Noémie Hollemechette. Magdeleine du Genestoux

Noémie Hollemechette - Magdeleine du Genestoux


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tant elles étaient belles et simples: «Oui, la Belgique est un petit pays, mais son honneur est grand; il saura le sauver et vous tous, jeunes gens, vous vous battrez pour son indépendance et sa liberté. Je serai avec vous et c’est à mes côtés que nous arrêterons les envahisseurs qui trahissent leur serment!» Nous aurions tous voulu applaudir. Nous avons seulement crié: «Vive le Roi! vive la Belgique!»

      «Nous partons ce soir pour Liége. Je vous embrasse tendrement, mes chers parents, ainsi que Madeleine et les deux petites.

Votre fils,Désiré.

      «P. – S. – J’oubliais de vous dire qu’à la revue, il y avait un chien attelé à une mitrailleuse qui ressemblait beaucoup à Phœbus mais il n’était pas content du tout d’être attelé et il voulait mordre tous ceux qui s’approchaient de lui. Alors on lui a mis une muselière.»

      En revenant de chez Tantine, papa a voulu passer devant l’Hôtel de Ville pour savoir s’il n’y avait pas quelque chose de nouveau. Nous avons été arrêtés sur la Grand’Place par M. Van Tieren. Il prévint papa que M. Boonen avait reçu des nouvelles d’un de ses fils. Nous sommes vite allés chez lui. Ce n’était pas très loin, car il demeure avenue Jodoigne.

      On nous fit entrer dans la salle à manger où son second fils, habillé en artilleur, tout couvert de poussière et de boue, était assis devant la table et mangeait en hâte ce qu’on avait posé devant lui.

      Son père expliqua à papa, afin de le laisser manger qu’il avait été chargé par son général de porter des dépêches importantes au quartier général, à Bruxelles où se trouvait le Roi. Il était arrivé à motocyclette.

      Papa lui demanda ce qui se passait à Liége.

      «Oh! nous ne sommes pas en bonne posture et les Allemands sont en nombre, et puis, il y a eu l’attentat du général Léman qui commande la forteresse de Liége.

      – L’attentat du général Léman?

      – Oui, voilà, je vais vous le raconter en deux mots.

      – Mais as-tu assez mangé?

      – Bien sûr, j’étouffe. Voici donc la chose.

      «C’était le 6, vers deux heures de l’après-midi; nous étions au quartier général, établi rue Sainte-Foy; nous restions dans une maison située en face de celle où était logé le général Léman avec ses aides de camp.

      «Tout à coup, on entendit des cris et puis du tumulte dans la rue, nous nous précipitons aux fenêtres et sur la porte, et nous apercevons une foule de femmes et d’enfants escortant un groupe d’officiers ou soldats que nous ne distinguons pas bien au milieu de cette masse de gens. On criait: «Voici les Anglais! Vivent les Anglais!» Ils atteignent la maison du général et pénètrent sous la porte. Le bruit de la rue avait attiré un tas de gens, et on ne pouvait que difficilement se frayer un chemin à travers cette multitude.

      – Tout à coup une clameur s’élève: «Allemands, ce sont des Allemands!»

      «Alors la foule se rua sur la porte, voulant massacrer ces soldats qui avaient pénétré jusque-là à l’aide d’espions; mais nos soldats arrivèrent à la maintenir, et ce fut dans l’escalier même que la lutte s’engagea.

      «Un aide de camp du général avait reconnu leur uniforme, et c’est juste à sa porte qu’on les arrêta. Deux parvinrent à s’enfuir et, avec une audace incroyable, se jetèrent dans l’automobile du général qui stationnait dans la rue et tentèrent de fuir, mais il était trop tard; nous avons saisi nos deux prisonniers qui ont comparu devant le général Léman qui, bien que malade et épuisé les interrogea et les condamna.

      «Le lendemain, le général Léman gagna le fort de Loncin, suivi de son état-major, et c’est sur son lit de camp qu’il a présidé le conseil de guerre, et c’est lui-même qui m’a remis les dépêches pour le Roi.»

      En disant ces derniers mots, il tapa sur la poche de sa veste où étaient cachés les papiers importants.

      «J’ai encore le temps de vous raconter l’histoire d’un petit boy-scout qui nous sauva la vie.

      «Figurez-vous que tandis que nous nous battions autour de Liége sans arrêt du matin au soir, et souvent fort avant dans la nuit, nous avions à peine le temps de manger. Les habitants de Liége savaient que la distribution régulière des vivres était impossible, et que ce n’était que par hasard que nous parvenions à prendre une bouchée. Un brave marchand de comestibles eut une idée épatante: il réunit, avec l’aide de quelques amis, des bouteilles, des poulets, des pâtés de foies gras, des fruits, et ils chargèrent un petit boy-scout de quatorze ans de nous porter à bicyclette ces victuailles. Alors ce brave garçon mit un gros paquet devant lui, sur le guidon, et un second bien attaché sur la selle par derrière, et le voilà parti pour la ligne de feu.

      «Les premiers, dont j’étais, qui le virent, furent un peu étonnés. Il nous tendait une bouteille, un pâté que nous partagions entre trois ou quatre, entre deux coups de feu; on n’avait pas même le temps de le remercier, et il courait plus loin faire de même aux camarades, et, après avoir vidé ses paquets, il enfourchait sa bicyclette et rentrait dans Liége pour revenir bien vite avec de nouveaux poulets et de nouvelles bouteilles qu’il distribuait de la même façon. Ah! l’on peut dire qu’il nous a sauvé la vie, car il a fait ces voyages pendant plusieurs jours de suite!»

      Quand Jean Boonen eut fini son histoire, il se leva et dit:

      «Maintenant, adieu, je file.»

      Mme Bouts, la marchande de lait et de légumes, qui a été forcée de donner ses deux chiens, est venue demander à maman comment elle pourrait envoyer des légumes à Bruxelles, car elle venait d’apprendre, par Poppen, que des maraîchers des environs de Bruxelles en avaient expédié une quantité.

      «Mais, dit maman, envoyez ce que vous voudrez par le chemin de fer.

      – Oh! sûrement non, car on me les volerait en route.

      – Mais non, vous pouvez être tranquille: d’ici à Bruxelles, il n’y a pas de danger.

      – Oh! c’est que vous ne savez pas, on vient de découvrir des espions et on va les fusiller.

      – Comment? dit maman, quelle bêtise!»

      Avant le dîner, nous sommes allées, Madeleine et ma petite sœur, chez Mme Melken, pour prendre des nouvelles du fils du professeur Melken qui s’était battu à Liége.

      Donnant la main à Madeleine, nous avons suivi la rue de Namur pour passer devant l’église de Saint-Quentin, près de laquelle demeurent le professeur Melken et sa femme.

      Il y avait plein de monde dans les rues, et l’on causait avec des gens que l’on ne connaissait pas du tout. Je l’ai bien remarqué.

      Il y avait une grosse femme qui sortait de l’église et qui dit à Madeleine:

      «Est-il possible que des enfants jolis comme cela puissent être pris par les Allemands?

      – Comment! pris par les Allemands, plutôt tués par eux!» a crié quelqu’un.

      Alors Madeleine s’est mise à marcher très vite en nous disant: «Ces deux femmes sont complètement folles! La guerre les rend malades.»

      Je n’osai pas questionner ma sœur, mais je pensais que les Allemands devaient être méchants puisqu’ils avaient forcé nos soldats à emmener nos chiens, et je songeais au pauvre Phœbus dont nous n’avions pas de nouvelles.

      Mme Melken s’écria en nous voyant: «Oh! chères petites Hollemechette, que vous êtes gentilles de venir prendre des nouvelles de Jean. Je viens de recevoir une carte de lui, il va bien, mais il est au fort de Loncin avec le général Léman. Je suis sûre que vous prendrez avec plaisir une tartine de ma nouvelle compote de cerises?»

      Barbe était très contente, moi aussi du reste, mais je voyais que Madeleine était triste et cela m’ennuyait. Tandis qu’elle nous servait de la confiture, avec une cuillère qui était


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