David Copperfield – Tome II. Чарльз Диккенс

David Copperfield – Tome II - Чарльз Диккенс


Скачать книгу
la moitié autant qu'à présent. Oh! ne vous souvenez pas de toutes les bontés et de l'affection que vous avez tous eues pour moi; ne vous rappelez pas que nous devions nous marier, tâchez plutôt de vous persuader que je suis morte quand j'étais toute petite, et qu'on m'a enterrée quelque part. Que le ciel dont je ne suis plus digne d'invoquer la pitié pour moi-même ait pitié de mon oncle! Dites-lui que je ne l'ai jamais aimé la moitié autant qu'à ce moment! Consolez-le. Aimez quelque honnête fille qui soit pour mon oncle ce que j'étais autrefois, qui soit digne de vous, qui vous soit fidèle; c'est bien assez de ma honte pour vous désespérer. Que Dieu vous bénisse tous! Je le prierai souvent pour vous tous, à genoux. Si l'on ne me ramène pas dame, et que je ne puisse plus prier pour moi-même, je prierai pour vous tous. Mes dernières tendresses pour mon oncle! Mes dernières larmes et mes derniers remercîments pour mon oncle!»

      C'était tout.

      Il resta longtemps à me regarder encore, quand j'eus fini. Enfin, je m'aventurai à lui prendre la main et à le conjurer, de mon mieux, d'essayer de recouvrer quelque empire sur lui-même. «Merci, monsieur, merci!» répondait-il, mais sans bouger.

      Ham lui parla: et M. Peggotty n'était pas insensible à sa douleur, car il lui serra la main de toutes ses forces, mais c'était tout: il restait dans la même attitude, et personne n'osait le déranger.

      Enfin, lentement, il détourna les yeux de dessus mon visage, comme s'il sortait d'une vision, et il les promena autour de la chambre, puis il dit à voix basse:

      «Qui est-ce? je veux savoir son nom.»

      Ham me regarda. Je me sentis aussitôt frappé d'un coup qui me fit reculer.

      «Vous soupçonnez quelqu'un, dit M. Peggotty, qui est-ce?

      – Monsieur David! dit Ham d'un ton suppliant, sortez un moment, et laissez-moi lui dire ce que j'ai à lui dire. Vous, il ne faut pas que vous l'entendiez, monsieur.»

      Je sentis de nouveau le même coup; je me laissai tomber sur une chaise, j'essayai d'articuler une réponse, mais ma langue était glacée et mes yeux troubles.

      «Je veux savoir son nom! répéta-t-il.

      – Depuis quelque temps, balbutia Ham, il y a un domestique qui est venu quelquefois rôder par ici. Il y a aussi un monsieur: ils s'entendaient ensemble.»

      M. Peggotty restait toujours immobile, mais il regardait Ham.

      «Le domestique, continua Ham, a été vu hier soir avec… avec notre pauvre fille. Il était caché dans le voisinage depuis huit jours au moins. On croyait qu'il était parti, mais il était caché seulement. Ne restez pas ici, monsieur David, ne restez pas!»

      Je sentis Peggotty passer son bras autour de mon cou pour m'entraîner, mais je n'aurais pu bouger quand la maison aurait dû me tomber sur les épaules.

      «On a vu une voiture inconnue avec des chevaux de poste, ce matin presque avant le jour, sur la route de Norwich, reprit Ham. Le domestique y alla, il revint, il retourna. Quand il y retourna, Émilie était avec lui. L'autre était dans la voiture. C'est lui!

      – Au nom de Dieu, dit M. Peggotty en reculant et en étendant la main pour repousser une pensée qu'il craignait de s'avouer à lui- même, ne me dites pas que son nom est Steerforth!

      – Monsieur David, s'écria Ham d'une voix brisée, ce n'est pas votre faute… et je suis bien loin de vous en accuser, mais… son nom est Steerforth, et c'est un grand misérable!»

      M. Peggotty ne poussa pas un cri, ne versa pas une larme, ne fit pas un mouvement, mais bientôt il eut l'air de se réveiller tout d'un coup, et se mit à décrocher son gros manteau qui était suspendu dans un coin.

      «Aidez-moi un peu. Je suis tout brisé, et je ne puis en venir à bout, dit-il avec impatience. Aidez-moi donc! Bien! ajouta-t-il, quand on lui eut donné un coup de main. Maintenant passez-moi mon chapeau!»

      Ham lui demanda où il allait.

      «Je vais chercher ma nièce. Je vais chercher mon Émilie. Je vais d'abord couler à fond ce bateau-là où je l'aurais noyé, oui, vrai comme je suis en vie, si j'avais pu me douter de ce qu'il méditait. Quand il était assis en face de moi, dit-il d'un air égaré en étendant le poing fermé, quand il était assis en face de moi, que la foudre m'écrase, si je ne l'aurais pas noyé, et si je n'aurais pas cru bien faire! Je vais chercher ma nièce.

      – Où? s'écria Ham, en se plaçant devant la porte.

      – N'importe où! Je vais chercher ma nièce à travers le monde. Je vais trouver ma pauvre nièce dans sa honte, et la ramener avec moi. Qu'on ne m'arrête pas! Je vous dis que je vais chercher ma nièce.

      – Non, non, cria mistress Gummidge qui vint se placer entre eux, dans un accès de douleur! non, non, Daniel! pas dans l'état où vous êtes! Vous irez la chercher bientôt, mon pauvre Daniel, et ce sera trop juste, mais pas maintenant! Asseyez-vous et pardonnez- moi de vous avoir si souvent tourmenté, Daniel… (qu'est-ce que c'est que mes chagrins auprès de celui-ci?) et parlons du temps où elle est devenue orpheline et Ham orphelin, quand j'étais une pauvre veuve, et que vous m'aviez recueillie. Cela calmera votre pauvre coeur, Daniel, dit-elle, en appuyant sa tête sur l'épaule de M. Peggotty, et vous supporterez mieux votre douleur, car vous connaissez la promesse, Daniel: «Ce que vous aurez fait à l'un des plus petits de mes frères, vous me l'aurez fait à moi-même,» et cela ne peut manquer d'être accompli sous ce toit qui nous a servi d'abri depuis tant, tant d'années!»

      Il était devenu maintenant presque insensible en apparence, et quand je l'entendis pleurer, au lieu de me mettre à genoux comme j'en avais l'envie, pour lui demander pardon de la douleur que je leur avais causée, et pour maudire Steerforth, je fis mieux: je donnais à mon coeur oppressé le même soulagement et je pleurai avec eux.

       CHAPITRE II

      Commencement d'un long voyage

      Je suppose que ce qui m'est naturel est naturel à beaucoup d'autres, c'est pourquoi je ne crains pas de dire que je n'ai jamais plus aimé Steerforth qu'au moment même où les liens qui nous unissaient furent rompus. Dans l'amère angoisse que me causa la découverte de son crime, je me rappelai plus nettement toutes ses brillantes qualités, j'appréciai plus vivement tout ce qu'il avait de bon, je rendis plus complètement justice à toutes les facultés qui auraient pu faire de lui un homme d'une noble nature et d'une grande distinction, que je ne l'avais jamais fait dans toute l'ardeur de mon dévouement passé; il m'était impossible de ne pas sentir profondément la part involontaire que j'avais eue dans la souillure qu'il avait laissée dans une famille honnête, et cependant, je crois que, si je m'étais trouvé alors face à face avec lui, je n'aurais pas eu la force de lui adresser un seul reproche. Je l'aurais encore tant aimé, quoique mes yeux fussent dessillés; j'aurais conservé un souvenir si tendre de mon affection pour lui, que j'aurais été, je le crains, faible comme un enfant qui ne sait que pleurer et oublier; mais, par exemple, il n'y avait plus à penser désormais à une réconciliation entre nous. C'est une pensée que je n'eus jamais. Je sentais, comme il l'avait senti lui-même, que tout était fini de lui à moi. Je n'ai jamais su quel souvenir il avait conservé de moi; peut-être n'était-ce qu'un de ces souvenirs légers qu'il est facile d'écarter, mais moi, je me souvenais de lui comme d'un ami bien- aimé que j'avais perdu par la mort.

      Oui, Steerforth, depuis que vous avez disparu de la scène de ce pauvre récit, je ne dis pas que ma douleur ne portera pas involontairement témoignage contre vous devant le trône du jugement dernier, mais n'ayez pas peur que ma colère ou mes reproches accusateurs vous y poursuivent d'eux-mêmes.

      La nouvelle de ce qui venait d'arriver se répandit bientôt dans la ville, et en passant dans les rues, le lendemain matin, j'entendais les habitants en parler devant leurs portes. Il y avait beaucoup de gens qui se montraient sévères pour elle; d'autres l'étaient plutôt pour lui, mais il n'y avait qu'une voix sur le compte de son père adoptif et de son fiancé. Tout le monde, dans tous les rangs, témoignait pour leur douleur un respect plein d'égards et de délicatesse. Les marins se tinrent à l'écart quand ils les virent tous deux marcher lentement sur la plage de grand matin, et formèrent des groupes où l'on


Скачать книгу