Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier. Du Casse Albert

Histoire anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Premier - Du Casse Albert


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donner du batelage.

      Si vous me demandez où nous l'irons chercher;

      Amis c'est aux forains que nous devons marcher.

      Voyant que la Comédie-Française n'avait pas même le privilége, avec de mauvaises pièces faites à la mode, de lutter contre les lazzis des théâtres forains, Dancourt trouva un autre expédient, celui de faire valoir le privilége exclusif de la troupe et d'en demander la stricte exécution en justice.

      Plusieurs sentences et divers arrêts furent en effet rendus dans ce sens, mais sans être exécutés. Enfin le Parlement se mêla du procès et fit défense aux théâtres de la foire de faire servir leurs établissements à d'autres usages qu'à ceux de leur profession, permettant, en cas de contravention, de démolir leurs salles de spectacles. Les petits théâtres voulurent encore lutter et les comédiens du roi firent abattre plusieurs salles. Un nouvel arrêt du conseil en date du 17 mars 1710 confirma celui du Parlement.

      Le 18 juin 1757, un règlement pour la Comédie-Française fut promulgué, lequel annulait tout ce qui avait été décrété jusqu'alors concernant ce théâtre, formé en France, dit le préambule royal, par les talents des plus grands auteurs.

      Quarante articles réglaient tout ce qui avait rapport: 1o A l'administration, aux parts bénéficiaires des acteurs, à leurs devoirs, à leurs droits, à leurs pensions de retraite; 2o aux retenues pour l'Hôpital général, pour l'Hôtel-Dieu, pour le traitement des employés; 3o à la tenue des archives; 4o à la composition du conseil de la troupe, et enfin à tout ce qui concernait l'organisation complète de cette société.

      La Comédie-Française était à la disposition du roi. Elle jouait habituellement à la cour depuis la Saint-Martin jusqu'au jeudi d'avant la Passion, et lorsque la famille royale allait à Fontainebleau, une partie de la troupe s'y rendait également. Chaque sujet avait un supplément. Une assemblée générale avait lieu tous les lundis à l'hôtel de la Comédie, et c'était alors que les auteurs présentaient leurs pièces, qui devaient être examinées par l'assemblée.

      En 1770, les comédiens ordinaires du roi s'établirent dans la salle des Tuileries où ils jouèrent jusqu'à l'année 1782, pendant que l'on construisait pour eux le théâtre de l'Odéon où ils restèrent de 1782 à 1799.

      La salle de l'Odéon, bâtie par ordre de Louis XVI, d'après les plans des architectes Peyre, Lainé et Vailly, fut incendiée en 1799 et la Comédie-Française s'installa, à la suite de cet événement, au théâtre de la rue Richelieu, où elle se trouve encore aujourd'hui. Cette salle de la rue Richelieu avait été commencée en 1787, aux frais du duc d'Orléans. Terminée au bout de trois ans, la troupe des Variétés-Amusantes l'avait occupée en 1790, pour la céder, en 1799, aux comédiens français. L'Odéon, brûlé en 1799, reconstruit sur ses anciennes fondations par décision du Premier Consul, servit à la troupe de M. Picard. Le feu détruisit une seconde fois cette belle salle le 20 mars 1818. Louis XVIII la fit encore rebâtir et annexa la troupe qui en exploitait le privilége à la Comédie-Française, l'autorisant à y représenter les tragédies, les drames et les comédies données sur la scène française.

      Pendant la période de 1710 à 1799, la Comédie-Française, devenue la première scène du monde, introduisit d'importantes et très-utiles améliorations dans ses habitudes intérieures. Elle arriva successivement, ainsi que nous allons le raconter, à la réforme complète des costumes, à leur appropriation à l'époque, de façon à ce que les paroles ne fussent plus un anachronisme chronique avec les vêtements. Elle obtint (à grand'peine, il est vrai), mais enfin, elle obtint la liberté de l'emplacement sur lequel est représentée la pièce jouée par les acteurs.

      Jusqu'en l'année 1727, les acteurs et actrices disaient leurs rôles vêtus comme ils l'étaient dans la vie habituelle. On comprend combien cela nuisait à l'illusion, et quel ridicule en fût même résulté, si les yeux n'eussent été depuis longtemps façonnés par l'usage à cette bizarre disparate. A l'une des reprises de la tragédie de Campistron, Tiridate, en 1727, Mlle Lecouvreur, excellente actrice et femme de goût, commença une petite réforme dans le costume; mais comme les choses, même les plus simples et les plus naturelles, ne se modifient pas en un jour, au lieu d'adopter pour elle et pour ses camarades de théâtre le vêtement spécial à l'œuvre dramatique représentée, elle ne fit que changer le costume de ville en costume de cour, c'est-à-dire qu'elle parut sur la scène en robe à queue traînante et à paniers, comme en portaient les grandes dames au commencement du dix-huitième siècle. Cette nouveauté fut approuvée du public.

      Il n'en est pas moins vrai que pendant plus de trente années encore, on vit à la Comédie-Française les femmes des consuls romains et des héros grecs en robes bouffantes, la tête surmontée d'énormes coiffures inventées souvent par le mauvais goût de l'actrice. Les artistes de l'époque pensaient avoir bien mérité de la patrie et des beaux-arts en représentant les reines ou les princesses de la plus haute antiquité déguisées en marquises de la cour de Louis XV. Les acteurs étaient tout aussi ridicules. Avec la cuirasse antique, avec le cothurne, le Romain ou le héros grec de la Comédie-Française se coiffait d'un chapeau à plumes surmonté d'un panache. On applaudissait un Ajax, un Ulysse, un Agamemnon en perruque de magistrat, ayant au-dessus de cette perruque un casque plus ou moins grec ou troyen. Le bon roi Priam traînait sur la scène une casaque de marchand arménien, et toutes ces absurdes bigarrures de costume, loin d'être l'objet de plaisanteries dans le public, étaient souvent applaudies et admirées.

      C'est donc ainsi attiffés que parurent sur la scène française les héros de Rotrou, de Corneille, de Racine. Le Cid et Cinna eurent pour interprètes des acteurs en fraise plate, en hauts-de-chausses à dentelle, en juste-au-corps à petites basques; des actrices en corsage court et rond, avec le sein découvert, la jupe à queue, les talons élevés, les cheveux crêpés et bouffants. Auguste avait une couronne de laurier par dessus sa perruque à la Louis XIV.

      Racine avait plusieurs fois senti le ridicule de l'habillement adopté au théâtre. Il voulut s'y opposer, obtenir des modifications, l'usage fut plus fort que sa logique. Baron, le grand Baron lui-même, qui avait su réformer la diction ampoulée de ses prédécesseurs, ne comprit pas l'harmonie du costume. Sur la fin de sa carrière dramatique, il joua le jeune Misaël des Machabées, vêtu en bourgeois de Paris, avec un toquet d'enfant et des manches pendantes.

      Sorel, dans la Maison des jeux, raconte que le rôle d'Hercule était interprété par un acteur en vêtements ordinaires, mais en manches retroussées, qui le faisaient ressembler à un cuisinier en fonction. Il portait sur l'épaule, en guise de massue, une petite bûche. Apollon avait l'habitude de mettre derrière son oreille une plaque jaune destinée à représenter le soleil.

      En 1747, une jolie comédie en trois actes, de Lachaussée, l'Amour castillan, fut donnée aux Italiens avec des costumes espagnols. Cette nouveauté étonna beaucoup, mais ne produisit pas d'autre sensation.

      En 1753, madame Favart fit un rôle de paysanne, sans robe à paniers, sans gants, sans coiffure; mais comme une fille de village, en jupon de serge, les cheveux plats, la croix d'or au cou, les bras nus et enfin chaussée de sabots, ce qui déplut aux élégants de l'époque.

      En 1755, Lekain et mademoiselle Clairon, guidés par le bon goût et par l'amour de l'art dramatique, sentirent enfin le ridicule du costume et la nécessité d'arriver à une réforme devenue indispensable. Grâce à ces deux grands artistes, les paniers, les chapeaux à plumes disparurent de la tragédie; les habits furent coupés à la mode antique; les représentations théâtrales devinrent plus pompeuses. Les décors furent rendus plus semblables à la réalité, le nombre des gardes et des soldats qui environnent les rois fut augmenté. Les changements à vue eurent une plus grande précision. En un mot, tout s'améliora dans ce que l'on appelle la mise en scène.

      Toutefois, ni Lekain ni mademoiselle Clairon n'eurent assez de puissance encore, pour faire adopter complétement le costume vrai de l'époque dans chaque œuvre dramatique. Les Scythes et les Sarmates portèrent la peau de tigre, les Turcs le turban et le sabre recourbé; mais pour bien des rôles l'habit français resta toujours de mise. Il fallut que Talma vînt donner


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