Noémie Hollemechette. Magdeleine du Genestoux

Noémie Hollemechette - Magdeleine du Genestoux


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devant nous, et je pus voir vraiment cette petite Princesse si jolie dont la photographie était sur le bureau de papa à Louvain.

      Elle était assise auprès de sa mère dans le fond de la voiture. Sa robe était blanche, elle portait un chapeau de paille de riz garni d’une plume d’autruche blanche aussi. Elle a beaucoup de cheveux dont les boucles sortent en masse au-dessous des bords de son chapeau. Elle saluait gentiment de la tête, mais à un moment où la voiture passa devant des soldats d’artillerie réunis dans un coin de la place, elle se leva et envoya des baisers avec sa petite main; ses deux frères se levèrent aussi en agitant leur béret.

      Alors la foule cria et hurla comme si elle avait été en délire; les gens entouraient la voiture, et la femme qui était à côté de nous se précipita près de la portière et, se hissant sur le marchepied, elle baisa la main de la Reine et celle de la petite Princesse. Son panier d’œufs était tombé par terre, mais personne n’y fit attention et on écrasa tout.

      Comme la foule augmentait, maman prit Barbe dans ses bras et moi je m’accrochai à sa robe.

      Les soldats se mirent à entonner la Brabançonne; tout le monde chantait avec eux, c’était vraiment magnifique. La femme au panier d’œufs pleurait, mais ce n’était par pour ses œufs perdus; je crois même qu’elle a suivi la voiture sans s’inquiéter d’autre chose.

      L’Hôtel de Ville, c’est tout près de la place Verte. En y arrivant, on voyait beaucoup de gens devant l’affiche posée sur la porte.

      Maman s’approcha, mais il n’y avait pas moyen de lire, nous étions encore trop loin. Un homme se retourna et dit à maman:

      «Vous voulez savoir ce qui se passe? Eh bien, voilà: les Allemands ont mis Louvain à sac et la ville est brûlée.»

      Maman chancela, mais elle tenait toujours Barbe dans ses bras; alors elle se raidit.

      L’homme, regardant maman, murmura:

      «Mais qu’a donc la pauvre dame?

      – Papa est à Louvain avec ma sœur.

      – Il fallait le dire!»

      Une femme se mit à adresser des reproches à cet homme en lui disant qu’il devait faire attention aux nouvelles qu’il annonçait.

      «Bah, bah! grommela l’homme, j’ai parlé trop vite; on dit que Louvain est incendié, mais on n’en sait rien en réalité.

      – Mais je veux le savoir, je veux le savoir», répétait maman.

      Barbe pleurait. Maman la mit par terre et poussa les gens qui étaient devant elle afin de pouvoir arriver jusqu’à la porte de l’Hôtel de Ville.

      Elle s’adressa à un monsieur décoré qui avait l’air très sérieux, en le suppliant de lui donner des nouvelles de Louvain.

      Ce monsieur assura qu’il savait seulement que les Allemands avaient brûlé des monuments à Louvain, mais que les habitants n’avaient pas été molestés– c’est le mot qu’il employa. Mais puisque nous étions de Louvain, il allait chercher des informations certaines afin de nous renseigner exactement. Il dit à maman de revenir dans la soirée et de demander M. Beughel.

      Nous sommes retournées au Musée Plantin, maman peut à peine parler et c’est à ce moment que j’écris ces pages sur le bureau du fils de M. Claus.

26 août.

      Hier soir, M. Claus est revenu de l’Hôtel de Ville avec maman. Louvain a été bombardé et brûlé, et cinquante automobiles allemandes sont entrées à Malines. M. Claus veut que nous quittions tous Anvers.

      Maman a beaucoup pleuré; elle voulait retourner à Louvain, en nous laissant, Barbe et moi, à M. Claus. Alors j’ai supplié maman de me garder avec elle.

      «Je t’en prie, petite maman, que nous ne te perdions pas, toi aussi. Que ferions-nous, Barbe et moi, sans papa et sans maman? Non, non, ne nous quitte pas.»

      Je ne savais que dire, mais je m’accrochais à son cou en sanglotant.

      M. Claus nous regardait et dit doucement à maman:

      «Madame Hollemechette, votre petite Noémie a raison, n’abandonnez pas ces enfants. Nous retrouverons votre fille aînée et votre mari, car, à cause d’elle, il ne se sera pas exposé inutilement.

      – Oh! je le sais bien, c’est pour cela surtout que j’avais laissé ma fille.»

      Maman a fait un effort sur elle-même et a dit: «C’est décidé, je ferai ce que vous voudrez».

      Il est entendu que nous partons tout à l’heure pour Ostende.

Gand, le 3 septembre.

      Nous sommes parties lundi matin d’Anvers, et nous sommes depuis deux jours à Gand, où nous attendons de pouvoir prendre un train pour Ostende. Je crois aussi que maman s’éloigne à regret de Louvain, et qu’elle espère avoir des nouvelles de papa et de Madeleine.

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