Les Plus Vaillants: Le Fil de l’Épée, tome 2. Морган Райс
— Je ne sais pas, parvint à répondre Raymond et le simple fait de parler fut douloureux. Nous devons être courageux, Garet.
Il vit son frère hocher la tête, l’air déterminé malgré la situation dans laquelle ils se trouvaient tous les trois. Autour d’eux, il pouvait voir la campagne défiler, avec des fermes et des champs s’étendant de chaque côté de la route et des arbres au loin. Quelques collines se dressaient là, et quelques bâtiments, mais ils semblaient être loin de la ville à présent. Leur charrette était conduite par un garde, tandis qu’un autre était assis à côté de lui, arbalète à la main. Deux autres chevauchaient à côté de la charrette, l’encadrant et regardant autour d’eux comme s’ils s’attendaient à voir apparaître des ennuis à tout moment.
— Silence à l’arrière ! leur cria celui qui tenait l’arbalète.
— Qu’est-ce que vous allez faire ? interrogea Lofen. Nous exécuter encore plus ?
— Ce sont probablement vos grandes gueules qui vous ont valu un traitement spécial, rétorqua le garde. La plupart de ceux qui sortent du donjon, on les traîne dehors et on les achève comme le duc le veut, sans problème. Vous, par contre, vous allez là où vont ceux qui l’ont vraiment contrarié.
— Où est-ce que c’est ? demanda Raymond.
Le garde lui offrit un sourire mauvais.
— Vous entendez ça, les gars ? dit-il. Ils veulent savoir où ils vont ensuite.
— Ils le verront bien assez tôt, dit le charretier en agitant les rênes pour faire avancer les chevaux un peu plus vite. Je vois pas pourquoi on devrait dire quoi que ce soit aux criminels si ce n’est qu’ils auront tout ce qu’ils méritent ?
— Mériter ? demanda Garet à l’arrière du chariot. Nous ne méritons pas ça. On n’a rien fait de mal !
Raymond entendit son frère crier lorsque l’un des cavaliers à côté d’eux le frappa sur les épaules.
— Tu crois que quelqu’un se soucie de ce que tu as à dire ? rétorqua l’homme. Tu crois que tous ceux qu’on a emmenés par-là n’ont pas essayé de déclarer leur innocence ? Le duc vous a déclarés traîtres, vous connaîtrez donc une mort de traître !
Raymond voulut aller voir son frère et s’assurer qu’il allait bien, mais les chaînes qui le retenaient l’en empêchèrent. Il envisagea d’insister sur le fait qu’ils n’avaient vraiment rien fait d’autre que d’essayer de tenir tête à un régime qui avait essayé de tout leur prendre, mais c’était là toute la question. Le duc et les nobles faisaient ce qu’ils voulaient, comme cela avait toujours été le cas. Bien sûr, le duc pouvait les envoyer à la mort, parce que c’était ainsi que les choses se passaient ici-bas.
Raymond tira sur ses chaînes à cette pensée, comme s’il était possible de s’en libérer par la force. Le métal le retint facilement, usant le peu de force qui lui restait jusqu’à ce qu’il s’effondre à nouveau contre le bois.
— Regarde-les, essayant de se libérer, dit l’arbalétrier en riant.
Raymond vit le charretier hausser les épaules.
— Ils se battront mieux que ça le moment venu.
Raymond voulut savoir ce que l’homme voulait dire par là, mais il savait qu’il n’avait aucune chance d’obtenir une réponse et toutes les chances de se faire battre comme son frère l’avait été. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était de rester assis en silence pendant que la charrette continuait son voyage brinquebalant le long de la route de terre. Il devina que cela faisait partie du tourment de la situation : l’ignorance, et la conscience de sa propre impuissance, avec l’incapacité totale de faire quoi que ce soit pour savoir où ils allaient, et encore moins pour détourner la charrette de sa route.
Elle remontait à travers champs, le long de bosquets d’arbres et d’espaces où les villages s’étendaient dans un silence feutré. Le sol autour d’eux semblait s’élever, se dirigeant vers un fort presque aussi vieux que le royaume lui-même au sommet d’une des collines, les pierres abîmées se dressant comme une sorte de témoignage du royaume qui avait existé avant lui.
— On y est presque, les gars, dit le charretier avec un sourire qui montrait qu’il appréciait que bien trop la situation. Prêt à voir ce que le duc Altfor a en tête pour vous ?
— Duc Altfor ? demanda Raymond, à peine capable d’y croire.
— Ton frère a réussi à tuer le vieux duc, dit l’arbalétrier. Il lui a jeté une lance en plein cœur depuis la fosse, puis il a fui comme le lâche qu’il est. Maintenant, vous allez payer pour ses crimes.
Dès qu’il prononça ces paroles, les pensées et les sentiments de Raymond se mirent à bouillonner. Si Royce avait vraiment fait cela, cela signifiait que son frère adoptif avait accompli quelque chose d’incroyable pour la cause de la liberté, et qu’il s’en était sorti ; ces deux choses appelaient à la célébration. En même temps, Raymond ne pouvait qu’imaginer les choses que le fils de l’ancien duc allait vouloir faire par vengeance, et sans Royce pour assumer, ils seraient logiquement la cible de sa fureur.
Il se mit alors à maudire Geneviève. Si son frère ne l’avait jamais vue, rien de tout cela ne serait arrivé, et ce n’était même pas comme si elle se souciait de Royce, n’est-ce pas ?
— Ah, dit l’arbalétrier. Je pense qu’ils commencent à comprendre.
Les chevaux qui tiraient cette charrette continuaient leur cheminement, se déplaçant au rythme régulier des créatures beaucoup trop habituées à leur tâche, et qui savaient qu’au moins ils reviendraient de leur destination.
Ils gravirent la colline, et Raymond sentit la tension monter chez ses frères. Garet ne cessait de s’agiter, comme s’il pouvait trouver un moyen de se libérer et de sauter du chariot. S’il y parvenait, Raymond espérait qu’il en profiterait pour s’enfuir et ne pas regarder en arrière, même s’il savait que les cavaliers seraient probablement capables de l’abattre avant qu’il n’ait fait une douzaine de pas. Lofen serrait et desserrait les mains, murmurant ce qui ressemblait à une prière. Raymond doutait que cela serve à quoi que ce soit.
Finalement, ils atteignirent le sommet de la colline et Raymond vit ce qui les attendait. Cette vision suffit à le projeter au fond de la charrette, incapable de se résoudre à bouger.
Des potences étaient disposées autour du sommet de la colline, grinçant dans le vent des cages y étaient suspendues par de lourdes chaînes à l’ombre de la tour effondrée. Elles contenaient des corps, certains nettoyés par des charognards, d’autres suffisamment intacts pour que Raymond puisse voir les horribles blessures et marques de morsures qui les recouvraient, les brûlures et les endroits où la peau avait été retirée par ce qui devait être de longues lames. Des symboles étaient gravés dans la chair, et Raymond reconnut une femme qui avait été traînée hors de leur cellule auparavant, des tourbillons et des runes gravés sur son corps mutilé.
— Picti, murmura Lofen avec une horreur évidente, mais Raymond constata que même cela n’était pas le pire.
Les gens à l’intérieur les cages montraient des blessures qui suggéraient qu’ils avaient été torturés et tués, exposés à la fureur des gens sauvages qui étaient venus là, mais ce qui se trouvait sur la pierre au centre de la colline était pire, bien pire.
La pierre elle-même était une dalle qui avait été sculptée à la fois avec les symboles du peuple sauvage, et avec des signes qui auraient pu être magiques si de telles choses avaient été courantes à l’époque. Les restes d’un homme gisaient enchaînés dessus, et le pire, le pire, c’était qu’il gémissait dans un semblant de vie agonisante alors qu’il semblait en avoir été privé. Son corps était lacéré de coupures et de brûlures, de marques de morsures