Les belles-de-nuit; ou, les anges de la famille. tome 2. Féval Paul

Les belles-de-nuit; ou, les anges de la famille. tome 2 - Féval Paul


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quelle jeune fille n'a ses heures où le rêve chéri vient caresser l'âme et l'amollir? – parfois Diane entrevoyait l'avenir bien heureux avec Étienne, Cyprienne avec Roger; la faiblesse de la femme prenait le dessus durant un instant; une larme glissait entre les cils baissés de leurs beaux yeux. Mais cela durait peu; elles s'embrassaient silencieusement, et ce baiser voulait dire: «Pauvre sœur, tu es comme moi, tu l'aimes, et tu n'auras pas le temps d'être à lui.»

      Vous les eussiez vues alors, muettes et pensives, les bras entrelacés, la tête inclinée…

      Quand elles se redressaient, il y avait sur leurs fronts d'enfants une intrépidité calme et sereine. Elles s'étaient comprises; il fallait combattre et combattre seules, car elles aimaient déjà trop pour mêler Roger ou Étienne à ces sourdes batailles où il s'agissait de mort.

      Et, eussent-elles aimé cent fois davantage, l'idée ne leur serait point venue d'abandonner la tâche commencée.

      D'ailleurs, il y avait des moments où elles espéraient la victoire. Et que de joie alors! Avoir sauvé le maître qui avait été bon pour leur enfance et qui donnait sa maison à leur vieux père sans asile! Avoir sauvé Madame qui se mourait à souffrir d'une angoisse inconnue, Madame, leur profond et tendre amour! Avoir sauvé Blanche enfin, la pauvre enfant, le doux ange de Penhoël, sur qui planait aussi la menace commune!

      Quand ces espoirs venaient, elles ne voyaient plus le monceau d'obstacles qu'il fallait soulever, et leur cœur, ivre, bondissait d'allégresse par avance.

      C'était cela qui les soutenait. Le courage, si grand qu'on pût le supposer, n'aurait point suffi; il fallait les illusions et l'espérance.

      Et ici leur ignorance complète de la vie, et la simplicité qui leur montrait au loin une route ouverte au travers de l'impossible, étaient puissamment aidées par la nature romanesque de leur esprit.

      Tout, depuis leur enfance, avait accru cette prédisposition qu'elles avaient à compter avec le merveilleux.

      Elles étaient de ce pays où les traditions sont de beaux contes de fées, et où les imaginations tristes et poétiques tâchent sans cesse à soulever le voile qui recouvre les choses surnaturelles. Leurs premières nuits avaient été bercées par ces étranges récits qui épouvantent et charment les chaumières bretonnes. Nul enseignement raisonné n'avait arraché ces germes qui, au contraire, avaient grandi dans la libre solitude où s'était passée leur enfance. Elles avaient appris à lire dans les vieux livres de la bibliothèque du manoir, qui se composait presque entièrement d'anciens poëmes et de romans oubliés dans la poudre. Benoît Haligan les avait tenues bien souvent sur ses genoux, toutes petites qu'elles étaient, et leur avait récité, avec sa voix profonde et son mélancolique sourire, les étranges légendes qui emplissaient sa mémoire. Enfin, il n'y avait pas jusqu'au souvenir vivace, laissé dans le pays par leur oncle, l'aîné de Penhoël, qui n'eût affecté bizarrement leurs jeunes esprits.

      On parlait de sa disparition mystérieuse, et l'on en parlait sans cesse. Pour Diane et Cyprienne, c'était là encore un roman, mais un roman réel qui les touchait de près, et leur servait de pont, en quelque sorte, pour arriver à croire tout ce que disaient les vieux livres de la bibliothèque.

      A mesure que les années étaient venues, leur foi s'était néanmoins modifiée. L'élément intelligent et juste qui était en elles avait fait peu à peu la part de l'impossible et de l'absurde, mais l'amour du merveilleux avait surnagé.

      Et par un singulier travail de leur pensée, cette tendance, désormais indestructible en elles, s'était détournée des vieilles fables pour arranger miraculeusement le présent inconnu.

      Il était un lieu au monde qui leur apparaissait de loin, environné d'un radieux prestige. Elles y rêvaient la nuit et le jour. Elles le voyaient à travers ce prisme féerique qui montrait jadis aux crédules matelots de l'Espagne les prodiges de l'Eldorado. Ce lieu, c'était Paris.

      On ne saurait dire précisément d'où leur étaient venues les idées qu'elles se faisaient de Paris. Elles les avaient prises çà et là, récoltant d'un côté un renseignement, de l'autre un mensonge. Elles avaient écouté d'abord les bonnes gens des environs, pour qui la grande ville était un pays plus lointain et plus invraisemblable que l'Amérique, au temps de Christophe Colomb. Elles avaient interrogé la bibliothèque, dont les bouquins, un peu plus avancés, leur fournissaient des détails tels quels. En outre, parmi les hobereaux du voisinage, il en était jusqu'à deux ou trois qui se vantaient avec orgueil d'avoir passé quinze jours, en leur vie, dans la capitale du monde civilisé.

      Or les hobereaux qui ont fait le grand voyage ont une manière à eux d'exagérer leurs impressions et d'enluminer la vérité.

      Cyprienne et Diane en auraient pu apprendre bien plus long auprès de Robert de Blois et des deux Pontalès, mais une répulsion énergique les éloignait de ces derniers, et Robert, qu'elles étaient forcées de voir tous les jours, prenait plaisir à entasser fables sur fables.

      Il en était un peu de même d'Étienne Moreau, le jeune peintre. Certes, ce n'était point chez lui mauvais vouloir ou amour du mensonge, mais, dès qu'il s'agissait de Paris, le regard des deux sœurs brillait et s'animait; Étienne les voyait écouter avec une attention si passionnée, qu'à son insu sa verve s'échauffait. Les couleurs du tableau changeaient sous sa parole jeune et vive. Il aimait Paris, lui aussi, et son souvenir avait des yeux de vingt ans. Malgré lui, la réalité disparaissait sous un brillant manteau de poésie.

      Tant de notions diverses se mêlaient et s'amoncelaient dans la mémoire de Diane et de Cyprienne. Elles n'en oubliaient aucune, et les gardaient jalousement au dedans d'elles-mêmes comme un trésor cher.

      Elles n'avaient nul moyen de distinguer le vrai du faux. Aussi loin que pussent se porter leurs regards, nul point de comparaison n'existait autour d'elles.

      La plus grande ville qu'il leur eût été donné de voir était Redon, cité de deux mille âmes.

      Il fallait que leur imagination bondît par-dessus toutes choses connues, pour arriver à l'idée de Paris, et c'est justement dans ces conditions particulières que l'imagination enivrée s'exalte et peut élargir à l'infini l'horizon des rêves.

      Paris était pour elles l'enfer et le paradis; tous les miracles y devenaient possibles.

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      1

      Le râle de la mort.

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