Une Cour de Voleurs . Морган Райс
pas me dire ce qui se passe, n'est-ce pas ?” dit Kate. Elle essaya de cacher sa frustration en se concentrant sur tout ce qu'elle avait gagné. Elle était plus forte, maintenant, et plus rapide : était-il si grave de ne pas tout savoir ? En fait, oui.
“Tu apprends déjà”, répondit Siobhan. “Je savais que je n'avais pas fait d'erreur en te choisissant comme apprentie.”
En la choisissant ? C'était Kate qui était partie à la recherche de la fontaine, pas une seule fois mais deux. C'était elle qui avait demandé à être forte et qui avait décidé d'accepter les conditions de Siobhan. Elle n'allait pas laisser l'autre femme la persuader que cela s'était passé autrement.
“C'est moi qui suis venue ici”, dit Kate. “C'est moi qui ai choisi.”
Siobhan haussa les épaules. “Effectivement. Et maintenant, il est temps que tu te mettes à apprendre.”
Kate regarda autour d'elle. Ce n'était pas une bibliothèque comme celle qu'il y avait en ville. Ce n'était pas un champ d'entraînement avec des maîtres d'armes comme celui où le régiment de Will l'avait humiliée. Que pouvait-elle apprendre ici, dans cet endroit sauvage ?
Malgré cela, elle se prépara, se tint devant Siobhan et attendit. “Je suis prête. Que dois-je faire ?”
Siobhan pencha la tête d'un côté. “Attends.”
Elle alla vers un lieu où un petit feu avait été aménagé dans une fosse, prêt à être allumé. Sans se soucier d'utiliser du silex et de l'acier, Siobhan jeta du feu dans la fosse puis murmura des mots que Kate ne comprit pas quand de la fumée s'en éleva.
La fumée commença à se tortiller et à se contorsionner, à prendre des formes à mesure que Siobhan la dirigeait comme un chef d'orchestre aurait pu diriger des musiciens. La fumée se fondit en une seule forme qui était vaguement humaine et se dissipa finalement, laissant apparaître une chose qui ressemblait à un guerrier venu d'une époque lointaine. Il tenait une épée qui avait l'air dangereusement tranchante.
En fait, elle était si tranchante que Kate n'eut même pas le temps de réagir quand il lui en transperça le cœur.
CHAPITRE TROIS
Elles laissèrent Sophia pendue sur place toute la nuit, seulement retenue au poteau de punition par les cordes avec lesquelles elles l'y avaient attachée. Cette immobilité totale était presque aussi douloureuse que son dos ravagé, car ses membres brûlaient de ne pas pouvoir bouger. Elle ne pouvait rien faire pour soulager la douleur que les coups lui avaient infligée ou la honte de se retrouver abandonnée dehors, sous la pluie, comme une sorte d'avertissement destiné aux autres orphelins du lieu.
Alors, Sophia les détesta avec la sorte de haine que Kate avait trop aimée en dépit des reproches de sa grande sœur. Elle voulait les regarder mourir et ce désir était lui aussi une sorte de douleur parce que Sophia ne serait jamais en position de le concrétiser. Pour l'instant, elle ne pouvait même pas se libérer.
Elle ne pouvait pas non plus dormir. La douleur et sa position inadaptée l'en empêchaient. C'était tout juste si Sophia parvenait à entrer dans une sorte de transe où elle rêvait à moitié et où le passé se mêlait au présent pendant que la pluie continuait à lui coller les cheveux à la tête.
Elle rêvait de la cruauté qu'elle avait vue à Ashton, et pas seulement dans l'enfer sur terre qu'était l'orphelinat. Les rues avaient été presque aussi violentes avec leurs prédateurs et leur cruel manque de soin pour ceux qui finissaient entre leurs mains. Même au palais, pour chaque bonne âme, il y avait eu une personne comme Milady d’Angelica qui avait l'air de se réjouir que sa position lui donne le pouvoir d'être cruelle avec les autres. Sophia méditait sur un monde qui était rempli de guerres et de cruauté humaine et se demandait comment il avait pu devenir un endroit aussi impitoyable.
Sophia essayait de penser à des choses plus tendres mais ce n'était pas facile. Elle commença à penser à Sebastian mais, en vérité, cela lui faisait trop mal. Tout avait eu l'air vraiment parfait entre eux puis, quand il avait découvert ce qu'elle était … tout s'était effondré à une telle vitesse que, maintenant, Sophia avait l'impression d'avoir le cœur en cendres. Il n'avait même pas essayé de se révolter contre sa mère ou de rester avec Sophia. Il s'était contenté de la chasser.
Alors, Sophia pensa à Kate et, en pensant à elle, elle eut à nouveau envie de l'appeler à l'aide une fois de plus. Elle lui envoya un autre appel alors que l'aube teintait le ciel de ses premières lueurs mais, malgré ses efforts, rien en se produisit. Pire encore, penser à sa sœur lui rappela surtout des souvenirs de moments difficiles à l'orphelinat, ou d'autres choses plus anciennes.
Sophia pensa au feu. A l'attaque. Quand c'était arrivé, elle avait été si jeune que, maintenant, elle s'en souvenait tout juste. Elle se souvenait du visage de sa mère et du visage de son père mais pas de leur voix, mis à part au moment où ils lui avaient ordonné de s'enfuir. Elle se souvenait qu'il avait fallu qu'elle s'enfuie mais ne se souvenait de presque rien avant ça. Il y avait eu un cheval à bascule en bois, une grande maison où il avait été facile de jouer à se perdre, une nounou …
C'était tout ce que Sophia arrivait à extraire de sa mémoire. La Maison des Oubliés avait presque entièrement recouvert ses souvenirs d'un miasme de douleur et il était donc difficile de se souvenir d'autre chose que des corrections et des meules, que de la soumission obligatoire et de la terreur qui venait quand on savait où tout cela menait.
La même chose qui attendait maintenant Sophia : être vendue comme un animal.
Combien de temps resta-t-elle pendue là, immobile en dépit de toutes ses tentatives d'évasion ? Au moins assez longtemps pour que le soleil se retrouve au-dessus de l'horizon, assez longtemps pour que, quand les sœurs masquées vinrent la descendre de son perchoir, les membres de Sophia ne puissent plus la porter et la laissent tomber sur les pierres de la cour. Les sœurs ne firent rien pour l'aider.
“Debout”, ordonna l'une d'elles. “Jamais tu ne paierais ta dette en ayant cet air-là.”
Sophia resta allongée sur place, serrant les dents pour lutter contre la douleur à mesure que ses jambes se réveillaient. Elle ne bougea que quand la sœur se défoula en lui envoyant un coup de pied.
“ Debout, j'ai dit”, dit-elle d'un ton cassant.
Sophia se força à se relever et les sœurs masquées la saisirent par les bras de la façon dont Sophia imaginait qu'on emmenait un prisonnier se faire exécuter. Elle ne se sentait guère mieux à l'idée de ce qui l'attendait.
Elles l'emmenèrent dans une petite cellule en pierre où attendaient des seaux d'eau. Alors, elles la récurèrent et, d'une façon ou d'une autre, les sœurs masquées réussirent à transformer même cet acte en une sorte de torture. Une partie de l'eau était si chaude qu'elle ébouillanta Sophia en lavant le sang qu'elle avait sur elle, la faisant crier avec toute la douleur qu'elle avait ressentie quand la sœur O’Venn l'avait battue.
La plus grande partie de l'eau était glaciale et fit frissonner Sophia. Même le savon que les sœurs utilisèrent la piqua, lui brûla les yeux quand elles lui lavèrent les cheveux et les lui attachèrent en formant un nœud approximatif qui ne ressemblait en rien aux coiffures élégantes du palais. Elles lui prirent ses sous-vêtements blancs et lui donnèrent la robe fourreau grise de l'orphelinat. Après les vêtements raffinés que Sophia avait portés les jours précédents, la robe lui gratta la peau comme des insectes qui mordent. Elles ne lui donnèrent rien à manger. Ce n'était probablement plus la peine, maintenant qu'elles avaient fini d'investir en elle.
Voilà ce qu'était cet endroit. C'était comme une ferme à enfants. On les nourrissait juste assez de compétences et de peur pour qu'ils deviennent des apprentis ou des domestiques utiles puis on les vendait.
“Vous savez que c'est mal”, dit Sophia alors qu'elles la faisaient avancer vers la porte. “Vous ne voyez pas ce que vous faites