David Copperfield – Tome II. Чарльз Диккенс

David Copperfield – Tome II - Чарльз Диккенс


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que le grand jour les avait surpris assis encore là où je les avais laissés la veille. Ils avaient l'air accablé, et il me sembla que cette seule nuit avait courbé la tête de M. Peggotty plus que toutes les années pendant lesquelles je l'avais connu. Mais ils étaient tous deux graves et calmes comme la mer elle-même, qui se déroulait à nos yeux sans une seule vague sous un ciel sombre, quoique des gonflements soudains montrassent bien qu'elle respirait dans son repos, et qu'une bande de lumière qui l'illuminait à l'horizon fît deviner par derrière la présence du soleil, invisible encore sous les nuages.

      «Nous avons longuement parlé, monsieur, me dit Peggotty après que nous eûmes fait, tous les trois, quelques tours sur le sable au milieu d'un silence général, de ce que nous devions et de ce que nous ne devions pas faire. Mais nous sommes fixés maintenant.»

      Je jetai, par hasard, un regard sur Ham. En ce moment il regardait la lueur qui éclairait la mer dans le lointain, et, quoique son visage ne fût pas animé par la colère et que je ne pusse y lire, autant qu'il m'en souvient, qu'une expression de résolution sombre, il me vint dans l'esprit la terrible pensée que s'il rencontrait jamais Steerforth, il le tuerait.

      «Mon devoir ici est accompli, monsieur, dit Peggotty. Je vais chercher ma…» Il s'arrêta, puis il reprit d'une voix plus ferme: «Je vais la chercher. C'est mon devoir à tout jamais.»

      Il secoua la tête quand je lui demandai où il la chercherait, et me demanda si je partais pour Londres le lendemain. Je lui dis que, si je n'étais pas parti le jour même, c'était de peur de manquer l'occasion de lui rendre quelque service, mais que j'étais prêt à partir quand il voudrait.

      «Je partirai avec vous demain, monsieur, dit-il, si cela vous convient.»

      Nous fîmes de nouveau quelques pas en silence.

      «Ham continuera à travailler ici, reprit-il au bout d'un moment, et il ira vivre chez ma soeur. Le vieux bateau…

      – Est-ce que vous abandonnerez le vieux bateau, M. Peggotty? demandai-je doucement.

      – Ma place n'est plus là, M. David, répondit-il, et si jamais un bateau a fait naufrage depuis le temps où les ténèbres étaient sur la surface de l'abîme, c'est celui-là. Mais, non, monsieur; non, je ne veux pas qu'il soit abandonné, bien loin de là.»

      Nous marchâmes encore en silence, puis il reprit:

      «Ce que je désire, monsieur, c'est qu'il soit toujours, nuit et jour, hiver comme été, tel qu'elle l'a toujours connu, depuis la première fois qu'elle l'a vu. Si jamais ses pas errants se dirigeaient de ce côté, je ne voudrais pas que son ancienne demeure semblât la repousser; je voudrais qu'elle l'invitât, au contraire, à s'approcher peut-être de la vieille fenêtre, comme un revenant, pour regarder, à travers le vent et la pluie, son petit coin près du feu. Alors, M. David, peut-être qu'en voyant là mistress Gummidge toute seule, elle prendrait courage et s'y glisserait en tremblant; peut-être se laisserait-elle coucher dans son ancien petit lit et reposerait-elle sa tête fatiguée, là où elle s'endormait jadis si gaiement.»

      Je ne pus lui répondre, malgré tous mes efforts.

      «Tous les soirs, continua M. Peggotty, à la tombée de la nuit, la chandelle sera placée comme à l'ordinaire à la fenêtre, afin que, s'il lui arrivait un jour de la voir, elle croie aussi l'entendre l'appeler doucement: «Reviens, mon enfant, reviens!» Si jamais on frappe à la porte de votre tante, le soir, Ham, surtout si on frappe doucement, n'allez pas ouvrir vous-même. Que ce soit elle, et non pas vous, qui voie d'abord ma pauvre enfant!»

      Il fit quelques pas et marcha devant nous un moment. Durant cet intervalle, je jetai encore les yeux sur Ham et voyant la même expression sur son visage, avec son regard toujours fixé sur la lueur lointaine, je lui touchai le bras.

      Je l'appelai deux fois par son nom, comme si j'eusse voulu réveiller un homme endormi, sans qu'il fît seulement attention à moi. Quand je lui demandai enfin à quoi il pensait, il me répondit:

      «À ce que j'ai devant moi, M. David, et par delà.

      – À la vie qui s'ouvre devant vous, vous voulez dire?»

      Il m'avait vaguement montré la mer.

      «Oui, M. David. Je ne sais pas bien ce que c'est, mais il me semble… que c'est tout là-bas que viendra la fin.» Et il me regardait comme un homme qui se réveille, mais avec le même air résolu.

      «La fin de quoi? demandai-je en sentant renaître mes craintes.

      – Je ne sais pas, dit-il d'un air pensif. Je me rappelais que c'est ici que tout a commencé et… naturellement je pensais que c'est ici que tout doit finir. Mais n'en parlons plus, M. David, ajouta-t-il en répondant, je pense, à mon regard, n'ayez pas peur: c'est que, voyez-vous, je suis si barbouillé, il me semble que je ne sais pas…» et, en effet, il ne savait pas où il en était et son esprit était dans la plus grande confusion.

      M. Peggotty s'arrêta pour nous laisser le temps de le rejoindre et nous en restâmes là; mais le souvenir de mes premières craintes me revint plus d'une fois, jusqu'au jour où l'inexorable fin arriva au temps marqué.

      Nous nous étions insensiblement rapprochés du vieux bateau. Nous entrâmes: mistress Gummidge, au lieu de se lamenter dans son coin accoutumé, était tout occupée de préparer le déjeuner. Elle prit le chapeau de M. Peggotty, et lui approcha une chaise en lui parlant avec tant de douceur et de bon sens que je ne la reconnaissais plus.

      «Allons, Daniel, mon brave homme, disait-elle, il faut manger et boire pour conserver vos forces, sans cela vous ne pourriez rien faire. Allons, un petit effort de courage, mon brave homme, et si je vous gêne avec mon caquet, vous n'avez qu'à le dire, Daniel, et ce sera fini.»

      Quand elle nous eut tous servis, elle se retira près de la fenêtre, pour s'occuper activement de réparer des chemises et d'autres hardes appartenant a M. Peggotty, qu'elle pliait ensuite avec soin pour les emballer dans un vieux sac de toile cirée, comme ceux que portent les matelots. Pendant ce temps, elle continuait à parler toujours aussi doucement.

      «En tout temps et en toutes saisons, vous savez, Daniel, disait mistress Gummidge, je serai toujours ici, et tout restera comme vous le désirez. Je ne suis pas bien savante, mais je vous écrirai de temps en temps quand vous serez parti, et j'enverrai mes lettres à M. David. Peut-être que vous m'écrirez aussi quelquefois, Daniel, pour me dire comment vous vous trouvez à voyager tout seul dans vos tristes recherches.

      – J'ai peur que vous ne vous trouviez bien isolée, dit M. Peggotty.

      – Non, non, Daniel, répliqua-t-elle; il n'y a pas de danger, ne vous inquiétez pas de moi, j'aurai bien assez à faire de tenir les êtres en ordres (mistress Gummidge voulait parler de la maison) pour votre retour, de tenir les êtres en ordre pour ceux qui pourraient revenir, Daniel. Quand il fera beau, je m'assoirai à la porte comme j'en avais l'habitude. Si quelqu'un venait, il pourrait voir de loin la vieille veuve, la fidèle gardienne du logis.»

      Quel changement chez mistress Gummidge, et en si peu de temps! C'était une autre personne. Elle était si dévouée, elle comprenait si vite ce qu'il était bon de dire et ce qu'il valait mieux taire, elle pensait si peu à elle-même et elle était si occupée du chagrin de ceux qui l'entouraient, que je la regardais faire avec une sorte de vénération. Que d'ouvrage elle fit ce jour-là! Il y avait sur la plage une quantité d'objets qu'il fallait renfermer sous le hangar, comme des voiles, des filets, des rames, des cordages, des vergues, des pots pour les homards, des sacs de sable pour le lest et bien d'autres choses, et quoique le secours ne manquât pas et qu'il n'y eût pas sur la plage une paire de mains qui ne fût disposée à travailler de toutes ses forces pour M. Peggotty, trop heureuse de se faire plaisir en lui rendant service, elle persista, pendant toute la journée, à traîner des fardeaux infiniment au-dessus de ses forces, et à courir de çà et de là pour faire une foule de choses inutiles. Point de ses lamentations ordinaires sur ses malheurs qu'elle semblait avoir complètement oubliés. Elle affecta tout le jour une sérénité tranquille, malgré sa vive et bonne sympathie, et ce n'était pas ce qu'il y avait de moins étonnant dans le changement qui s'était opéré en elle. De mauvaise humeur, il n'en était pas question. Je ne remarquai


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