Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 3. Charles Athanase Walckenaer
ancienne, quoique moins illustre que les d'Angennes: c'était Marie-Angélique du Puy du Fou, fille de Gabriel, sire du Puy du Fou, marquis de Combronde, seigneur de Champagne, et de Madeleine Peschseul de Bellièvre317. Elle mourut au mois de juin de l'année 1667, en couche d'un fils qui ne vécut pas. Ces deux alliances n'avaient pas été moins avantageuses sous le rapport de la fortune que sous celui de la naissance, ce qui semblait dispenser madame de Sévigné d'un rigoureux examen et lui permettre de s'en tenir à cet égard aux apparences, que les belles possessions territoriales du comte de Grignan présentaient sous un jour favorable. Depuis son dernier veuvage, M. de Grignan paraissait décidé à vivre à la cour. Sa charge de lieutenant général du roi en Languedoc y mettait peu d'obstacle. A cette époque, le gouvernement militaire du Languedoc se composait d'un gouverneur général, d'un commandant et de trois lieutenants généraux. La présence de M. de Grignan, qui était un de ces trois, n'était nécessaire que dans des cas extraordinaires318; et madame de Sévigné était surtout charmée de l'espoir de conserver près d'elle sa fille, de diriger ses premiers pas dans le monde, de partager ses plaisirs et d'alléger ses peines. Ses lettres nous la montrent enchantée de ce mariage, négocié par son ami le comte de Brancas319. Son ambition et sa tendresse maternelle y trouvaient un double sujet de satisfaction. Elle s'impatientait des délais que la nécessité des formes et les considérations de parenté forçaient d'y apporter. Le 4 décembre 1668, elle écrivait à Bussy, dont, en sa qualité de curateur, l'approbation, au moins pour la forme, devait être demandée320:
«Il faut que je vous apprenne ce qui, sans doute, vous donnera de la joie: c'est qu'enfin la plus jolie fille de France épouse non le plus joli garçon, mais un des plus honnêtes hommes du royaume, que vous connaissez il y a longtemps. Toutes ses femmes sont mortes pour faire place à votre cousine, et même son père et son fils, par une bonté extraordinaire; de sorte qu'étant plus riche qu'il n'a jamais été, et se trouvant d'ailleurs, et par sa naissance, et par ses établissements, et par ses bonnes qualités, tel que nous le pouvions souhaiter, nous ne le marchandons point, comme on a accoutumé de faire; nous nous en fions bien aux deux familles qui ont passé devant nous. Il paraît fort content de notre alliance; et aussitôt que nous aurons reçu des nouvelles de l'archevêque d'Arles, son oncle, son autre oncle l'évêque d'Uzès étant ici, ce sera une affaire qui s'achèvera avant la fin de l'année. Comme je suis une dame assez régulière, je n'ai pas voulu manquer à vous demander votre avis et votre approbation. Le public paraît content, c'est beaucoup; car on est si sot que c'est quasi sur cela qu'on se règle.»
Bussy, qui alors était avec sa cousine dans le fort de la discussion sur les torts qu'ils avaient eus l'un envers l'autre et qui aimait peu le comte de Grignan, répond, quatre jours après321:
«Vous avez raison de croire que la nouvelle du mariage de mademoiselle de Sévigné me donnera de la joie: l'aimant et l'estimant comme je fais, peu de choses m'en peuvent donner davantage; et d'autant plus que M. de Grignan est un homme de qualité et de mérite, et qu'il a une charge considérable. Il n'y a qu'une chose qui me fait peur pour la plus jolie fille de France, c'est que Grignan, qui n'est pas encore vieux, est déjà à sa troisième femme; il en use presque autant que d'habits ou du moins que de carrosses: à cela près, je trouve ma cousine bien heureuse; mais, pour lui, il ne manque rien à sa bonne fortune. Au reste, madame, je vous suis trop obligé des égards que vous avez pour moi en cette rencontre. Mademoiselle de Sévigné ne pouvait épouser personne à qui je donnasse de meilleur cœur mon approbation.»
Un mois après, le 7 janvier, madame de Sévigné écrit encore à Bussy: «Je suis fort aise que vous approuviez le mariage de M. de Grignan. Il est vrai que c'est un très-bon et très-honnête homme, qui a du bien, de la qualité, une charge, de l'estime et de la considération dans le monde. Que faut-il davantage? Je trouve que nous sommes fort bien sortis d'intrigues. Puisque vous êtes de cette opinion, signez la procuration que je vous envoie, mon cher cousin, et soyez persuadé que, par mon goût, vous seriez tout le beau premier de la fête. Bon Dieu, que vous y tiendriez bien votre place! Depuis que vous êtes parti de ce pays-ci, je ne trouve plus d'esprit qui me contente pleinement, et mille fois je me dis en moi-même: Bon Dieu, quelle différence322!»
Bussy, malgré cette pressante invitation et ces cajoleries de sa cousine, ne signa point de procuration, mécontent du comte de Grignan, qui ne lui avait point écrit et qui n'avait pas, selon lui, agi, comme proche parent323, avec assez de déférence. Bussy se contenta de l'adhésion qu'il avait donnée au mariage, en termes froids, mais polis, dans sa lettre à madame de Sévigné. Mais cette lettre ne pouvait suffire pour insérer son nom dans le contrat, et il n'y parut pas.
Le cardinal de Retz n'avait cessé d'exhorter madame de Sévigné de prendre, avant de conclure, des renseignements sur l'état de fortune du comte de Grignan; mademoiselle de Sévigné, peu susceptible de se passionner pour aucun homme, ne voyait qu'avec crainte s'approcher le moment qui devait la livrer à celui qui, déjà deux fois marié, semblait, comme disait Bussy, «avoir pris l'habitude de changer de femmes comme de carrosses.»
Dans sa réponse au cardinal de Retz, madame de Sévigné lui faisait part de l'hésitation de sa fille, et en même temps elle lui mandait qu'elle n'avait pu obtenir des renseignements précis sur l'état de fortune du comte de Grignan et qu'elle était à cet égard forcée de s'en rapporter à la Providence.
Le cardinal de Retz lui répond324:
«Je ne suis point surpris des frayeurs de ma nièce; il y a longtemps que je me suis aperçu qu'elle dégénère; mais, quelque grand que vous me dépeigniez son transissement sur le jour de la conclusion, je doute qu'il puisse être égal au mien sur les suites, depuis que j'ai vu, par une de vos lettres, que vous n'avez ni n'espérez guère d'éclaircissements et que vous vous abandonnez en quelque sorte au destin, qui est souvent très-ingrat et reconnaît assez mal la confiance que l'on a placée en lui. Je me trouve en vérité, sans comparaison, plus sensible à ce qui vous regarde, vous et la petite, qu'à ce qui m'a jamais touché moi-même sensiblement.»
Malgré ces avertissements et le peu de désir que montrait sa fille, madame de Sévigné n'en poursuivit pas moins avec ardeur l'accomplissement du projet qui lui paraissait la réalisation de ses plus flatteuses espérances. C'est elle-même qui, en datant trois ans après, jour pour jour, une de ses lettres, nous apprend325 que sa fille fut fiancée au comte de Grignan le lendemain de la signature du contrat, le 29 janvier 1669, jour de la fête de saint François de Sales. Alors déjà cette tendre mère avait une occasion de se convaincre combien elle s'était montrée imprévoyante en n'adhérant pas assez strictement aux conseils qui lui étaient donnés par un homme aussi expérimenté que le cardinal de Retz. Quoiqu'elle ne se fût pas trompée sur le caractère et les excellentes qualités du comte de Grignan, déjà elle avait éprouvé qu'une union sur laquelle elle avait fondé les plus douces et les plus paisibles jouissances de son âge mûr et de sa vieillesse ferait couler de ses yeux plus de larmes qu'elle n'en avait jamais répandu dans sa vie!
CHAPITRE IX.
1669
Réflexions sur les impressions produites par des événements heureux selon la différence des caractères.—Du caractère de madame de Sévigné.—Elle est encore une fois parfaitement heureuse.—Une nouvelle altercation a lieu entre elle et Bussy.—Tout contribuait à désespérer Bussy.—Il fait de nouvelles offres de service lors de la guerre de la Franche-Comté.—Il est refusé.—Son dépit.—Bussy et Saint-Évremond sollicitaient tous deux leur rappel.—Des causes qui les empêchaient de l'obtenir.—On leur attribuait des pièces satiriques contre Louis XIV.—Ils n'en étaient point les auteurs.—Comment ils se nuisaient à eux-mêmes en flattant le roi aux dépens de Mazarin.—Politique de Louis XIV, la même que celle de Mazarin.—Sa dissimulation envers ses ministres et sa conduite à
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D'EXPILLY,
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SÉVIGNÉ,
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SÉVIGNÉ,
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SÉVIGNÉ (lettre de Bussy, en date du 8 décembre 1668), t. I, p. 156, édit. de M.; t. I, p. 217, édit. de G. de S.-G.
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SÉVIGNÉ,
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SÉVIGNÉ,
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SÉVIGNÉ,
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SÉVIGNÉ,