Essais d'un dictionnaire universel. Fournier Edouard
preposition. Il est à la ville, aux champs: Cela est à la mode.
A est le plus souvent adverbe, non seulement de temps & de lieu, comme, Cela vient à tard, Cela est à terre: mais encore il se joint à presque tous les mots de la Langue pour faire des phrases adverbiales, qui tiennent de leurs significations & de leurs maniéres: Venir à chef, Etre à couvert, à discretion, &c.
A se joint aussi aux infinitifs des verbes pour faire des phrases adverbiales: Donner à boire & à manger: Un maître à écrire: On fait à sçavoir: Au pis aller.
A se dit aussi dans les temps du verbe auxiliaire Avoir: Il a gagné cent écus: Il a fait: Il a dit: Il a le temps & l'argent.
A est souvent une particule indéclinable qui sert à la composition de plusieurs mots, & qui augmente, diminuë, ou change leur signification. Quand elle s'y joint, elle fait doubler ordinairement la consone qu'ils ont à la tête, comme Accorder, Addonner, Affaire, Assujettir, Attrouper, &c.
Cette lettre A étoit aussi chez les Anciens une lettre numerale qui signifioit 500. comme on voit dans Valerius Probus. Il y a des vers anciens rapportez par Baronius, qui marquent les lettres significatives des nombres, dont le premier est tel:
Possidet A numeros quingentos ordine recto.
Quand on mettoit un titre, ou une ligne droite au dessus de l'A, il signifioit cinq mille.
ABBÉ. s. m. ABBESSE. s. f. Superieur ou Superieure d'une Abbaye d'hommes ou de filles. Il y a trois sortes d'Abbez: Régulier, Séculier, Commendataire. Ce mot vient de ce que les premiers Moines appellerent leur Superieur Ab-bot, qui en Langue Syriaque signifie Pere. Ainsi ces mots de Abba Pater, qu'on trouve dans les Epitres aux Romains & aux Galates, & ailleurs, qui semblent dire la même chose, ne font pas pourtant un pleonasme, comme dit S. Augustin, veu que l'un est un nom de nature, & l'autre de dignité. D'autres disent qu'il vient du mot Hebreu Aba, qui signifie aimer, vouloir du bien. Covarruvias.
Chez les Ecrivains Grecs & Latins on appelloit Abbez, ceux que nous appellons maintenant Peres, qui étoient vénérables par leur âge & par leur sainteté. On a aussi compris sous ce nom généralement tous les Moines. Ainsi il est dit dans la Régle de S. Colomban, qu'il y avoit mille Abbez sous un Chef; & S. Epiphane fait mention d'un monastere, où il y avoit mille Abbez & mille cellules. On a appellé aussi Abbé second, le Prieur d'un monastere, qui est le Lieutenant de l'Abbé. On a appellé aussi en Sicile des Evêques Abbez & trés-souvent les Curez primitifs de France. On a appellé aussi Abbé du Palais le Maître de la Chapelle du Roy. Voyez du Cange. Les Abbez mitrez sont ceux qui ont droit de porter les ornemens Episcopaux, comme la mitre, les sandales, les gands, l'anneau & la crosse; ce qui leur a été accordé par privilege des Papes: & pour les distinguer des Evêques. Clement IV. ordonna que les Abbez Exempts porteroient des mitres brodées, mais sans pierreries & sans lames d'or & d'argent; & les non-Exempts, des mitres blanches & toutes unies.
Abbé s'est dit aussi de quelques Magistrats ou personnes laïques & séculiéres. Chez les Gennois il y avoit un principal Magistrat qu'on appelloit Abbé du Peuple. En France il y a eu plusieurs Seigneurs, sur tout du temps de Charlemagne, à qui on donnoit le soin & la garde des Abbayes, qu'on appelloit Abbacomites.
Dans les anciens titres on trouve que les Ducs & les Comtes ont été appellez Abbez, & les Duchez & Comtez Abbayes; & plusieurs Seigneurs & Gentils-hommes qui n'étoient aucunement Religieux, ont aussi pris ce nom, comme remarque Ménage, aprés Fauchet & autres.
On appelle aussi Abbé celuy qu'on élit en certaines Confrairies & Communautez, particuliérement entre les Ecoliers & les Garçons Chirurgiens, pour commander aux autres pendant un certain temps: & c'est de là apparemment qu'est venu le jeu de l'Abbé, dont la régle est, que quand le premier a fait quelque chose, il faut que tous ceux qui le suivent, fassent le semblable.
Abbé se dit proverbialement en ces phrases: On vous attendra comme les Moines font l'Abbé; c'est à dire, en travaillant toûjours, en commençant toûjours à dîner. On dit encore: Pour un Moine on ne laisse pas de faire un Abbé; pour dire que l'opposition d'un particulier n'empêche pas la déliberation d'une Compagnie, ou la conclusion d'une affaire. On dit en proverbe Espagnol: Como canta el abad responde al monazillo; pour dire que les inferieurs tiennent le même langage, ou sont de même avis que les Superieurs. On appelle aussi Abbez de sainte Esperance, ceux qui prennent la qualité d'Abbez, sans avoir d'Abbaye, & quelquefois même de Benefice.
ABINTESTAT. Terme de Jurisprudence, qui se dit de celuy qui herite d'un homme qui n'a point fait de testament: Ce fils est heritier de son pere abintestat. Il y a eu un temps où on privoit de sepulture ceux qui étoient décédez abintestat: ce qui donna lieu à un Arrest du 19. Mars 1409. portant défenses à l'Evêque d'Amiens d'empêcher, comme il faisoit, la sepulture des décédez abintestat.
ABYSME. s. m. gouffre profond où on se perd, dont on ne peut sortir: Il y a de profonds abysmes dans ces montagnes, dans ces rochers, dans ces mers, dans ces rivieres: Cette ville est fonduë en abysme. Ce mot vient du Grec batos, qui signifie la mer profonde, d'où est venu aussi le mot de bas & abaisser. Borel.
Abysme se dit figurément en Morale des choses où la connoissance humaine se perd, quand elle raisonne: La Physique est un abysme, on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature: Les Jugemens de Dieu, les mystéres sont des abysmes dont on ne peut sonder la profondeur.
Abysme se dit absolument des Enfers: La rebellion des Anges les fit précipiter dans l'abysme. Qui pourra mesurer la profondeur de l'abysme? On dit aussi: C'est un abysme de maux, de souffrances, de malheurs.
Abysme se dit aussi de ces dépenses excessives, dont on ne peut juger avec certitude: On ne peut certainement régler la dépense de la Marine, c'est un abysme: La dépense de cette maison est excessive, c'est un abysme. On dit en proverbe qu'un abysme attire l'autre, quand d'un mal on tombe en un plus grand.
Abysme, terme de Blason, est le cœur ou le milieu de l'Ecu. Il faut que la piéce qu'on y met, ne touche & ne charge aucune autre piéce, telle qu'elle soit. Ainsi on dit d'un petit Ecu qui est au milieu d'un grand, qu'il est mis en abysme: Il porte trois besans d'or avec une fleur de lys en abysme. Et tout autant de fois qu'on commence à blasonner par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu, est en abysme, comme si on vouloit dire que les autres grandes piéces étant élevées, celle-là paroît petite, comme cachée & abysmée.
Abysme est aussi un vaisseau fait en prisme triangulaire renversé, qui sert aux chandeliers à fondre leur suif & à faire leur chandelle, en y trempant plusieurs fois leur mesche.
ABYSMER. v. act. Jetter dans un abysme, y tomber, se perdre, se noyer: Les Ouragans abysment les vaisseaux: Ce terrain s'est abysmé, il y avoit dessous une carriere.
Abysmer se dit figurément en Morale: Les gros interêts ont abysmé ce marchand: Ce chicaneur a abysmé sa partie, il l'a ruinée de fonds en comble: Il a abysmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronom personnel, & plus au figuré qu'au propre: Il est abysmé dans la douleur: Cet homme a si mal fait ses affaires, qu'il s'est abysmé: Cette famille est abysmée, elle ne se relevera jamais: C'est un contemplatif qui s'abysme dans ses pensées, qui extravague.
AGATE. s. f. Pierre précieuse, en partie transparente, & en partie opaque. Il y en a de plusieurs couleurs; ce qui lui a fait donner divers noms chez Pline & les autres Auteurs. Il y en a qui imitent la couleur de la cornaline; d'autres qui ont des veines fort rouges & fort blanches. On en a vû qui ont representé sept arbres tout entiers. Les Agates Sardoines sont de trois couleurs: les vrayes sont entiérement rouges qu'on fait passer pour la Carneole, comme ayant une petite teinture de couleur de chair mêlée de brun: il y en a d'autres moindres, qui sont en partie mêlées