Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I. Чарльз Диккенс

Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I - Чарльз Диккенс


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M. Pickwick allongea la tête hors de la croisée, et regarda autour de lui.

      La douce et pénétrante odeur des foins qu'on venait de faucher montait jusqu'à lui. Les mille parfums des petites fleurs au jardin embaumaient l'air d'alentour; la verte prairie brillait sous la rosée matinale, et chaque brin d'herbe étincelait agité par un doux zéphyr. Enfin les oiseaux chantaient, comme si chacune des larmes de l'aurore avait été pour eux une source d'inspiration. En contemplant ce spectacle, M. Pickwick tomba dans une douce et mystérieuse rêverie.

      «Ohé!» tels furent les sons qui le rappelèrent à la vie réelle.

      Sa vue se porta rapidement sur la droite; mais il ne découvrit personne. Ses yeux s'égarèrent vers la gauche et percèrent en vain l'étendue. Il mesura d'un regard audacieux le firmament; mais ce n'était point de là qu'on l'appelait; enfin il fit ce qu'un esprit vulgaire aurait fait du premier coup, il regarda dans le jardin et y vit M. Wardle.

      «Comment ça va-t-il? lui demanda son joyeux hôte. Belle matinée, n'est-ce pas? Charmé de vous voir levé de si bonne heure. Dépêchez-vous de descendre, je vous attendrai ici.»

      M. Pickwick n'eut pas besoin d'une seconde invitation. Dix minutes lui suffirent pour compléter sa toilette, et à l'expiration de ce terme, il était à côté du vieux gentleman.

      «Qu'est-ce qu'il y a? demanda M. Pickwick en voyant que son hôte était armé d'un fusil et qu'il y en avait un second près de lui, sur le gazon.

      – Votre ami et moi, répliqua M. Wardle, nous allons tirer des corneilles avant déjeuner. Il est très-bon tireur, n'est-il pas vrai?

      – Je le lui ai entendu dire, mais je ne lui ai jamais vu ajuster la moindre chose.

      – Je voudrais bien qu'il se dépêchât, murmura M. Wardle; et il appela: Joe! Joe!»

      Peu de temps après on vit sortir de la maison le gros joufflu, qui, grâce à l'influence excitante de la matinée, n'était guère assoupi qu'aux trois quarts.

      «Allez appeler le gentleman, lui dit son maître, et prévenez-le qu'il me trouvera avec M. Pickwick, dans le bois. Vous lui montrerez le chemin, entendez-vous?»

      Joe s'éloigna pour exécuter cette commission, et M. Wardle, portant les deux fusils, conduisit M. Pickwick hors du jardin.

      «Voici la place,» dit-il au bout de quelques minutes en s'arrêtant dans une avenue d'arbres. C'était un avertissement inutile, car le croassement continuel des pauvres corneilles indiquait suffisamment leur domicile.

      Le vieux gentleman posa l'un des fusils sur la terre et chargea l'autre.

      «Voilà nos gens, dit M. Pickwick. Et en effet on aperçut au loin M. Tupman, M. Snodgrass et M. Winkle, car Joe ne sachant pas, au juste, lequel de ces messieurs il devait amener, avait jugé, dans sa sagacité profonde, que pour prévenir toute erreur, le meilleur moyen était de les convoquer tous les trois.

      «Arrivez! arrivez! cria le vieux gentleman à M. Winkle. Un fameux tireur comme vous aurait dû être prêt depuis longtemps, même pour si peu de chose.»

      M. Winkle répondit par un sourire contraint, et ramassa le fusil qui lui était destiné, avec l'expression de physionomie qui aurait pu convenir à une corneille métaphysicienne, tourmentée par le pressentiment d'une mort prochaine et violente. C'était peut-être de l'indifférence, mais cela ressemblait prodigieusement à de l'abattement.

      Le vieux gentleman fit un signe, et deux gamins déguenillés commencèrent à grimper lestement sur deux arbres.

      «Pourquoi faire ces enfants?» demanda brusquement M. Pickwick.

      Son bon cœur s'était alarmé, car il avait tant entendu parler de la détresse des laboureurs, qu'il n'était pas éloigné de croire que leurs enfants pussent être forcés par la misère, à s'offrir eux-mêmes pour but aux chasseurs, afin d'assurer ainsi à leurs parents une chétive subsistance.

      «Seulement pour faire lever le gibier, répondit en riant M. Wardle.

      – Pour faire quoi?

      – Pour effrayer les corneilles.

      – Ah! voilà tout?

      – Oui. Vous voilà entièrement tranquille?

      – Tout à fait.

      – Très-bien! Commencerai-je? ajouta le vieux gentleman en s'adressant à M. Winkle.

      – Oui, s'il vous plaît, répondit celui-ci, enchanté d'avoir un moment de répit.

      – Reculez-vous un peu. Allons! voilà le moment!»

      L'un des enfants cria en secouant une branche, sur laquelle était un nid, et aussitôt une douzaine de jeunes corneilles, interrompues au milieu d'une très-bruyante conversation, s'élancèrent au dehors pour demander de quoi il s'agissait. Le vieux gentleman fit feu, par manière de réplique. L'un des oiseaux tomba et les autres s'envolèrent.

      – Ramassez-le Joe,» dit le vieux gentleman.

      Le corpulent jeune homme s'avança, et ses traits s'épanouirent en guise de sourire: des visions indistinctes de pâtés de corneilles flottaient devant son imagination. En emportant l'oiseau, il riait, car la victime était grasse et tendre.

      «Maintenant, à votre tour, monsieur Winkle, dit le vieux gentleman en rechargeant son fusil. Allons! tirez!»

      M. Winkle s'avança, et épaula son fusil. M. Pickwick et ses compagnons se reculèrent involontairement, pour éviter la pluie de corneilles qu'ils étaient sûrs de voir tomber sous le plomb dévastateur de leur ami. Il y eut une pose solennelle, un grand cri, un battement d'ailes, un léger clic…

      «Oh! oh! fit le vieux gentleman.

      – Il ne veut pas partir? demanda M. Pickwick.

      – Il a raté, répondit M. Winkle, qui était fort pâle, probablement de désappointement.

      – C'est étrange, dit le vieux gentleman en prenant le fusil. Cela ne lui est jamais arrivé.

      – Comment? je ne vois aucun reste de la capsule.

      – En vérité? répartit M. Winkle: j'aurai complétement oublié la capsule.»

      Cette légère omission fut réparée; M. Pickwick s'abrita de nouveau, et M. Tupman se mit derrière un arbre. M. Winkle fit un pas en avant, d'un air déterminé, en tenant son fusil à deux mains. L'enfant cria; quatre oiseaux s'envolèrent; M. Winkle leva son arme; on entendit une explosion, puis un cri d'angoisse; mais ce n'était pas le cri d'une corneille. M. Tupman avait sauvé la vie à beaucoup d'innocents oiseaux, en recevant dans son bras gauche une partie de la charge.

      Il serait impossible d'exprimer la confusion qui s'en suivit; de dire comment M. Pickwick, dans les premiers transports de son émotion, appela M. Winkle, misérable! comment M. Tupman était étendu sur le gazon; comment M. Winkle, frappé d'horreur, s'était agenouillé auprès de lui; comment M. Tupman, dans le délire, invoquait plusieurs noms de baptême féminins, puis ouvrait un œil, puis l'autre, et retombait en arrière, en les fermant tous les deux. Une telle scène serait aussi difficile à décrire, qu'il le serait de peindre le malheureux blessé revenant graduellement à lui-même, voyant bander ses plaies avec des mouchoirs, et regagnant lentement la maison, appuyé sur ses amis inquiets.

      Les dames étaient sur le seuil de la porte, attendant le retour de ces messieurs pour déjeuner. La tante demoiselle brillait entre toutes; elle sourit et leur fit signe de venir plus vite. Il était évident qu'elle ne savait point l'accident arrivé. Pauvre créature! Il y a des moments où l'ignorance est véritablement un bienfait.

      On approchait de plus en plus.

      «Qu'est-il donc arrivé au vieux petit monsieur? dit à demi-voix miss Isabella Wardle. La tante demoiselle ne fit pas attention à cette remarque. Elle crut qu'il s'agissait de M. Pickwick; car à ses yeux, Tracy Tupman était un jeune homme: elle voyait ses années à travers un verre rapetissant.

      – Ne vous effrayez point! cria M. Wardle à ses filles; et la petite troupe était tellement pressée


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