LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан


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de passion.

      – Et vous croyez qu’il vous sauvera ?

      Elle haussa les épaules et, s’avançant vers son père, elle le prévint.

      – Je t’enlève M. Stickmann. Nous allons à la Bibliothèque nationale.

      – Tu rentres déjeuner ?

      – Peut-être… ou plutôt non… mais ne t’inquiète pas…

      Et elle déclara fermement à Sholmès :

      – Je vous suis, Monsieur.

      – Sans arrière-pensée ?

      – Les yeux fermés.

      – Si vous tentez de vous échapper, j’appelle, je crie, on vous arrête, et c’est la prison. N’oubliez pas que la Dame blonde est sous le coup d’un mandat.

      – Je vous jure sur l’honneur que je ne ferai rien pour m’échapper.

      – Je vous crois. Marchons.

      Ensemble, comme il l’avait prédit, tous deux quittèrent l’hôtel.

      Sur la place, l’automobile stationnait, tournée dans le sens opposé. On voyait le dos du mécanicien et sa casquette que recouvrait presque le col de sa fourrure. En approchant, Sholmès entendit le ronflement du moteur. Il ouvrit la portière, pria Clotilde de monter et s’assit auprès d’elle.

      La voiture démarra brusquement, gagna les boulevards extérieurs, l’avenue Hoche, l’avenue de la Grande-Armée.

      Herlock, pensif, combinait ses plans.

      « Ganimard est chez lui… je laisse la jeune fille entre ses mains… lui dirai-je qui est cette jeune fille ? Non, il la mènerait droit au Dépôt, ce qui dérangerait tout. Une fois seul, je consulte la liste du dossier M. B., et je me mets en chasse. Et cette nuit, ou demain matin au plus tard, je vais trouver Ganimard comme il est convenu, et je lui livre Arsène Lupin et sa bande… »

      Il se frotta les mains, heureux de sentir enfin le but à sa portée et de voir qu’aucun obstacle sérieux ne l’en séparait. Et, cédant à un besoin d’expansion qui contrastait avec sa nature, il s’écria :

      – Excusez-moi, Mademoiselle, si je montre tant de satisfaction. La bataille fut pénible, et le succès m’est particulièrement agréable.

      – Succès légitime, Monsieur, et dont vous avez le droit de vous réjouir.

      – Je vous remercie. Mais quelle drôle de route nous prenons ! Le chauffeur n’a donc pas entendu ?

      À ce moment, on sortait de Paris par la porte de Neuilly. Que diable pourtant, la rue Pergolèse n’était pas en dehors des fortifications.

      Sholmès baissa la glace.

      – Dites donc, chauffeur, vous vous trompez… rue Pergolèse !…

      L’homme ne répondit pas. Il répéta, d’un ton plus élevé :

      – Je vous dis d’aller rue Pergolèse.

      L’homme ne répondit point.

      – Ah ! ça, mais vous êtes sourd, mon ami. Ou vous y mettez de la mauvaise volonté… nous n’avons rien à faire par ici… rue Pergolèse ! Je vous ordonne de rebrousser chemin, et au plus vite.

      Toujours le même silence. L’Anglais frémit d’inquiétude. Il regarda Clotilde : un sourire indéfinissable plissait les lèvres de la jeune fille.

      – Pourquoi riez-vous ? maugréa-t-il… cet incident n’a aucun rapport… cela ne change rien aux choses…

      – Absolument rien, répondit-elle.

      Tout à coup une idée le bouleversa. Se levant à moitié, il examina plus attentivement l’homme qui se trouvait sur le siège. Les épaules étaient plus minces, l’attitude plus dégagée… une sueur froide le couvrit, ses mains se crispèrent, tandis que la plus effroyable conviction s’imposait à son esprit : cet homme, c’était Arsène Lupin.

      – Eh bien, Monsieur Sholmès, que dites-vous de cette petite promenade ?

      – Délicieuse, cher Monsieur, vraiment délicieuse, riposta Sholmès.

      Jamais peut-être il ne lui fallut faire sur lui-même un effort plus terrible que pour articuler ces paroles sans un frémissement dans la voix, sans rien qui pût indiquer le déchaînement de tout son être. Mais aussitôt, par une sorte de réaction formidable, un flot de rage et de haine brisa les digues, emporta sa volonté, et, d’un geste brusque tirant son revolver, il le braqua sur Mlle Destange.

      – À la minute même, à la seconde, arrêtez, Lupin, ou je fais feu sur Mademoiselle.

      – Je vous recommande de viser la joue si vous voulez atteindre la tempe, répondit Lupin sans tourner la tête.

      Clotilde prononça :

      – Maxime, n’allez pas trop vite, le pavé est glissant, et je suis très peureuse.

      Elle souriait toujours, les yeux fixés aux pavés, dont la route se hérissait devant la voiture.

      – Qu’il arrête ! Qu’il arrête donc ! lui dit Sholmès, fou de colère, vous voyez bien que je suis capable de tout !

      Le canon du revolver frôla les boucles de cheveux.

      Elle murmura :

      – Ce Maxime est d’une imprudence ! À ce train-là nous sommes sûrs de déraper.

      Sholmès remit l’arme dans sa poche et saisit la poignée de la portière, prêt à s’élancer, malgré l’absurdité d’un pareil acte.

      Clotilde lui dit :

      – Prenez garde, Monsieur, il y a une automobile derrière nous.

      Il se pencha. Une voiture les suivait en effet, énorme, farouche d’aspect avec sa proue aiguë, couleur de sang, et les quatre hommes en peau de bête qui la montaient.

      « Allons, pensa-t-il, je suis bien gardé, patientons. »

      Il croisa les bras sur sa poitrine, avec cette soumission orgueilleuse de ceux qui s’inclinent et qui attendent quand le destin se tourne contre eux. Et tandis que l’on traversait la Seine et que l’on brûlait Suresnes, Rueil, Chatou, immobile, résigné, maître de sa colère et sans amertume ; il ne songeait plus qu’à découvrir par quel miracle Arsène Lupin s’était substitué au chauffeur. Que le brave garçon qu’il avait choisi le matin sur le boulevard pût être un complice placé là d’avance, il ne l’admettait pas. Pourtant il fallait bien qu’Arsène Lupin eût été prévenu, et il ne pouvait l’avoir été qu’après le moment où, lui, Sholmès avait menacé Clotilde, puisque personne, auparavant, ne soupçonnait son projet. Or, depuis ce moment, Clotilde et lui ne s’étaient point quittés.

      Un souvenir le frappa : la communication téléphonique demandée par la jeune fille, sa conversation avec la couturière. Et tout de suite il comprit. Avant même qu’il n’eût parlé, à la seule annonce de l’entretien qu’il sollicitait comme nouveau secrétaire de M. Destange, elle avait flairé le péril, deviné le nom et le but du visiteur, et, froidement, naturellement, comme si elle accomplissait bien en réalité l’acte qu’elle semblait accomplir, elle avait appelé Lupin à son secours, sous le couvert d’un fournisseur, et en se servant de formules convenues entre eux.

      Comment Arsène Lupin était venu, comment cette automobile en station, dont le moteur trépidait, lui avait paru suspecte, comment il avait soudoyé le mécanicien, tout cela importait peu. Ce qui passionnait Sholmès au point d’apaiser sa fureur, c’était l’évocation de cet instant, où une simple femme, une amoureuse il est vrai, domptant ses nerfs, écrasant son instinct, immobilisant les traits de son visage, soumettant l’expression de ses yeux, avait donné le change au vieux Herlock Sholmès.

      Que faire contre


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