Le Montonéro. Aimard Gustave

Le Montonéro - Aimard Gustave


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me chercher m'auraient bientôt découvert; d'un autre côté je ne vois guère dans quelle maison je me puis loger sans courir le risque d'être aussitôt arrêté.

      L'Indien se mit à rire.

      – Eh! Eh! fit gaiement le jeune homme, puisque tu ris, c'est que mes affaires vont probablement bien et que tu es à peu près certain de m'avoir trouvé un abri sûr.

      – Vous ne vous trompez pas, maître; je me suis effectivement occupé aussitôt de vous chercher un endroit où vous seriez en sûreté, et complètement à l'abri des poursuites.

      – Diable! Cela n'a pas dû être facile à trouver dans la ville.

      – Aussi, n'est-ce pas dans la ville que j'ai cherché.

      – Oh! Oh! Où donc alors; je ne vois guère, dans la campagne, d'endroit où il me soit possible de me cacher.

      – C'est que, comme nous autres Indiens, vous n'avez pas, maître, l'habitude du désert; à deux milles d'ici, tout au plus, dans un rancho d'Indiens guaranis, je vous ai trouvé un asile où je défie qu'on aille vous chercher, ou bien, au cas d'une visite, vous trouver.

      – Tu piques singulièrement ma curiosité. Tout est-il préparé pour me recevoir?

      – Oui, maître.

      – Pourquoi donc demeurons-nous ici alors, au lieu de nous y rendre?

      – Parce que, maître, le soleil n'est pas couché encore, et qu'il fait trop jour pour se hasarder dans la campagne.

      – Tu as raison, mon brave Tyro; je te remercie de ce nouveau service.

      – Je n'ai fait que mon devoir, maître.

      – Hum! Enfin, puisque tu le veux, j'y consens. Seulement, crois bien que je ne suis pas ingrat. Ainsi, voilà qui est convenu: je suis déménagé. Mon cher compatriote sera bien étonné lorsqu'il apprendra que je suis parti sans prendre congé de lui.

      L'Indien rit silencieusement sans répondre.

      – Malheureusement, mon ami, continua le jeune homme, cette position est fort précaire, elle ne saurait durer longtemps.

      – Rapportez-vous-en à moi, maître, avant trois jours nous serons partis; toutes mes mesures sont prises en conséquence; mes préparatifs seraient déjà terminés si j'avais eu à ma disposition la somme nécessaire à l'achat de diverses choses indispensables.

      – Qu'à cela ne tienne, s'écria le jeune homme en fouillant vivement à sa poche et en retirant la bourse que lui avait remise la marquise, voilà de l'argent.

      – Oh! fit l'Indien avec joie, il y a là beaucoup plus qu'il ne nous faut.

      Mais soudain le peintre devint triste, et retira du Guaranis la bourse que déjà il lui avait abandonnée.

      – Je suis fou, dit-il maintenant, nous ne pouvons user de cet argent: il n'est pas à nous, nous n'avons pas le droit de nous en servir.

      Tyro le regarda avec surprise.

      – Oui, continua-t-il en hochant doucement la tête, cette somme m'a été remise par la personne que j'avais promis de sauver, afin de tout préparer pour sa fuite.

      – Eh bien? fit l'Indien.

      – Dame! reprit le jeune homme, maintenant la question me paraît singulièrement changée; j'aurai, je le crois, fort à faire à me sauver tout seul.

      – La situation est toujours la même pour vous, maître, vous pouvez tenir la parole que vous avez donnée; au contraire, peut-être êtes-vous dans de meilleures conditions aujourd'hui que vous ne l'étiez hier; pour organiser, non seulement votre fuite, mais celle de ces personnes; j'ai tout prévu.

      – Voyons, explique-toi, car je recommence à ne plus te comprendre du tout.

      – Comment cela, maître?

      – Dame! Tu sembles connaître mieux que moi mes affaires.

      – Que cela ne vous inquiète pas, je ne sais de vos affaires que ce que je dois en savoir pour vous être utile au besoin et être en mesure de vous prouver quel est mon dévouement pour vous. D'ailleurs, si vous le désirez, je paraîtrai ne rien savoir.

      – Belle avance! s'écria le jeune homme en riant. Allons, puisqu'il ne m'est même pas possible de conserver mes secrets à moi tout seul, prends-en donc ta part, sorcier que tu es. Je ne me plaindrai pas davantage; maintenant, continue.

      – Donnez-moi seulement cet or, maître, et laissez-moi agir.

      – En effet, je crois que c'est le plus simple; prends-le donc, ajouta-t-il en lui mettant la bourse dans la main; seulement, hâte-toi, car, mieux que moi, tu dois savoir que nous n'avons pas de temps à perdre.

      – Oh! Maintenant rien ne nous presse; on vous croit parti; on vous cherche bien loin; on vous laisse ainsi toutes les facilités possibles pour faire ici tout ce que vous voudrez.

      – C'est vrai; s'il ne s'agissait que de moi, ma foi, j'ai une si grande confiance en ton habileté, que je ne me presserais pas du tout, je t'assure; mais…

      – Oui, interrompit-il, je sais ce que vous voulez dire, maître; il s'agit des dames. Elles sont pressées, elles, et elles ont des raisons pour cela; mais elles n'ont rien à redouter avant trois jours, et je ne vous en demande que deux; est-ce trop?

      – Non, certes, seulement je t'avoue qu'il y a une chose qui m'embarrasse fort, à présent.

      – Laquelle, maître?

      – C'est la façon dont je m'introduirai dans le couvent pour les avertir.

      – C'est cependant bien simple; vous irez au couvent sous le même déguisement que vous avez pris aujourd'hui.

      – Hum… tu crois que ce n'est pas beaucoup risquer?

      – Pas le moins du monde, maître; qui voulez-vous qui s'occupe d'un pauvre vieillard?

      – Enfin, j'essayerai; si j'échoue, j'aurai fait mon devoir de galant homme, ma conscience ne me reprochera rien.

      Ils continuèrent à causer ainsi pendant plusieurs heures, prenant leurs dernières dispositions et essayant de prévoir tous les hasards qui pourraient, au dernier moment, venir à l'improviste contrecarrer la réussite de leurs projets.

      Plus le jeune Français se laissait aller à une intimité plus complète avec le Guaranis, plus il reconnaissait d'intelligence dans ce pauvre diable d'Indien si simple et si naïf en apparence, et plus il se félicitait d'avoir accepté ses offres de service et de s'être confié à lui.

      Il est vrai d'ajouter que si le peintre n'avait pas ainsi à point nommé rencontré ce serviteur dévoué, il aurait été dans une situation des plus critiques et presque dans l'impossibilité d'échapper au danger terrible suspendu sur sa tête; il le reconnaissait franchement et mettant de côté tout préjugé de race, il laissait sagement son serviteur agir pour lui, se contentant de suivre ses conseils, sans essayer de faire prévaloir ses idées; ce qui montrait chez le jeune homme, malgré son apparente frivolité de caractère, un grand bon sens et une rectitude de jugement peu commune.

      Une demi-heure environ après le coucher du soleil, les deux hommes quittèrent la grotte au fond de laquelle ils étaient demeurés cachés pendant plus de quatre heures.

      L'Indien qui, malgré les ténèbres, semblait voir comme en plein jour, guida son maître à travers des sentiers détournés, en apparence inextricables, mais au milieu desquels il se dirigeait avec une sûreté qui dénotait une complète connaissance des lieux, qu'il parcourait. Le peintre, peu habitué à ces courses de nuit, le suivait tant bien que mal butant presque à chaque pas, mais ne se décourageant point, et prenant gaiement son parti de ce nouveau contretemps.

      Du reste, le trajet de la grotte, à l'endroit où il se rendait, était court; il ne dura tout au plus que trois quarts d'heure.

      Tyro s'arrêta devant un rancho d'aspect assez misérable, construit au sommet d'une colline, et ouvrit, sans annoncer autrement sa présence, une porte formée par


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