LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан


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      – Monsieur Sholmès, dit Lupin, ayez l’obligeance de changer de véhicule. Le nôtre est vraiment d’une lenteur !…

      – Comment donc ! s’écria Sholmès, d’autant plus empressé qu’il n’avait pas le choix.

      – Vous me permettrez aussi de vous prêter cette fourrure, car nous irons assez vite, et de vous offrir ces deux sandwichs… Si, si, acceptez, qui sait quand vous dînerez !

      Les quatre hommes étaient descendus. L’un d’eux s’approcha, et comme il avait retiré les lunettes qui le masquaient, Sholmès reconnut le Monsieur en redingote du restaurant hongrois. Lupin lui dit :

      – Vous reconduirez ce fiacre au chauffeur à qui je l’ai loué. Il attend dans le premier débit de vins à droite de la rue Legendre. Vous lui ferez le second versement de mille francs promis. Ah ! j’oubliais, veuillez donner vos lunettes à M. Sholmès.

      Il s’entretint avec Mlle Destange, puis s’installa au volant et partit, Sholmès à ses côtés, et, derrière lui, un de ses hommes.

      Lupin n’avait pas exagéré en disant qu’on irait « assez vite ». Dès le début ce fut une allure vertigineuse. L’horizon venait à leur rencontre, comme attiré par une force mystérieuse, et il disparaissait à l’instant comme absorbé par un abîme vers lequel d’autres choses aussitôt, arbres, maisons, plaines et forêts, se précipitaient avec la hâte tumultueuse d’un torrent qui sent l’approche du gouffre.

      Sholmès et Lupin n’échangeaient pas une parole. Au-dessus de leurs têtes, les feuilles des peupliers faisaient un grand bruit de vagues, bien rythmé par l’espacement régulier des arbres. Et les villes s’évanouirent : Mantes, Vernon, Gaillon. D’une colline à l’autre, de Bon-Secours à Canteleu, Rouen, sa banlieue, son port, ses kilomètres de quais, Rouen ne sembla que la rue d’une bourgade. Et ce fut Duclair, Caudebec, le pays de Caux dont ils effleurèrent les ondulations de leur vol puissant, et Lillebonne, et Quillebeuf. Et voilà qu’ils se trouvèrent soudain au bord de la Seine, à l’extrémité d’un petit quai, au bord duquel s’allongeait un yacht sobre et robuste de lignes, et dont la cheminée lançait des volutes de fumée noire.

      La voiture stoppa. En deux heures, ils avaient parcouru plus de quarante lieues.

      Un homme s’avança en vareuse bleue, la casquette galonnée d’or et salua.

      – Parfait, capitaine ! s’écria Lupin. Vous avez reçu la dépêche ?

      – Je l’aie reçue.

      – L’Hirondelle est prête ?

      – L’Hirondelle est prête.

      – En ce cas, Monsieur Sholmès ?

      L’Anglais regarda autour de lui, vit un groupe de personnes à la terrasse d’un café, un autre plus près, un instant, puis comprenant qu’avant toute intervention, il serait happé, embarqué, expédié à fond de cale, il traversa la passerelle et suivit Lupin dans la cabine du capitaine.

      Elle était vaste, d’une propreté méticuleuse, et toute claire du vernis de ses lambris et de l’étincellement de ses cuivres.

      Lupin referma la porte et, sans préambule, presque brutalement, il dit à Sholmès :

      – Que savez-vous au juste ?

      – Tout.

      – Tout ? Précisez.

      Il n’y avait plus dans l’intonation de sa voix cette politesse un peu ironique qu’il affectait à l’égard de l’Anglais. C’était l’accent impérieux du maître qui a l’habitude de commander et l’habitude que tout le monde plie devant lui, fût-ce un Herlock Sholmès.

      Ils se mesurèrent du regard, ennemis maintenant, ennemis déclarés et frémissants. Un peu énervé, Lupin reprit :

      – Voilà plusieurs fois, Monsieur, que je vous rencontre sur mon chemin. C’est autant de fois de trop, et j’en ai assez de perdre mon temps à déjouer les pièges que vous me tendez. Je vous préviens donc que ma conduite avec vous dépendra de votre réponse. Que savez-vous au juste ?

      – Tout, Monsieur, je vous le répète.

      Arsène Lupin se contint et d’un ton saccadé :

      – Je vais vous le dire, moi, ce que vous savez. Vous savez que, sous le nom de Maxime Bermond, j’ai… retouché quinze maisons construites par M. Destange.

      – Oui.

      – Sur ces quinze maisons, vous en connaissez quatre.

      – Oui.

      – Et vous avez la liste des onze autres.

      – Oui.

      – Vous avez pris cette liste chez M. Destange, cette nuit sans doute.

      – Oui.

      – Et comme vous supposez que, parmi ces onze immeubles, il y en a fatalement un que j’ai gardé pour moi, pour mes besoins et pour ceux de mes amis, vous avez confié à Ganimard le soin de se mettre en campagne et de découvrir ma retraite.

      – Non.

      – Ce qui signifie ?

      – Ce qui signifie que j’agis seul, et que j’allais me mettre, seul, en campagne.

      – Alors, je n’ai rien à craindre, puisque vous êtes entre mes mains.

      – Vous n’avez rien à craindre tant que je serai entre vos mains.

      – C’est-à-dire que vous n’y resterez pas ?

      – Non.

      Arsène Lupin se rapprocha encore de l’Anglais, et lui posant très doucement la main sur l’épaule :

      – Écoutez, Monsieur, je ne suis pas en humeur de discuter, et vous n’êtes pas, malheureusement pour vous, en état de me faire échec. Donc, finissons-en.

      – Finissons-en.

      – Vous allez me donner votre parole d’honneur de ne pas chercher à vous échapper de ce bateau avant d’être dans les eaux anglaises.

      – Je vous donne ma parole d’honneur de chercher par tous les moyens à m’échapper, répondit Sholmès, indomptable.

      – Mais, sapristi, vous savez pourtant que je n’ai qu’un mot à dire pour vous réduire à l’impuissance. Tous ces hommes m’obéissent aveuglément. Sur un signe de moi, ils vous mettent une chaîne au cou…

      – Les chaînes se cassent.

      – … Et vous jettent pardessus bord à dix milles des côtes.

      – Je sais nager.

      – Bien répondu, s’écria Lupin en riant. Dieu me pardonne, j’étais en colère. Excusez-moi, maître… et concluons. Admettez-vous que je cherche les mesures nécessaires à ma sécurité et à celle de mes amis ?

      – Toutes les mesures. Mais elles sont inutiles.

      – D’accord. Cependant vous ne m’en voudrez pas de les prendre.

      – C’est votre devoir. Allons-y.

      Lupin ouvrit la porte et appela le capitaine et deux matelots. Ceux-ci saisirent l’Anglais, et après l’avoir fouillé lui ficelèrent les jambes et l’attachèrent à la couchette du capitaine.

      – Assez ! ordonna Lupin. En vérité, il faut votre obstination, Monsieur, et la gravité exceptionnelle des circonstances, pour que j’ose me permettre…

      Les matelots se retirèrent. Lupin dit au capitaine :

      – Capitaine, un homme d’équipage restera ici à la disposition de M. Sholmès, et vous-même lui tiendrez compagnie autant que possible. Qu’on ait pour lui tous les égards. Ce n’est pas un prisonnier, mais un


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