La cour et la ville de Madrid vers la fin du XVIIe siècle. Marie Catherine d'Aulnoy

La cour et la ville de Madrid vers la fin du XVIIe siècle - Marie Catherine  d'Aulnoy


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Cette fable était répandue par les partisans de Don Juan qui aspira, à ce qu'il semble, un instant à la couronne malgré sa bâtardise. Une lettre de Louis XIV au chevalier de Gremonville témoigne que l'opinion générale acceptait le récit dont parle madame d'Aulnoy. (Négociations relatives à la succession d'Espagne, t. III, p. 390.)

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Les reines d'Espagne, à la mort de leurs époux, se retiraient dans le couvent de las Descalzas Reales et, par un usage bizarre, les maîtresses du Roi étaient obligées d'en faire autant lorsqu'il venait à se séparer d'elles.

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A l'âge de quatre ans, le roi Charles II pouvait à peine marcher et parler. Il était debout, dit l'archevêque d'Embrun, appuyé sur les genoux de la señora Miguel de Texada, menine qui le soutenait par les cordons de sa robe. Il porte sur sa tête un petit bonnet à l'anglaise qu'il n'a pas la force d'ôter, ainsi qu'il l'aurait fait autrement lorsque je m'approchai de lui avec M. le marquis de Bellefond. Nous n'en pûmes tirer aucune parole, sinon celle qu'il me dit: cubrios, et sa gouvernante, qui était à la droite de la menine, fit quelques réponses à nos compliments. Il est extrêmement faible, le visage blême et la bouche tout ouverte, ce qui marque quelque indisposition de l'estomac, ainsi que les médecins en demeurent d'accord; et quoique l'on dise qu'il marche sur ses pieds et que la menine le tient seulement par les cordons pour l'empêcher de faire un mauvais pas, j'en douterais fort, et je vis qu'il prit la main de sa gouvernante pour s'appuyer en se retirant. Quoiqu'il en soit, les médecins jugent mal de sa longue vie, et il semble que l'on prend ici ce fondement pour règle de toutes les délibérations. (Négociations relatives à la succession d'Espagne, t. I.)

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Le maréchal de Gramont fait en ces termes le portrait de la nation espagnole: Nation, dit-il, fière, superbe et paresseuse. La valeur lui est assez naturelle, et j'ai souvent ouï dire au grand Condé qu'un Espagnol courageux avait encore une valeur plus fine que les autres hommes. La patience dans les travaux et la constance dans l'adversité sont des vertus que les Espagnols possèdent au dernier point. Les moindres soldats ne s'étonnent que rarement des mauvais événements… Leur fidélité pour le Roi est extrême et louable au dernier point. Quant à l'esprit, ou voit peu d'Espagnols qui ne l'aient vif et agréable dans la conversation, et il s'en trouve dont les saillies (agudezas) sont merveilleuses. Leur vanité est au delà de toute imagination, et, pour dire toute la vérité, ils sont insupportables à la longue à toute autre nation, n'en estimant aucune dans le monde que la leur seule… Leur paresse et l'ignorance, non-seulement des sciences et des arts, mais quasi-généralement de tout ce qui se passe de l'Espagne, vont presque de pair et sont inconcevables. (Collection des Mémoires relatifs à l'Histoire de France, t. XXXI, p. 524.)

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L'incurie espagnole a perpétué jusqu'à nos jours un règlement du dix-septième siècle, qui avait pour but de faciliter les diverses professions. Ce règlement s'appliquait alors avec une telle rigueur, que l'aubergiste du Hollandais Van Aarsen de Sommerdyck fut traduit en justice pour avoir engraissé des volailles qu'il destinait à la table de ses hôtes. La police se mêlait, on le voit, des moindres détails.

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Chaque église avait ainsi sa légende. Le conseiller Bertault fut invité à faire ses oraisons devant une cage de poules merveilleuses que l'on conservait dans l'église de San Domingo de la Calzada, près de Najera. Au dire du sacristain, un homme qui avait été pendu et qui, pour le bon exemple, était depuis plusieurs années resté accroché à la potence, appela de toutes ses forces un passant et le pria d'aller chez le corrégidor pour obtenir qu'il fût décroché de sa potence, et qu'il pût aller expliquer par quelle suite d'erreurs il avait été condamné. Le passant trouva le corrégidor fort incrédule; c'était, à ce qu'il semble, un esprit fort frisant l'hérétique. Il répondit qu'il croirait à ce miracle si le poulet rôti qu'on venait de lui servir venait à ressusciter. A l'instant, le poulet se dressa sur ses pattes et se mit à chanter. Le corrégidor, touché cette fois, courut à la potence, délivra son homme dont l'innocence ne tarda pas à être établie. En souvenir de cette intervention de Dieu, le poulet fut précieusement recueilli, placé comme une relique dans l'église, et devint l'auteur de la vénérable famille que le conseiller Bertault avait sous les yeux. (Journal d'un Voyage en Espagne, p. 17.)

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Les Velasco, ducs de Frias.

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Le besoin du vrai, si repoussant qu'il soit, dit un de nos contemporains, est un trait caractéristique de l'art espagnol: l'idéal et la convention ne sont pas dans le génie de ce peuple, dénué complètement d'esthétique. La sculpture n'est pas suffisante pour lui; il lui faut des statues coloriées, des madones fardées et revêtues d'habits véritables. Jamais, à son gré, l'illusion matérielle n'a été portée assez loin, et cet amour effréné du réalisme lui a fait souvent franchir le pas qui sépare la statuaire du cabinet de figures de cire de Curtius.

Le célèbre Christ si révéré de Burgos, que l'on ne peut faire voir qu'après avoir allumé des cierges, est un exemple frappant de ce goût bizarre. Ce n'est plus de la pierre, du bois enluminé: c'est une peau humaine (on le dit, du moins), rembourrée avec beaucoup d'art et de soin. Les cheveux sont de véritables cheveux; les yeux ont des cils, la couronne d'épines est en vraies ronces, aucun détail n'est oublié. Rien n'est plus lugubre et plus inquiétant à voir que ce long fantôme crucifié, avec son faux air de vie et son immobilité morte; la peau, d'un ton rance et bistré, est rayée de longs filets de sang si bien imités, qu'on croirait qu'il ruisselle effectivement. Il ne faut pas un grand effort d'imagination pour ajouter foi à la légende, qui raconte que ce crucifix miraculeux saigne tous les vendredis. Au lieu d'une draperie enroulée et volante, le Christ de Burgos porte un jupon blanc brodé d'or qui lui descend de la ceinture aux genoux; cet ajustement produit un effet singulier, surtout pour nous qui ne sommes pas habitués à voir Notre-Seigneur ainsi costumé. Au bas de la croix sont enchâssés trois œufs d'autruche, ornement symbolique dont le sens m'échappe, à moins que ce ne soit une allusion à la Trinité, principe et germe de tout. (Théophile Gautier, Voyage en Espagne, p. 50.)

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Les historiens, entre autres Dunlope, attribuent la répression des troubles de Sicile, les uns au comte de San Estevan, les autres au marquis de Las-Navas. Il est facile de les mettre d'accord; ces deux titres appartenaient au même personnage, Don Francisco de Benavides de la Cueva Davila y Torella, neuvième comte de San Estevan del Puerto, marquis de Solera et de Las-Navas, comte de Concentaina et de Risco, capitaine général de Sardaigne, puis de Sicile et de Naples. Revenu en Espagne en 1696, il fut nommé conseiller d'État, cavallerizo mayor, puis mayordomo mayor; la même année, il se couvrit devant le Roi.

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Le Roi d'Espagne n'était représenté à Messine que par le Stradico, dont la nomination lui était réservée. Toutes les affaires passaient par les mains des sénateurs élus par la noblesse et le peuple et les jurats qui représentaient les vingt métiers de la bourgeoisie. La ville avait des priviléges considérables qu'elle prétendait remonter au temps d'Arcadius; entre autres, elle déterminait ses impôts et exerçait une juridiction sans appel sur tout le territoire environnant. Restée fidèle au Roi d'Espagne lors de l'insurrection de 1647, elle avait obtenu à cette époque le monopole des soies de Sicile. Ce monopole souleva de telles plaintes, que le Roi Charles II se vit dans la nécessité de l'abolir. La ville de Messine, à son tour, envoya des députés porter ses plaintes à Madrid et eut l'étrange idée de demander pour eux le traitement accordé aux ambassadeurs des têtes couronnées. Charles II repoussa cette prétention et, de plus, il maintint sa décision première. Il en était résulté à Messine un sentiment d'irritation qu'étaient venus aggraver des démêlés avec le Stradico, Don Luis de Hojo. Ce personnage, usant de la politique habituelle aux Espagnols, mit la faction populaire des Merli aux prises avec la faction aristocratique des Malvezzi. Les Malvezzi, poussés à bout, appelèrent à leur aide la flotte française, qui, après avoir occupé quelque temps la ville, dut s'éloigner et abandonna ainsi Messine à la vengeance du Roi d'Espagne.

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Madame d'Aulnoy exagère en cette circonstance les rigueurs de l'Espagne. L'amnistie accordée par le Roi fut respectée; mais, trois mois


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