Les nuits mexicaines. Aimard Gustave

Les nuits mexicaines - Aimard Gustave


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en aurai-je changé? Vous êtes mon seul ami.

      – Merci, tu es donc résolu à m'obéir en tout?

      – Sans hésiter, je vous le jure.

      – Voilà ce dont je voulais être certain, maintenant, écoute-moi à ton tour; cet homme que tu as si bêtement, passe-moi le mot, si bêtement dis-je, secouru, t'a menti du premier au dernier mot qu'il t'a dit. L'histoire qu'il t'a faite n'est qu'un tissu d'impostures: il n'est pas vrai qu'il soit arrivé depuis quelques jours seulement à la Veracruz, il n'est pas vrai qu'il se rende à México, il n'est pas vrai enfin qu'il ait été attaqué et dépouillé par des inconnus. Cet homme, je le connais, il est au Mexique depuis près de huit mois, il habite Puebla, il a été condamné à mort par des hommes qui avaient le droit de le juger et qu'il connaît parfaitement; il n'a pas été attaqué à l'improviste, on lui a mis une épée dans la main, et on lui a laissé la faculté de se défendre, faculté dont il a profité, il est tombé dans un combat loyal; enfin, il n'a pas été dépouillé parce qu'il n'avait pas affaire à des voleurs de grand chemin, mais à d'honnêtes gens.

      – Oh! Oh! fit le jeune homme, ceci change la question.

      – Maintenant, réponds à ceci: t'es-tu engagé vis-à-vis de lui?

      – Qu'entendez-vous par là?

      – Cet homme, lorsqu'il a repris connaissance et que la parole lui est revenue, a imploré ta protection, n'est-ce pas?

      – C'est vrai, maître Olivier.

      – Bon, et que lui as-tu répondu, toi?

      – Dam, vous comprenez, qu'il m'était assez difficile d'abandonner ce pauvre diable dans l'état où il était, après surtout ce que j'avais fait pour lui.

      – Bien, bien, alors?

      – Alors, dam, je lui ai promis de le sauver.

      – C'est-à-dire de le guérir?

      – C'est ainsi que je l'entends.

      – Pas autre chose?

      – Pour cela, non.

      – Et lui as-tu promis seulement?

      – Non je lui ai donné ma parole.

      L'aventurier fit un geste d'impatience.

      – Mais en supposant qu'il guérisse, reprit-il, ce qui entre nous me semble douteux, dès qu'il sera en bonne santé te considéreras-tu comme complètement dégagé envers lui?

      – Oh! Pour cela oui, maître Olivier, complètement.

      – Allons, il n'y a que demi-mal alors.

      – Vous savez que je ne vous comprends pas du tout?

      – Sois donc satisfait, Dominique; apprends que tu n'as pas eu la main heureuse pour ta bonne action.

      – Parce que?

      – Parce que l'homme que tu as secouru et auquel tu as prodigué des soins si dévoués, est ton ennemi mortel.

      – Mon ennemi mortel, cet homme? s'écria-t-il avec un étonnement mêlé de doute; mais je ne le connais pas plus qu'il ne me connaît.

      – Tu le supposes, mon pauvre ami, mais sois convaincu que je ne me trompe pas et que je te dis la vérité.

      – C'est étrange.

      – Oui, fort étrange, en effet, mais cela est ainsi, cet homme est même ton ennemi le plus dangereux.

      – Que faire?

      – Me laisser agir; je m'étais rendu ce matin au rancho dans l'intention de t'annoncer qu'un de tes ennemis, le plus redoutable de tous, était mort; tu as pris soin de me faire mentir. Après tout, peut-être cela vaut-il mieux ainsi: ce que Dieu fait est bien, ses voies nous sont inconnues, nous devons nous courber devant la manifestation de sa volonté.

      – Ainsi votre intention est…?

      – Mon intention est de charger López de veiller sur ton malade; il restera dans le souterrain où on le soignera avec le plus grand soin, seulement tu ne le reverras plus, il est inutile que, quand à présent, vous vous connaissiez davantage; à mon tour, je te donne ma parole que tous les soins que son état exige lui seront donnés.

      – Oh! Je m'en rapporte complètement à vous, maître Olivier; mais lorsqu'il sera guéri que ferons-nous?

      – Nous le laisserons partir paisiblement, il n'est pas notre prisonnier; sois tranquille, nous le trouverons sans peine quand besoin sera; il est bien entendu que personne du rancho ne doit descendre dans le souterrain et avoir le moindre rapport avec lui.

      – Bon, vous le leur direz alors, moi je ne m'en charge pas.

      – Je le leur dirai; du reste moi-même je ne le verrai pas. López seul demeurera chargé de lui.

      – Et moi, vous n'avez rien de plus à me dire?

      – Si, j'ai à t'annoncer que je t'emmène avec moi pour quelques jours.

      – Ah! Et allons-nous loin comme cela?

      – Tu le verras, en attendant rends-toi au rancho, prépare tout ce qu'il te faut pour ton voyage.

      – Oh! Je suis prêt, interrompit-il.

      – C'est possible, mais moi je ne le suis pas; n'ai-je pas à donner des ordres à López au sujet de ton blessé.

      – C'est juste, et puis il faut que je prenne congé de la famille.

      – Ce sera fort bien fait, car tu resteras probablement quelque temps absent.

      – Bon, je comprends, nous allons faire une bonne chasse.

      – Nous allons chasser, oui, dit l'aventurier avec un équivoque sourire, mais pas du tout de la façon dont tu le supposes.

      – Bon, cela m'est égal, je chasserai comme vous voudrez, moi.

      – J'y compte bien, allons viens, nous n'avons déjà que trop perdu de temps.

      Ils se dirigèrent alors vers le monticule. L'aventurier entra dans le souterrain et le jeune homme monta au rancho.

      Loïck et les deux femmes l'attendaient sur la plate-forme, assez intrigués de la longue conversation qu'il avait eue avec Olivier; mais Dominique fut impénétrable, il avait trop longtemps vécu au désert pour se laisser sortir la vérité du cœur lorsqu'il lui plaisait de la cacher. En cette circonstance, ce fut en pure perte qu'on l'accabla de questions; il ne répondit que par des fins de non recevoir; désespérant de le faire parler, son père et les deux femmes prirent enfin le bon parti de le laisser tranquille.

      Son déjeuner était tout préparé sur la table.

      Comme il avait faim, il saisit ce prétexte pour changer la conversation, et tout en mangeant, il annonça son départ.

      Loïck ne lui fit aucune observation, il était accoutumé à ses brusques absences.

      Au bout d'une demi-heure environ, Olivier reparut.

      Dominique se leva, et prit congé de sa famille.

      – Vous l'emmenez, dit Loïck.

      – Oui, répondit Olivier, pour quelques jours, nous allons dans la Terre-Chaude.

      – Prenez garde, dit Louise avec inquiétude, vous savez que les guérillas de Juárez battent la campagne.

      – Ne crains rien, petite sœur, dit le jeune homme en l'embrassant, nous serons prudents; je te rapporterai un foulard, tu sais que voilà longtemps déjà que je t'en ai promis un.

      – Je préférerais que tu ne nous quittes pas, Dominique, répondit-elle avec tristesse.

      – Allons, allons, dit gaiement l'aventurier, soyez sans inquiétude, je vous le ramènerai sain et sauf.

      Il paraît que les habitants du rancho avaient une grande confiance en la parole d'Olivier, car, sur cette assurance, leur inquiétude se calma, et ils


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