Introduction à la vie dévote. Saint de Sales Francis

Introduction à la vie dévote - Saint de Sales Francis


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consolation en méditant, je vous conjure de ne pas vous en troubler, mais de recourir simplement aux remèdes que je vais vous indiquer. Quelquefois ouvrez la porte aux paroles vocales, plaignez-vous amoureusement à Notre-Seigneur, confessez-lui votre indignité, priez-le qu'il vous aide, baisez son image, si vous l'avez; dites-lui ces paroles de Jacob: Je ne vous quitterai jamais, Seigneur, que vous ne m'ayez donné votre bénédiction; ou bien celles-ci de la Cananéenne: Oui, Seigneur, je suis une chienne; mais les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres. Une autre fois, prenez un livre, et lisez-le avec attention, jusqu'à ce que votre esprit soit réveillé et dispos; ou bien excitez votre cœur par quelque acte de dévotion extérieure, vous prosternant en terre, croisant les mains sur la poitrine, embrassant un crucifix: tout cela s'entend, si vous êtes seule et hors de tout regard. Que si après cela vous n'êtes pas consolée, quelque grande que soit votre sécheresse, ne vous troublez pas, mais continuez à vous tenir en une contenance dévote devant Dieu. Combien y a-t-il de courtisans qui vont cent fois l'année au lever du prince, sans espérance de lui parler, mais seulement pour être vus de lui, et pour lui rendre leurs devoirs! Ainsi devons-nous venir, Philothée, à la sainte oraison, purement et simplement pour rendre notre devoir et témoigner notre fidélité. Que s'il plaît à la divine Majesté de s'approcher de nous, et de nous entretenir par ses saintes inspirations et ses consolations intérieures, ce nous sera sans doute un grand honneur et un plaisir très-délicieux; mais s'il ne lui plaît pas de nous faire cette grâce, nous laissant là sans nous parler, comme si elle ne nous voyoit pas, et que nous ne fussions pas en sa présence, nous ne devons pas pour cela en sortir; mais au contraire, il nous faut demeurer là devant cette souveraine bonté, dans un maintien respectueux et paisible, qui lui fera au moins agréer notre patience, et qui nous donnera le mérite de l'assiduité et de la persévérance. Par là nous pouvons espérer qu'une autre fois quand nous reviendrons devant Dieu, il voudra bien nous favoriser de ses divins entretiens, et nous faire goûter les douceurs de la sainte oraison. Que si au reste il ne le faisoit pas, nous devrions encore nous estimer trop honorés et trop heureux d'être auprès de lui, et en sa présence.

      CHAPITRE X.

      De quelques autres exercices, et premièrement de l'exercice du matin

      Outre cette oraison mentale, et les prières vocales que vous devez faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraison plus courtes, qui sont comme les accessoires et les rejetons de l'autre grande oraison. De ce nombre se trouve d'abord la prière du matin, qui sert de préparation générale à toutes les œuvres de la journée. Or, voici comme vous la ferez.

      1. Remerciez Dieu et adorez-le profondément pour la grâce qu'il vous a faite de vous avoir conservée durant la nuit; et si vous avez quelque chose à vous reprocher depuis votre examen du soir, demandez-lui-en pardon.

      2. Considérez que le jour présent vous est donné pour vous faire gagner le jour à venir de l'éternité, et ainsi prenez la ferme résolution de bien employer la journée à cette intention.

      3. Prévoyez quelles affaires vous aurez à traiter ce jour-là, quelles occasions vous pourrez avoir de servir Dieu, quelles tentations vous pourront survenir de l'offenser, soit par colère, soit par vanité, soit de quelque autre manière, et par une sainte résolution préparez-vous à bien employer tous les moyens que Dieu vous donnera de le servir et d'avancer votre perfection. Comme aussi disposez-vous à éviter soigneusement, ou bien à combattre et à vaincre tout ce qui pourrait s'opposer à votre salut et à la gloire de Dieu. Or, ce n'est pas encore tout que d'avoir pris cette résolution, il faut de plus aviser aux moyens de la bien exécuter. Par exemple, si je prévois que j'aurai à traiter de quelque affaire avec une personne passionnée et prompte à la colère, non-seulement je prendrai la résolution de ne point la fâcher, mais encore je préparerai d'avance des paroles de douceur qui puissent la prévenir et la gagner, ou bien je ferai choix de quelque personne grave dont la présence puisse la contenir. Si je prévois que j'aurai à visiter un malade, je songerai à l'heure qu'il faudra prendre pour cela, aux secours et aux consolations que je devrai lui donner, et ainsi du reste.

      4. Cela fait, humiliez-vous devant Dieu, reconnoissant que de vous-même vous ne sauriez rien faire de ce que vous avez résolu, soit pour fuir le mal, soit pour exécuter le bien. Et comme si vous teniez votre cœur entre vos mains, offrez-le avec tous vos bons desseins à la divine Majesté, la suppliant de le prendre sous sa protection, et de le fortifier à son service. Vous pouvez user pour cela de telles ou semblables paroles intérieures: O Seigneur! voilà ce pauvre et misérable cœur, qui, par votre bonté, a conçu plusieurs bonnes affections; mais hélas! il est trop foible et trop chétif pour effectuer le bien qu'il désire, si vous ne lui donnez votre céleste bénédiction. Je vous la demande donc, ô Père des miséricordes! par les mérites de la passion de votre Fils, à la gloire duquel je consacre cette journée et le reste de ma vie. Invoquez ensuite la sainte Vierge, votre bon ange et les saints, afin qu'ils appuient votre demande.

      Mais souvenez-vous, Philothée, que tout ceci doit se faire brièvement et vivement, et, s'il se peut, avant qu'on sorte de la chambre, afin que cet exercice influe sur le reste de la journée, et y attire les bénédictions de Dieu. Or, je vous prie de ne jamais y manquer.

      CHAPITRE XI.

      De l'exercice du soir et de l'examen de conscience: second exercice

      Comme avant votre dîner vous aurez nourri votre ame du pain céleste de la méditation, de même aussi avant votre souper, il vous faudra faire un petit souper ou collation spirituelle de recueillement et de prière. Prenez donc quelques instans un peu avant l'heure du souper, et, prosternée devant Dieu, réunissant toutes vos puissances auprès de Jésus crucifié, que vous vous représenterez par une simple vue intérieure, efforcez-vous de rallumer en votre cœur le feu de la méditation du matin. Pour cela il vous faut une douzaine de vives aspirations et d'élancemens de votre ame que vous adresserez à ce divin Sauveur, soit en repassant les choses que vous avez le plus savourées le matin, soit en vous occupant de quelqu'autre sujet de méditation, selon que vous l'aimerez mieux.

      Quant à l'examen de conscience que l'on doit toujours faire avant d'aller se coucher, chacun sait comment il faut s'y prendre.

      1. On remercie Dieu de la protection qu'il nous a accordée durant toute la journée.

      2. On examine comment on s'est comporté à toutes les heures du jour; et pour faire cela plus aisément, on se rappelle où, avec qui, et dans quelles circonstances on s'est trouvé.

      3. Si l'on trouve qu'on a fait quelque bien, on en rend grâces à Dieu: si au contraire on a fait quelque mal en pensées, en paroles ou en œuvres, on en demande pardon à sa divine Majesté, avec résolution de s'en confesser à la première occasion et de s'en corriger au plus tôt.

      4. Après cela, on recommande à la divine providence son corps, son ame, ses amis, ses parens et toute l'Eglise: on prie la sainte Vierge, le bon ange et les saints de veiller sur nous et pour nous; et avec la bénédiction de Dieu, on va prendre le repos qu'il a voulu nous rendre nécessaire.

      Cet exercice ne doit pas plus être omis que l'exercice du matin; car, si par l'exercice du matin vous ouvrez votre ame au soleil de justice, par celui du soir vous la fermez aux ténèbres de l'enfer.

      CHAPITRE XII.

      De la retraite spirituelle: troisième exercice

      C'est ici, chère Philothée, que je vous désire une grande ardeur à suivre mon conseil; car il s'agit de l'un des plus grands moyens qui existent pour s'avancer dans la vie spirituelle.

      Ce moyen consiste à se remettre le plus souvent possible en la sainte présence de Dieu, par l'une des quatre méthodes que je vous ai indiquées. Regardez ce que Dieu fait, et ce que vous faites, vous verrez ses yeux tournés de votre côté, et perpétuellement fixés sur vous par un amour incomparable: O Dieu! direz-vous alors, pourquoi ne vous regardé-je pas toujours, comme toujours vous me regardez? Pourquoi pensez-vous tant à moi, mon Seigneur! et pourquoi pense-je si peu à vous? O mon ame! où sommes-nous? Notre vraie place est en Dieu, et où nous trouvons-nous?

      Comme les oiseaux ont des nids sur les arbres pour s'y retirer


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