Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I. Чарльз Диккенс
sa société.
Plusieurs douzaines de «Comment vous portez-vous?» saluèrent l'arrivée du vieux gentleman, et il y eut un soulèvement général de chapeaux de paille, avec une inclinaison contagieuse de gilets de flanelle, lorsqu'il introduisit ses hôtes comme des gentlemen de Londres, qui désiraient vivement assister aux agréables divertissements de la journée.
«Je crois, monsieur, que vous feriez mieux d'entrer dans la marquise, dit un très-volumineux gentleman, dont le corps paraissait être la moitié d'une gigantesque pièce de flanelle, perchée sur une couple de traversins.
– Vous y seriez beaucoup mieux, monsieur, ajouta un autre gentleman aussi volumineux que le précédent, et qui ressemblait à l'autre moitié de la susdite pièce de flanelle.
– Vous êtes bien bon, répondit M. Pickwick.
– Par ici, reprit le premier gentleman; c'est ici que l'on marque, c'est la place la meilleure;» et il les précéda en soufflant comme un cheval poussif.
Jeu superbe, – noble occupation, – bel exercice, – charmant! Telles furent les paroles qui frappèrent les oreilles de M. Pickwick en entrant dans la tente, et le premier objet qui s'offrit à ses regards fut son ami de la voiture de Rochester. Il était en train de pérorer, à la grande satisfaction d'un cercle choisi des joueurs élus par la ville de Muggleton. Son costume s'était légèrement amélioré. Il avait des bottes neuves, mais il était impossible de le méconnaître.
L'étranger reconnut immédiatement ses amis. Avec son impétuosité ordinaire et en parlant continuellement, il se précipita vers M. Pickwick, le saisit par la main et le tira vers un siége, comme si tous les arrangements du jeu avaient été spécialement sous sa direction.
«Par ici! – par ici! – ça sera fièrement amusant, – muids de bière, – monceaux de bœuf, – tonneaux de moutarde, – glorieuse journée, – asseyez-vous, – mettez-vous à votre aise, – charmé de vous voir, très-charmé.»
M. Pickwick s'assit comme on le lui disait, et MM. Winkle et Snodgrass suivirent également les indications de leur mystérieux ami. M. Wardle l'examinait avec un étonnement silencieux.
– M. Wardle, un de mes amis, dit M. Pickwick à l'étranger.
– Un de vos amis? s'écria celui-ci. Mon cher monsieur, comment vous portez-vous? – Les amis de nos amis sont… – Votre main, monsieur.»
En enfilant ces phrases, l'étranger saisit la main de M. Wardle avec toute la chaleur d'une vieille intimité, puis se recula de deux ou trois pas, comme pour mieux voir son visage et sa tournure, puis secoua sa main de nouveau plus chaudement encore que la première fois, s'il est possible.
«Et comment êtes-vous venu ici? demanda M. Pickwick avec un sourire où la bienveillance luttait contre la surprise.
– Venu? – Je loge à l'auberge de la Couronne, à Muggleton. – Rencontré une société. – Jaquettes de flanelle, – pantalons blancs, – sandwiches aux anchois, – rognons braisés, – fameux gaillards, – charmant!»
M. Pickwick connaissait assez le système sténographique de l'étranger pour conclure de cette communication rapide et disloquée que, d'une manière ou d'une autre, il avait fait connaissance avec les Muggletoniens, et que, par un procédé qui lui était particulier, il était parvenu à en extraire une invitation générale. La curiosité de M. Pickwick ainsi satisfaite, il ajusta ses lunettes et se prépara à considérer le jeu qui venait de commencer.
Les deux joueurs les plus renommés du fameux club de Muggleton, M. Dumkins et M. Podder, tenant leurs crosses à la main, se portèrent solennellement vers leurs guichets respectifs. M. Luffey, le plus noble ornement de Dingley-Dell, fut choisi pour bouler contre le redoutable Dumkins, et M. Struggles fut élu pour rendre le même office à l'invincible Podder. Plusieurs joueurs furent placés pour guetter les balles en différents endroits de la plaine, et chacun d'eux se mit dans l'attitude convenable, en appuyant une main sur chaque genou et en se courbant, comme s'il avait voulu offrir un dos favorable à quelque apprenti saute-mouton. Tous les joueurs classiques se posent ainsi, et même on pense généralement qu'il serait impossible de bien voir venir une balle dans une autre attitude.
Les arbitres se placèrent derrière les guichets et les compteurs se préparèrent à noter les points. Il se fit alors un profond silence. M. Luffey se retira quelques pas en arrière du guichet de l'immuable Podder, et, durant quelques secondes, il appliqua sa balle à son œil droit. Dumkins, les yeux fixés sur chaque mouvement de Luffey, attendait l'arrivée de la balle avec une noble confiance.
«Attention, s'écria soudain le bouleur, et en même temps la balle s'échappe de sa main, rapide comme l'éclair, et se dirige vers le centre du guichet. Le prudent Dumkins était sur ses gardes; il reçut la balle sur le bout de sa crosse et la fit voler au loin par-dessus les éclaireurs, qui s'étaient baissés justement assez pour la laisser passer au-dessus de leur tête.
– Courez! courez! – Une autre balle! – Maintenant! – Allons! – Jetez-la! – Allons! – Arrêtez-la! – Une autre! – Non! – Oui! – Non! – Jetez-la! – Jetez-la.» Telles furent les acclamations qui suivirent ce coup, à la conclusion duquel Muggleton avait gagné deux points.
Cependant Podder n'était pas moins actif à se couvrir de lauriers, dont l'éclat rejaillissait également sur Muggleton. Il bloquait les balles douteuses, laissait passer les mauvaises, prenait les bonnes et les faisait voler dans tous les coins de la plaine. Les coureurs étaient sur les dents. Les bouleurs furent changés et d'autres boulèrent jusqu'à ce que leur bras en devinssent roides; mais Dumkins et Podder restèrent invaincus. Vainement la balle était lancée droit au centre du guichet, ils y arrivaient avant elle et la repoussaient au loin. Un gentleman d'un certain âge s'efforçait-il d'arrêter son mouvement, elle roulait entre ses jambes ou glissait entre ses doigts; un mince gentleman essayait-il de l'attraper, elle lui choquait le nez et rebondissait plaisamment avec une nouvelle force, pendant que les yeux du joueur maladroit se remplissaient de larmes et que son corps se tordait par la violence de ses angoisses. Enfin, quand on fit le compte de Dumkins et de Podder, Muggleton avait marqué cinquante-quatre points, tandis que la marque des Dingley-Dellois était aussi blanche que leurs visages. L'avantage était trop grand pour être reconquis. Vainement l'impétueux Luffey, vainement l'enthousiaste Struggles firent-ils tout ce que l'expérience et le savoir pouvaient leur suggérer pour regagner le terrain perdu par Dingley-Dell, tout fut inutile, et bientôt Dingley-Dell fut obligé de reconnaître Muggleton pour son vainqueur.
Cependant l'étranger à l'habit vert n'avait fait que boire, manger et parler à la fois et sans interruption. A chaque coup bien joué, il exprimait son approbation d'une manière pleine de condescendance et qui ne pouvait manquer d'être singulièrement flatteuse pour les joueurs qui la méritaient. Mais aussi, chaque fois qu'un joueur ne pouvait saisir la balle ou l'arrêter, il fulminait contre le maladroit. Ah! stupide! – Allons, maladroit! – Imbécile! – Cruche! etc. Exclamations au moyen desquelles il se posait aux yeux des assistants, comme un juge excellent, infaillible dans tous les mystères du noble jeu de la crosse.
«Fameuse partie! bien jouée! Certains coups admirables! dit l'étranger à la fin du jeu, au moment où les deux partis se pressaient dans la tente.
– Vous y jouez, monsieur? demanda M. Wardle qui avait été amusé par sa loquacité.
– Joué? parbleu! Mille fois. Pas ici; aux Indes occidentales. Jeu entraînant! chaude besogne, très-chaude!
– Ce jeu doit être bien échauffant dans un pareil climat! fit observer M. Pickwick.
– Échauffant? Dites brûlant! grillant! dévorant! Un jour, je jouais un seul guichet contre mon ami le colonel sir Thomas Blazo, à qui ferait le plus de points. Jouant à pile ou face qui commencera, je gagne: sept heures du matin: six indigènes pour ramasser les balles. Je commence. Je renvoie toutes les balles du colonel. Chaleur intense! Les indigènes se trouvent mal. On les emporte. Une autre demi-douzaine les remplace; ils se trouvent