la valeur.

      Par exemple : LA LOI DÉPOUILLE CEUX QUI, DANS UNE TEMPÊTE, ABANDONNENT LEUR VAISSEAU, ET DONNE LE BÂTIMENT ET SA CARGAISON A CEUX QUI NE LE QUITTENT PAS. « Deux hommes, dont l’un était propriétaire du navire, et l’autre de sa cargaison, rencontrèrent en pleine mer un malheureux naufragé qui, en nageant, implorait leur secours. Touchés de compassion, ils allèrent à lui, et le prirent à bord. Bientôt la tempête devint si furieuse que le propriétaire du navire, qui était en même temps pilote, se jette dans l’esquif, et fait tous ses efforts pour diriger le vaisseau à l’aide du câble qui l’attache à sa barque. Le propriétaire des marchandises,qui n’avait pas quitté le vaisseau, se jette de désespoir sur son épée. Celui qu’ils avaient recueilli tous deux s’empare alors du gouvernail et emploie tous ses efforts à sauver le bâtiment. Enfin les flots s’apaisent, le temps change. et l’on arrive au port. La blessure de celui qui s’était percé de son épée n’était pas dangereuse ; il fut bientôt guéri. Chacun de ces trois hommes réclame le navire et sa cargaison ; chacun d’eux fonde ses prétentions sur le texte de la loi. » La contestation naît du sens qu’on attache aux mots ; il faut définir ce qu’on entend par abandonner le bâtiment, ce qu’on entend par y rester ; et enfin, ce qu’on entend par le bâtiment lui-même. On emploiera ici les mêmes lieux que pour la question de définition.

      Maintenant que nous avons exposé les règles qui peuvent s’appliquer au genre judiciaire, nous traiterons des genres délibératif et démonstratif ; nous en tracerons les préceptes, et nous indiquerons les lieux qu’ils fournissent pour l’argumentation : non pas que toute cause ne se rattache nécessairement à une question ; mais ces causes ont des lieux communs qui leur sont propres, et qui, sans s’écarter de quelqu’une des questions, s’appliquent spécialement au caractère de ces genres.

      On veut que le genre judiciaire ait pour but l’équité, c’est-à-dire, une partie de l’honnêteté. Aristote donne pour but au délibératif l’utile, et nous, l’honnête et l’utile ; au démonstratif, l’honnête. Aussi, pour ce dernier genre, aux préceptes généraux et communs sur les divers moyens de confirmation, nous joindrons quelques règles particulières, appropriées au but vers lequel doit tendre tout le discours. Nous n’hésiterions pas à donner un exemple de chaque question, si nous n’étions persuadés que les développements qui répandent du jour sur les sujets obscurs, peuvent aussi rendre obscures des choses évidentes par elles-mêmes. Occupons-nous d’abord des préceptes du genre délibératif.

      LII. Tous les objets qui peuvent exciter les désirs de l’homme se divisent en trois genres ; il en est trois aussi des objets qu’il doit éviter. En effet, les uns, forts de leur secrète puissance, nous attirent à eux, moins par l’attrait des charmes qu’ils nous offrent, que par l’ascendant de leur dignité : telles sont la vertu, la science, la vérité. On désire les autres choses plutôt par intérêt et pour leur utilité que pour elles-mêmes : telles sont les richesses. D’autres enfin, qui participent des deux premières, nous séduisent par leur dignité naturelle et par une apparence d’utilité qui leur donne un nouveau prix : comme l’amitié, une bonne réputation. Il est facile, malgré notre silence, de reconnaître quels objets leur sont opposés. Pour abréger, nous allons donner un nom à chacun de ces genres. Tout ce qu’embrasse le premier, s’appelle honnête ; le second renferme l’utile ; le troisième se compose également de quelques parties des deux premiers ; mais comme il n’est pas étranger à l’honneur, principe bien supérieur à l’autre, nous lui donnerons le nom le plus honorable, et nous l’appellerons aussi honnête. Nous conclurons de là que l’honneur et le bien sont le principe des choses désirables, et la honte et le mal, le principe de celles qu’on doit rejeter. A ces deux principes, il faut en ajouter deux autres non moins puissants, ! a nécessité et les circonstances. Dans l’un, on considère la force ; dans l’autre, les objets et les personnes : nous les développerons plus bas. Maintenant expliquons ce qui constitue l’honneur.

      LIII. Nous appellerons honnête, ce qu’en tout ou en partie on recherche pour soi-même. On divise en deux classes ce qui concerne l’honnêteté de nos actions : l’une embrasse seulement l’honnêteté ; et l’autre, l’honnêteté et l’utilité. Occupons-nous d’abord de la première. La vertu, sous un seul mot et sous une seule nature, comprend tout ce qui a rapport à l’honnêteté ; car la vertu est une disposition naturelle de l’âme, conforme à la raison. Si donc nous connaissons la vertu dans toutes ses parties, nous aurons une définition complète de ce seul mot, honnêteté. La vertu a quatre parties : la prudence, la justice, la force, et la tempérance. La prudence est la connaissance du bien et du mal, et de ce qui n’est ni l’un ni l’autre. Elle se compose de la mémoire, de l’intelligence, et de la prévoyance. Par la mémoire, l’âme se rappelle le passé ; l’intelligence examine le présent ; la prévoyance lit dans l’avenir. La justice est une disposition de l’âme, qui, sans blesser l’intérêt général, rend à chacun ce qui lui est dû. Elle a sa source dans la nature ; ensuite l’utilité a fait de certaines choses autant de coutumes ; enfin la crainte des lois et la religion ont sanctionné l’ouvrage de la nature, confirmé par l’habitude.

      Le droit naturel n’est point fondé sur l’opinion ; nous le trouvons gravé dans nos cœurs, comme la religion, la piété, la reconnaissance, la vengeance, le respect et la vérité. La religion nous enseigne à consacrer un hommage et un culte à une nature suprême, qu’on appelle divine. La piété est l’exact accomplissement de nos devoirs envers nos parents et les bienfaiteurs de notre patrie. La reconnaissance est le souvenir de l’attachement et de l’affection d’un autre, et le désir de lui rendre service pour service. La vengeance repousse et punit la violence, l’injustice et tout ce qui peut nous nuire. Le respect consiste dans les marques de déférence qu’on témoigne aux hommes supérieurs en mérite et en dignité. La vérité est le récit et comme l’image fidèle du présent, du passé ou de l’avenir.

      LIV. Le droit fondé sur la coutume consiste, ou dans le développement et la force que l’usage donne à des notions naturelles, comme à la religion, ou dans les choses que nous inspire la nature, confirmées par l’habitude, et que le temps et l’approbation du peuple ont changées en coutumes, comme un contrat, l’équité, un jugement antérieur. Un contrat est un traité entre deux ou plusieurs individus. L’équité donne un droit égal à tous. Un jugement antérieur est la décision déjà rendue par une ou plusieurs personnes. Le droit civil est renfermé dans ces lois écrites, qu’on ex-pose à la vue du peuple, pour qu’il s’y conforme.

      La force brave les dangers et soutient les travaux, dont elle connaît l’étendue. Elle comprend la grandeur, la fermeté, la patience, la persévérance. La grandeur exécute avec éclat les nobles et vastes projets qu’elle a formés pour atteindre le but élevé que s’est proposé son ambition. La fermeté est une juste confiance de l’âme en elle-même, dans l’exécution de projets grands et honorables. La patience supporte volontairement de longs et pénibles travaux, pour arriver à un but utile et honnête. La persévérance persiste dans le parti qu’elle a embrassé après de mûres réflexions.

      La tempérance règle et dirige, d’une main ferme et sûre, toutes les passions et tous les désirs de l’âme. Elle comprend la continence, la clémence et la modération. La continence assujettit les passions au joug de la sagesse. La clémence calme, par la douceur, l’emportement de la haine. La modération donne à une honnête pudeur un ascendant qu’on aime et qui dure longtemps. On doit rechercher toutes ces vertus pour elles-mêmes, et sans aucune vue d’intérêt. Le démontrer, serait nous écarter de notre plan, et de la brièveté qui convient aux préceptes.

      On doit éviter, toujours pour eux-mêmes, non seulement les vices contraires à ces vertus, comme la lâcheté opposée au courage, l’injustice à l’équité, mais encore ceux qui, tout en paraissant plus proches et plus voisins de la vertu, n’en sont pas moins très éloignés. La faiblesse, par exemple, est opposée à la fermeté, et par cela même est un vice. L’audace ne lui est pas


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