L'art de faire le vin avec les raisins secs. Audibert Joseph-François
pour les achats, car la vue des échantillons ne suffit pas toujours.7
Les demandes considérables et générales de raisins secs qui arrivèrent sur les marchés importateurs, durant l’année 1879 et 1880, de tous les départements et de certains pays étrangers, devaient fatalement donner naissance à des fraudes commerciales. Le prix élevé qu’atteignirent les raisins secs et le peu de connaissance qu’on a encore de ces produits, facilitèrent ces manœuvres. C’est ainsi que quelques négociants peu scrupuleux, afin de rendre aux raisins mouillés lors de la récolte ou détériorés, leur apparence ordinaire, les arrosent de mélasse. Les vins que l’on fait avec les raisins ainsi dénaturés sont généralement mauvais; les fermentations rarement menées à bonne fin. Que les fabricants veillent donc attentivement en achetant les raisins, et évitent d’être dupes de la manœuvre déloyale que je leur signale.
Des MOWRA-FLOWER. – Dans le courant de l’année 1879, je fus appelé à faire, dans le laboratoire de la Faculté des Sciences de Marseille, des expériences pratiques sur un produit nouvellement importé de l’Inde, appelé Mowra flower.
C’était une fleur dont l’apparence était celle des raisins de Thyra. A première vue un œil exercé pouvait seul reconnaître la différence existante. En regardant avec attention, il était cependant facile de ne pas s’y tromper. La forme du Mowra flower est celle-ci: un bouton de rose, dont le follicule est d’un seul morceau. En l’ouvrant on trouve dans l’intérieur les pétales.
La richesse saccharine de cette fleur est égale à celle des raisins, soit de 60 à 65 0/0; mais la fermentation s’établit très-difficilement, et le produit qu’on en obtient est affecté d’un goût amer sui generis très prononcé.
ABUS. – La grande ressemblance des Mowra avec les raisins secs et leur bas prix, ont permis quelquefois aux négociants de fruits secs de glisser de ces fleurs dans les sacs de raisins secs. Leur mélange, dans les proportions de 20 à 30 0/0, constitue un réel bénéfice pour les vendeurs. Je me fais un devoir, dans cette nouvelle édition, de porter à la connaissance des viticulteurs et fabricants, tous ces abus, heureux de pouvoir ainsi, dans une certaine mesure, empêcher des fraudes dont la réputation du vin de raisins secs souffrirait seule.8
CHAPITRE III
Du local et des ustensiles propres à la fabrication
Dans ce chapitre, un grand nombre de mes lecteurs, déjà viticulteurs, pourront recueillir quelques conseils que l’expérience et l’étude seuls procurent. Beaucoup d’agriculteurs ignorent même le nom de nos savants qui ont entassé dans leurs ouvrages ces précieuses observations; la raison en est plus simple qu’on ne le croit.
La plupart de nos illustres auteurs, tels que Chaptal, Lavoisier, Pasteur, Maumené, etc., ont fait des livres qui sont de véritables monuments scientifiques. Sont-ils à la portée de nos modestes agriculteurs? Evidemment non: leur prix élevé d’abord, à peine rémunérateur, en songeant aux longues heures et années de travail qu’ils ont exigées, éloigne les bourses modestes. D’un autre côté, il répugne visiblement à l’humble laboureur de parcourir ces magnifiques pages où la science s’entasse à chaque ligne dans sa langue naturelle, mais, hélas, comprise seulement par un bien petit nombre d’élus. C’est surtout ce point là que j’ai visé dans mon ouvrage: Mettre les sages conseils et avis de nos savants célèbres à la portée de tous dans le langage ordinaire.
Le cellier que le fabricant devra employer de préférence sera celui qui sert aux vendanges ordinaires; cependant, cette récolte de toute l’année exige des soins et des précautions que celles du mois de septembre et du mois d’octobre ne demandent pas.
Dans les pays vinicoles, le climat est véritablement tempéré. La température de 15 à 20° dans les celliers étant naturelle les fermentations s’établissent et s’activent naturellement sans aucun autre soin que ceux que la vieille routine a implantés chez les viticulteurs.
En parlant des dispositions à prendre pour la fabrication des vins de raisins secs, je signalerai les observations que m’ont suggérées mes visites dans un grand nombre de celliers, dont les mauvaises dispositions étaient les véritables ennemies d’une bonne fabrication de vins, et les innovations que j’ai faites, depuis mes premières éditions, pour la fabrication, même à l’air libre, des vins de raisins secs.
En premier lieu, la cave doit être établie dans des conditions convenables d’aérage, car, la fermentation exige cinq choses essentielles: 1º du sucre; 2º du ferment; 3º de l’eau; 4º de l’air; 5º une certaine température.
Nous parlerons, ultérieurement, des trois premiers points dans le chapitre des fermentations proprement dites et nous allons nous occuper ici des deux derniers.
L’aérage des celliers est d’une importance capitale. L’exemple que je vais citer, entre beaucoup d’autres, le prouvera surabondamment. M. S… opticien à Marseille, possède dans les Bouches-du-Rhône une propriété au crû dit de St-Henry, qui, chaque année, lui rapporte une certaine quantité de vin.
Depuis dix ans environ, son vin ne pouvait plus se conserver malgré tous les soins qu’il y apportait, soit à la vendange, soit à la fabrication. Le même phénomène se représentant, et appelé à en rechercher la cause, je remarquai immédiatement le défaut presque absolu du renouvellement de l’air dans son cellier. Un tuyau que je fis poser, partant de l’extérieur, mit fin à cet état de choses. Depuis lors son vin est devenu un des meilleurs de ce crû.
Les cuves en bois, devant servir à la fabrication des vins de raisins secs, peuvent être soit petites soit grandes.
Je conseillerai des récipients de 50 à 100 hectolitres. Il est bien certain que les cuves plus grosses ou plus petites peuvent servir également. Mais, plus le récipient est grand, plus le liquide qu’il contient et le remplit, fermentent régulièrement.
Les cuves, tronc conique, sont préférables pour le gouvernement de la fermentation; leur forme, évasée par le bas, sert à maintenir le chapeau dans leur partie supérieure.
Les cuves en maçonnerie peuvent aussi servir à la fermentation et leur entretien exige peut-être moins de soins avant la vendange; mais, à mon avis, la fabrication des vins de raisins secs est préférable dans les cuves en bois.
Avant de déposer le moût dans une cuve, il est nécessaire de la nettoyer avec le plus grand soin, afin d’en extraire les végétaux étrangers qui ont pu prendre naissance sur les parois, et détruire les imperceptibles champignons qui forment la moisissure qui en tapisse les parois et qui peut être, plus tard, le sujet de bien des accidents dans la fermentation.
Voici le meilleur mode:
Un homme pénètre dans l’intérieur et, armé d’une brosse, il frotte fortement avec de l’eau tiède; après cette première opération qui radoucit les pores du bois, le lavage à l’eau fraîche fait disparaître les dernières impuretés; on enduit alors les parois d’une légère couche de chaud, couche qui doit être plus épaisse pour les cuves en pierre.
En Bourgogne, après avoir nettoyé avec l’eau, on passe un peu d’eau-de-vie dans les cuves, qui sont toutes en bois. Chaptal nous apprend que les anciens donnaient une grande importance aux moyens de préparer la cuve. Non seulement ils la frottaient avec divers liquides tels que des décoctions de plantes aromatiques, de l’eau salée, du moût bouillant, etc., mais ils y brûlaient ensuite des aromates.
Comme tout le travail de la vinification se fait exclusivement par une bonne fermentation, nous croyons devoir nous appesantir davantage sur ces détails. Eviter les causes d’une mauvaise fermentation, tel est le but dont doit se pénétrer le fabricant.
La question de la température est aussi des plus importantes; on regarde généralement, dit Chaptal, le 25e degré au-dessus de zéro au thermomètre centigrade, comme celui qui indique la température la plus favorable à la fermentation
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Le paragraphe que j’ajoute à cette nouvelle édition, pour mettre en garde les fabricants, le prouve surabondamment.
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J’ai depuis obtenu du gouvernement des mesures qui empêchent cette fraude de se produire, afin de protéger ma création: L’Industrie des vins de raisins secs.