La San-Felice, Tome 02. Dumas Alexandre

La San-Felice, Tome 02 - Dumas Alexandre


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Jupiter? continua le roi.

      Et il ouvrit cette seconde porte, comme il avait ouvert la première; elle donnait sur une antichambre vide.

      Jupiter alla droit à une porte opposée à celle par laquelle il était entré et se dressa contre cette porte.

      – Tout beau! dit le roi, tout beau!

      Puis, se tournant vers Ruffo:

      – Nous brûlons, cardinal, dit-il.

      Et il ouvrit cette troisième porte.

      Elle donnait sur un petit escalier. Jupiter s'y élança, monta rapidement une vingtaine de marches, puis se mit à gratter la porte en poussant de petits cris.

      – Zitto! zitto! dit le roi.

      Le roi ouvrit cette quatrième porte comme il avait ouvert les trois autres; seulement, cette fois, il était arrivé au terme de son voyage: le courrier, tout vêtu et tout éperonné, dormait sur un lit de camp.

      – Hein! fit le roi, tout fier de l'intelligence de son chien; et quand je pense que pas un de mes ministres, même celui de la police, n'aurait fait ce que vient de faire mon chien!

      Malgré l'envie qu'avait Jupiter de sauter sur le lit de son père nourricier Ferrari, le roi lui fit un signe de la main, et il se tint tranquille derrière lui.

      Ferdinand alla droit au dormeur, et, du bout de la main, lui toucha l'épaule.

      Si légère qu'eut été la pression, celui-ci se réveilla immédiatement et se mit sur son séant, regardant autour de lui avec cet oeil effaré de l'homme que l'on éveille au milieu de son premier sommeil; mais, aussitôt, reconnaissant le roi, il se laissa glisser de son lit de camp et se tint debout et les coudes au corps, attendant les ordres de Sa Majesté.

      – Peux-tu partir? lui demanda le roi.

      – Oui, sire, répondit Ferrari.

      – Peux-tu aller à Vienne sans t'arrêter?

      – Oui, sire.

      – Combien de jours te faut-il pour aller à Vienne?

      – Au dernier voyage, sire, j'ai mis cinq jours et six nuits; mais je me suis aperçu que je pouvais aller plus vite et gagner douze heures.

      – Et à Vienne, combien de temps te faut-il pour te reposer?

      – Le temps qu'il faudra à la personne à laquelle Votre Majesté écrit pour me donner une réponse.

      – Alors, tu peux être ici dans douze jours?

      – Auparavant si l'on ne me fait pas attendre, et s'il ne m'arrive pas d'accident.

      – Tu vas descendre à l'écurie, seller un cheval toi-même; tu iras le plus loin possible avec le même cheval, au risque de le forcer; tu le laisseras chez un maître de poste quelconque et tu l'y reprendras à ton retour.

      – Oui, sire.

      – Tu ne diras à personne où tu vas.

      – Non, sire.

      – Tu remettras cette lettre à l'empereur lui-même et point à d'autres.

      – Oui, sire.

      – Et à qui que ce soit, même à la reine, tu ne laisseras prendre la réponse.

      – Non, sire.

      – As-tu de l'argent?

      – Oui, sire.

      – Eh bien, pars, alors.

      – Je pars, sire.

      Et, en effet, le brave homme ne prit que le temps de glisser la lettre du roi dans une petite poche de cuir pratiquée en manière de portefeuille dans la doublure de sa veste, de mettre sous son bras un petit paquet contenant un peu de linge et de se coiffer de sa casquette de courrier; après quoi, sans en demander davantage, il s'apprêta à descendre l'escalier.

      – Eh bien, tu ne fais pas tes adieux à Jupiter? dit le roi.

      – Je n'osais, sire, répondit Ferrari.

      – Voyons, embrassez-vous; n'êtes-vous pas deux vieux amis, et tous les deux à mon service?

      L'homme et le chien se jetèrent dans les bras l'un de l'autre: tous deux n'attendaient que la permission du roi.

      – Merci, sire, dit le courrier.

      Et il essuya une larme en se précipitant par les degrés pour rattraper le temps perdu.

      – Ou je me trompe fort, dit le cardinal, ou vous avez là un homme qui se fera tuer pour vous à la première occasion, sire!

      – Je le crois, dit le roi: aussi, je pense à lui faire du bien.

      Ferrari avait disparu depuis longtemps que le roi et le cardinal n'étaient point encore au bas de l'escalier.

      Ils rentrèrent dans l'appartement du roi par le même chemin qu'ils avaient pris pour en sortir, refermant derrière eux les portes qu'ils avaient laissées ouvertes.

      Un huissier de la reine attendait dans l'antichambre, porteur d'une lettre de Sa Majesté.

      – Oh! oh! fit le roi en regardant la pendule, à trois heures du matin? Ce doit être quelque chose de bien important.

      – Sire, la reine a vu votre chambre éclairée, et elle a pensé avec raison que Votre Majesté n'était pas encore couchée.

      Le roi ouvrit la lettre avec la répugnance qu'il mettait toujours à lire les lettres de sa femme.

      – Bon! dit-il aux premières lignes, c'est amusant: voilà ma partie de chasse à tous les diables!

      – Je n'ose demander à Votre Majesté ce que lui annonce cette lettre.

      – Oh! demandez, demandez, Votre Éminence. Elle m'annonce qu'au retour de la fête et à la suite de nouvelles importantes reçues, M. le capitaine général Acton et Sa Majesté la reine ont décidé qu'il y aurait conseil extraordinaire aujourd'hui mardi. Que le bon Dieu bénisse la reine et M. Acton! Est-ce que je les tourmente, moi? Qu'ils fassent donc ce que je fais, qu'ils me laissent tranquille.

      – Sire, répliqua Ruffo, pour cette fois, je suis obligé de donner raison à Sa Majesté la reine et à M. le capitaine général; un conseil extraordinaire me paraît de toute nécessité, et plus tôt il aura lieu, mieux cela vaudra.

      – Eh bien, alors, vous en serez, mon cher cardinal.

      – Moi, sire? Je n'ai point droit d'assister au conseil!

      – Mais, moi, j'ai le droit de vous y inviter.

      Ruffo s'inclina.

      – J'accepte, sire, dit-il; d'autres y apporteront leur génie, j'y apporterai mon dévouement.

      – C'est bien. Dites à la reine que je serai demain au conseil à l'heure qu'elle m'indiquera, c'est-à-dire à neuf heures. Votre Éminence entend?

      – Oui, sire.

      L'huissier se retira.

      Ruffo allait le suivre, lorsqu'on entendit le galop d'un cheval qui passait sous la voûte du palais.

      Le roi saisit la main du cardinal.

      – En tout cas, dit-il, voilà Ferrari qui part. Éminence, vous serez instruit un des premiers, je vous le promets, de ce qu'aura répondu mon cher neveu.

      – Merci, sire.

      – Bonne nuit à Votre Éminence… Ah! qu'ils se tiennent bien demain au conseil! je préviens la reine et M. le capitaine général que je ne serai pas de bonne humeur.

      – Bah! sire, dit le cardinal en riant, la nuit portera conseil.

      Le roi rentra dans sa chambre à coucher et sonna à briser la sonnette. Le valet de chambre accourut tout effaré, croyant que le roi se trouvait mal.

      – Que l'on me déshabille et que l'on me couche! cria le roi d'une voix de tonnerre; et, une autre fois, vous aurez soin que l'on ferme mes jalousies,


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