Œuvres complètes de lord Byron, Tome 6. George Gordon Byron
DOGE
Et quelle fut la cause? le prétexte, du moins?
Je suis le commandant de l'arsenal, et c'est à moi qu'est confié le soin de faire restaurer ceux de nos bâtimens que la flotte génoise a le plus maltraités l'année dernière. Ce matin, le noble Barbaro vint me trouver; il était furieux de ce que nos ouvriers avaient, pour exécuter les ordres de la république, négligé ceux de ses gens. Je me hasardai à les justifier. – Il leva la main-et vous voyez mon sang; c'est la première fois qu'il coule à ma honte.
Dites-moi, servez-vous depuis long-tems?
Depuis assez long-tems pour me rappeler le siége de Zara; je combattis sous le chef qui mit en fuite les Huns: d'abord mon général, maintenant le Doge Faliero.
Comment, nous sommes donc camarades! Le manteau ducal vient de m'être donné, et vous étiez nommé, avant mon retour de Rome, commandant de l'arsenal: voilà pourquoi je ne vous reconnaissais pas. A qui devez-vous votre office?
Au dernier Doge. J'avais encore auparavant mon vieil emploi de patron d'une galère: on m'accorda l'arsenal comme la récompense de certaines cicatrices (c'est ainsi que voulait bien dire votre prédécesseur). Hélas! devais-je penser que sa bonté me conduirait un jour devant son successeur comme un pauvre plaignant sans espoir; et dans une pareille cause encore!
Vous êtes donc bien vivement blessé?
A jamais, à mes yeux.
Expliquez-vous, ne craignez rien; frappé au cœur comme vous l'êtes, quelle serait la vengeance qui vous plairait?
Celle que je n'ose dire, et que cependant je tirerai.
Alors que venez-vous me demander?
Je viens réclamer justice, parce que mon général est le Doge, et qu'il ne verra pas insulter impunément son vieux soldat. Si tout autre que Faliero occupait le trône ducal, ce sang se serait déjà confondu dans un autre sang.
Vous venez me demander justice! – à moi, moi, le Doge de Venise! Eh, mon ami, je ne puis vous la donner; je ne puis même l'obtenir. – Il n'y a qu'une heure, on me l'a solennellement déniée.
Que dit votre altesse!
On a condamné Steno à un mois d'arrêt.
Quoi! Steno, qui osa salir le trône ducal de ces mots insultans qui crient vengeance aux yeux de tous les Vénitiens!
Oui, et, je n'en doute pas, ces mots ont trouvé des échos dans l'arsenal: se mariant à chaque coup de marteau, ils réveillaient la grosse joie des artisans; ou, servant de chorus aux mouvemens des rames, ils s'échappaient des lèvres des vils esclaves de nos galères: et tous, en les chantant, se félicitaient de ne pas être un radoteur déshonoré comme le Doge.
Est-il possible? pour Steno un mois d'emprisonnement!
Vous connaissiez l'offense, vous en savez la punition; puis vous demanderez justice de moi! Adressez-vous aux Quarante, qui jugèrent Michel Steno; ils ne feront pas moins pour Barbaro, – n'en doutez pas.
Ah! si j'osais dire mes sentimens!
Parlez: il n'y a plus pour moi d'outrages à craindre.
Eh bien! d'un mot, d'un seul mot, vous pouvez vous venger. – Je ne parle plus de ma petite offense: qu'est-ce, en effet, qu'un coup, un soufflet même reçu par un être comme moi? – mais de l'infâme insulte faite à votre rang, à votre personne.
Vous oubliez mon pouvoir, qui est celui d'un paysan; ce bonnet n'est pas la couronne d'un monarque; ce manteau peut exciter la pitié bien plus que les guenilles d'un mendiant: car celles du mendiant lui appartiennent, mais ce costume on le prête seulement à cette pauvre marionnette, forcée de jouer le rôle de souverain.
Voulez-vous être roi?
Oui-roi d'un peuple heureux.
Конец ознакомительного фрагмента.
Текст предоставлен ООО «ЛитРес».
Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.
Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.