Actrice. Keith Dixon

Actrice - Keith Dixon


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que j’ai fait ces lasagnes avec mes propres ongles cassés.

      Billie s’était assise au bout du canapé et regardait Mai s’essuyer vigoureusement les cheveux. Elle semblait toujours s’intéresser à la toilette de Mai, comme si elle apprenait des secrets professionnels. Pour sa personne, elle avait l’air de faire le minimum – jeans, un genre de haut dénudé et des grosses bottes étaient l’alpha et l’oméga de sa garde-robe. Elle se lavait et séchait les cheveux en dix secondes et les laissait retrouver leur propre style.

      Mai avait déterré son exemplaire de Deannah’s Quest. Il était posé sur le canapé à côté de Billie, ouvert au beau milieu.

      Billie ramassa le livre, regarda le texte de présentation au dos et dit :

      - Tu en as entendu parler, alors ? Je me demandais si tu serais intéressée.

      Mai ne se sentait pas disposée à avoir un ton trop engagée.

      - Ça pourrait être intéressant. J’ai lu le livre.

      - Tu serais cinglée de ne pas le faire. Il est fait pour toi.

      - Pourquoi tu dis ça ?

      - Tu as l’âge idéal. Tu corresponds à la description. Tu as de grandes chances par rapport toutes les autres, tu ne crois pas ?

      - Je n’y ai pas réfléchi.

      Billie souleva les sourcils :

      - Ma mère avait l’habitude de me dire ‘Tu n’as qu’une seule chance pour une bonne carrière. Après ça, tu pourrais aussi bien réorganiser les mots ‘chance et pot’ dans une seule phrase. De toute évidence, je suis toujours en train de le faire, mais toi, tu es déjà en haut. Tu n’aimerais pas que je te parle encore de Dennis, n’est-ce pas ?

      Son ex-petit ami avait refusé de se vendre sur le marché comme le nouveau James Morrison et finalement Billie l’y avait poussé. Le choix de carrière était une chose à laquelle elle avait récemment commencé à se reconsidérer comme étant experte.

      - Je dois parler à Eric, dit Mai.

      - Ma chérie, il est ton agent. Il fera ce que tu lui demandes de faire. C’est comme ça que ça marche, non ?

      Mai ne dit rien et alla dans sa chambre. Elle enfila un jean et un chemisier ample, se brossa les cheveux en arrière et s’appliqua un maquillage léger qu’elle portait lorsqu’elle ne travaillait pas.

      Billie était toujours sur le canapé à caresser la tête de l’un des chiens. Mai ne savait pas lequel. Il avait la tête posée sur la cuisse de Billie, la regardant d’une façon bizarrement adorable.

      - De tout manière, je ne suis pas sûre de vouloir participer à une compétition, dit Mai. Ce sera comme une téléréalité, sans la classe.

      - Qu’est-ce qui t’inquiète ?

      - Qui te dit que je suis inquiète ?

      - Je sais que tu le veux, mais tu ne montres aucun enthousiasme.

      Mai récupéra son manteau léger de sa garde-robe et trouva son sac Hermès.

      - Pour être parfaitement honnête, je ne sais pas si j’aurai le temps. Je serai coincée aux répétitions pour les quatre prochaines semaines et puis Tornado va sortir – il y aura les premières et tout ce qui s’en suit.

      Tornado était un film qu’elle avait fini de filmer il y a près d’un an, tout en jouant dans Amberside Terrace, et elle a dû attendre aussi longtemps pour que le CGI et la bande sonore soient terminées. La première de la pièce y avait été habilement liée pour coïncider avec la première du film – les producteurs espérant se faire de l’argent sur la rumeur que le film générerait.

      Billie haussa les épaules, mais Mai ne savait pas si c’était de la déception : elle regardait par la fenêtre les toits sombres de Greenwich comme s’ils s’étaient animés d’intérêt.

      - Dis ce que tu penses, Billie. Ne me ménage pas comme si j’allais mordre.

      - Je pense que tu le regretteras plus tard si le film est un succès. Ils disent qu’il y a déjà un directeur tape-à-l’œil qui a signé.

      - Ça ne veut rien dire. Les producteurs pourraient dire que Spielberg et Lucas ont manifesté leur intérêt, sans que pour autant ils ne se retrouvent assis derrière la caméra au moment du tournage.

      Billie détourna à nouveau son regard, sa passion pour la critique, même indirecte, s’avérant être trop nuisible. Elle n’avait aucune implication réelle dans le monde du spectacle et n’aimait pas lorsque Mai – ou quelqu’un d’autre – lui faisait comprendre que ses pensées ou idées étaient surtout celles d’une amatrice.

      Mai n’aimait pas la vexer.

      - Je vais y réfléchir, dit-elle. Je viens juste de l’apprendre.

      - Je sais que tu seras géniale, dit Billie en souriant.

      - Je dois d’abord me battre pour réussir d’abord cette maudite pièce. Le directeur me déteste déjà et n’arrête pas de parler du ‘contrat social’ que Chekhov essaie de créer avec son public. J’essaie juste de comprendre le personnage.

      - Ma chérie, fais ce que tu as à faire – vise le sentiment humain. Peu importe le contrat social, tous ces russes victoriens, ils sont des êtres humains, non ?

      - Je te le dirai plus tard, lorsque j’aurai des signes.

      Le taxi la déposa juste devant la porte du club, le chauffeur la regardant en douce de temps en temps tout en étant poli, lui disant merci lorsqu’elle lui donna un pourboire.

      Le club était abrité discrètement dans un entrepôt rénové non loin de Canary Wharf, son unique avantage de marketing étant un petit portique marron en forme de coquille au-dessus de la porte. Derek, en personne, était derrière le bar dans sa veste blanche habituelle et sa chemise noire, donnant des instructions à un nouveau membre du personnel sur la façon de mixer l’un de ses perfides cocktails. Le taux de renouvellement du personnel du club était élevé, en grande partie parce que Derek était un tyran derrière les portes fermées, malgré qu’il joue le lèche-bottes avec la clientèle. Il leva les yeux, fit un grand sourire à Mai et lui fit un signe de tête vers la pièce du fond.

      Bien qu’il y avait une cave en bas avec un DJ, la pièce du fond était l’endroit où se réunissaient la plupart des gens que Mai connaissait. C’était plus calme, d’une part, et plus facile à échanger des potins. La pièce était subtilement éclairée telle la chambre noire d’un photographe, rendant relativement facile à éviter des personnes simplement en leur donnant du dos et en prétendant ignorer leur présence. Lorsqu’elle traversa la porte, des dizaines d’yeux brillants se tournèrent vers elle dans l’ombre, telle une horde de lions ayant repéré une gazelle.

      Stefan la remarqua immédiatement, son visage s’illuminant sous ses cheveux blonds coupés courts. Il la rejoint, lui saisit le bras et la dirigea vers une table vide, de sa manière solidaire et comique exagérée. Il portait un T-shirt gris serré de Pineapple Studio et des chinos noirs, la peau légèrement luisante, comme s’il venait de faire des exercices. Ils s’assirent sur les chaises en cuir que Derek avait sauvées d’un club en faillite d’un gentleman.

      Stefan se pencha avec attention.

      - Maintenant, jeune fille, dis-moi tout. Comment s’est passé ton premier jour ?

      - Suis-je obligée de te le dire ?

      - Tu ne vas pas me refuser la chance de rumeurs, n’est-ce pas ? Y a-t-il une personne dont je devrais être au courant ?

      - Et voilà, moi qui pensais que tu t’intéressais à moi…

      Les yeux de Stefan s’ouvrirent plus grands.

      - Oh, mon cœur, je le suis. Je le suis vraiment. Mais on doit établir certaines priorités.


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