L'oeuvre du divin Arétin, deuxième partie. Aretino Pietro
dodue, dodue! jolie, jolie! avec cela futée, adroite, vaurienne au possible, cajoleuse, Dieu te le dise! une vraie petite fouine, une espiègle à éviter prudemment. Je lui enseignai la manière dont elle devrait s'y prendre pour me gagner, ou plutôt pour me chiper l'argent des menues dépenses.
Pippa.– Et comment?
Nanna.– Dès qu'elle avait réussi à capter les bonnes grâces de quiconque abordait chez moi, soit un homme de la ville, soit un étranger, en faisant des agaceries à l'un ou à l'autre, de façon que celui-ci ou celui-là n'eût bientôt plus d'autre plaisir qu'à la lutiner, je lui mettais dans la main une tasse de porcelaine brisée en trois morceaux, et aussitôt que quelque gentilhomme heurtait à la porte, après lui avoir tiré le cordon, elle accourait au haut de l'escalier, toute échevelée, criant d'une voix lamentable: – «Holà! je suis morte! holà! je suis exterminée!» et faisant semblant de vouloir s'enfuir; mon autre servante, d'un âge mur, la retenait bien fort par un bout de sa jupe et lui disait: – «Ne t'en va pas, ne t'en va pas; la signora ne te fera pas de mal.» L'écervelé, la voyant ainsi toute sens dessus dessous, toute en désordre, la prenait par le bras: – «Qu'y a-t-il donc?» lui disait-il; «De quoi pleures-tu? Qu'est-ce qui te fait crier? – Malheureuse que je suis!» répondait-elle, «j'ai cassé cette tasse, qui vaut un ducat; laissez-moi m'en aller, elle va me tuer, si elle m'attrape.» Elle disait tout cela avec des mines si gentilles, des soupirs qui partaient si bien du fond du cœur et des semblants de se trouver mal, qu'elle aurait ému de compassion la potence du gouverneur de la Man-Mozza; elle touchait encore bien mieux le cavalier qui venait badiner avec moi, enfermée que j'étais dans ma chambre, derrière quelque porte entre-bâillée, un bout de mon tablier dans la bouche de peur qu'on ne m'entendît éclater de rire, pendant que lui, d'ordinaire plus serré que le poing, lui mettait dans la main un écu, qu'il comptait avec ses autres aumônes; et je croyais crever quand la vieille, prenant l'écu, dégringolait l'escalier en courant, comme si elle allait chercher une autre tasse.
Pippa.– La bonne fourbe!
Nanna.– Aussitôt, je me montrais dans la salle. – «Je viens faire la révérence à Votre Seigneurie,» s'écriait le cavalier, et me prenant la main, il me la baisait en bavant dessus. Puis il se mettait à converser avec moi, et un quart d'heure après venait la petite, apportant la sœur de la tasse brisée; elle me disait: – Je vais la replacer dans votre chambre. – Qu'as-tu donc? lui demandais-je; qu'est-ce que cela veut dire? tu as les yeux rouges.» Et la petite sournoise, la petite drôlesse lui faisait signe de ne pas me dire l'histoire.
Pippa.– Enfin, pour être courtisane, il faut en savoir plus long qu'un docteur.
Nanna.– Je l'envoyais ainsi jouer le tour à quiconque venait me voir, tenant tantôt un verre, tantôt une tasse, tantôt un plat à la main; elle réussissait à tirer d'eux quatre, quelquefois cinq Jules d'une bourse, autant d'une autre, et de la sorte les menues dépenses de la maison se trouvaient on ne peut plus subtilement couvertes. Arrivons maintenant à la grande piperie.
Pippa.– Voici que je la bois, avant même que vous ne l'entamiez.
Nanna.– Un officier, un gaillard à qui ses charges rapportaient en rentes près de deux mille ducats de chambre, était si démesurément amoureux de moi qu'il en faisait pénitence de ses péchés. Il dépensait lunatiquement, et besoin était de recourir à l'astrologie, je puis le dire, pour en tirer quoi que ce fût s'il ne se trouvait pas en fantaisie de donner. Ce qui est bien pis, c'est que la mauvaise humeur naquit le jour où il vint au monde; pour la moindre parole dont le son lui déplaisait, il entrait en colère; mettre la main à son poignard et t'en fourrer la pointe jusque sous le nez, c'est la moindre frayeur qu'il pût te faire. Pour ce motif, les courtisanes le détestaient comme les paysans détestent la pluie; moi qui ai donné ma peur à ressemeler, je le recevais tant qu'il voulait, et bien qu'il me fît quelques-unes de ses mauvaises plaisanteries, je le souffrais patiemment, méditant toujours de lui en rendre une qui me payât de toutes les siennes. J'y songeai si assidûment qu'à la fin je la trouvai. Que fis-je? Je me confiai à certain peintre, maître Andréa, je puis bien le nommer, et lui laissai prendre quelques menus suffrages, à condition qu'il ferait ce que je voudrais et viendrait se cacher sous mon lit, muni de couleurs et de pinceaux, pour me dessiner une balafre sur la figure, à un moment donné; je m'en ouvris également à maître Mercurio, d'heureuse mémoire; je sais que tu l'as connu.
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