Oeuvres complètes de Guy de Maupassant – volume 10. Guy de Maupassant

Oeuvres complètes de Guy de Maupassant – volume 10 - Guy de Maupassant


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on éprouverait à pouvoir se promener longtemps, sur les toits.»

      Alors il la questionna sur ses goûts, sur ses rêves, sur ses plaisirs. Et elle répondait sans embarras, en fille réfléchie, sensée, pas plus songeuse qu’il ne faut. Il la trouvait pleine de bon sens, et il se disait qu’il serait vraiment doux de pouvoir passer son bras autour de cette taille ronde et ferme et d’embrasser longuement à petits baisers lents, comme on boit à petits coups de très bonne eau-de-vie, cette joue fraîche, auprès de l’oreille, qu’éclairait un reflet de lampe. Il se sentait attiré, ému par cette sensation de la femme si proche, par cette soif de la chair mûre et vierge, et par cette séduction délicate de la jeune fille. Il lui semblait qu’il serait demeuré là pendant des heures, des nuits, des semaines, toujours, accoudé près d’elle, à la sentir près de lui, pénétré par le charme de son contact. Et quelque chose comme un sentiment poétique soulevait son cœur en face du grand Paris étendu devant lui, illuminé, vivant sa vie nocturne, sa vie de plaisir et de débauche. Il lui semblait qu’il dominait la ville énorme, qu’il planait sur elle; et il sentait qu’il serait délicieux de s’accouder chaque soir sur ce balcon auprès d’une femme, et de s’aimer, de se baiser les lèvres, de s’étreindre au-dessus de la vaste cité, au-dessus de toutes les amours qu’elle enfermait, au-dessus de toutes les satisfactions vulgaires, au-dessus de tous les désirs communs, tout près des étoiles.

      Il est des soirs où les âmes les moins exaltées se mettent à rêver, comme s’il leur poussait des ailes. Il était peut-être un peu gris.

      Cachelin, parti pour chercher sa pipe, revint en l’allumant: «Je sais, dit-il, que vous ne fumez pas, aussi je ne vous offre point de cigarettes. Il n’y a rien de meilleur que d’en griller une ici. Moi, s’il me fallait habiter en bas, je ne vivrais pas. Nous le pourrions, car la maison appartient à ma sœur ainsi que les deux voisines, celle de gauche et celle de droite. Elle a là un joli revenu. Ça ne lui a pas coûté cher dans le temps, ces maisons-là.» Et, se tournant vers la salle, il cria: «Combien donc as-tu payé les terrains d’ici, Charlotte?»

      Alors la voix pointue de la vieille fille se mit à parler. Lesable n’entendait que des lambeaux de phrase «… En mil huit cent soixante-trois… trente-cinq francs… bâti plus tard… les trois maisons… un banquier… revendu au moins cinq cent mille francs…»

      Elle racontait sa fortune avec la complaisance d’un vieux soldat qui dit ses campagnes. Elle énumérait ses achats, les propositions qu’on lui avait faites depuis, les plus-values, etc.

      Lesable, tout à fait intéressé, se retourna, appuyant maintenant son dos à la balustrade de la terrasse. Mais comme il ne saisissait encore que des bribes de l’explication, il abandonna brusquement sa jeune voisine et rentra pour tout entendre; et s’asseyant à côté de Mlle Charlotte, il s’entretint longuement avec elle de l’augmentation probable des loyers et de ce que peut rapporter l’argent bien placé, en valeur ou en biens-fonds.

      Il s’en alla vers minuit, en promettant de revenir.

      Un mois plus tard, il n’était bruit dans tout le ministère que du mariage de Jacques-Léopold Lesable avec Mlle Céleste-Coralie Cachelin.

III

      Le jeune ménage s’installa sur le même palier que Cachelin et que Mlle Charlotte, dans un logement pareil au leur et dont on expulsa le locataire.

      Une inquiétude, cependant, agitait l’esprit de Lesable: la tante n’avait voulu assurer son héritage à Cora par aucun acte définitif. Elle avait cependant consenti à jurer «devant Dieu» que son testament était fait et déposé chez Me Belhomme, notaire. Elle avait promis, en outre, que toute sa fortune reviendrait à sa nièce, sous réserve d’une condition. Pressée de révéler cette condition, elle refusa de s’expliquer, mais elle avait encore juré avec un petit sourire bienveillant que c’était facile à remplir.

      Devant ces explications et cet entêtement de vieille dévote, Lesable crut devoir passer outre, et comme la jeune fille lui plaisait beaucoup, son désir triomphant de ses incertitudes, il s’était rendu aux efforts obstinés de Cachelin.

      Maintenant il était heureux, bien que harcelé toujours par un doute. Et il aimait sa femme qui n’avait en rien trompé ses attentes. Sa vie s’écoulait, tranquille et monotone. Il s’était fait d’ailleurs en quelques semaines à sa nouvelle situation d’homme marié, et il continuait à se montrer l’employé accompli de jadis.

      L’année s’écoula. Le jour de l’an revint. Il n’eut pas, à sa grande surprise, l’avancement sur lequel il comptait. Maze et Pitolet passèrent seuls au grade au-dessus; et Boissel déclara confidentiellement à Cachelin qu’il se promettait de flanquer une roulée à ses deux confrères, un soir, en sortant, en face de la grande porte, devant tout le monde. Il n’en fit rien.

      Pendant huit jours, Lesable ne dormit point d’angoisse de ne pas avoir été promu, malgré son zèle. Il faisait pourtant une besogne de chien; il remplaçait indéfiniment le sous-chef, M. Rabot, malade neuf mois par an à l’hôpital du Val-de-Grâce; il arrivait tous les matins à huit heures et demie; il partait tous les soirs à six heures et demie. Que voulait-on de plus? Si on ne lui savait pas gré d’un pareil travail et d’un semblable effort, il ferait comme les autres, voilà tout. A chacun suivant sa peine. Comment donc M. Torchebeuf, qui le traitait ainsi qu’un fils, avait-il pu le sacrifier? Il voulait en avoir le cœur net. Il irait trouver le chef et s’expliquerait avec lui.

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