Actrice. Keith Dixon

Actrice - Keith Dixon


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les gens m’ont dit que ça m’arriverait un jour.

      Le regard de Patty était sceptique.

      - Tu ne le penses pas vraiment, dit-elle en levant sa caméra et l’agitant devant le visage de Mai. Est-ce que je peux prendre une photo de toi, quelques instants après que tu ais pris cette décision bouleversante ?

      - Non !

      Toutes deux se mirent à rire.

      - Alors, dis-moi, pourquoi tu fais ça ? demanda Patty. Pourquoi tu veux le rôle de Deannah ?

      Mai réfléchit un instant.

      - J’ai le sentiment que je joue déjà ce rôle. Et je ne supporte pas l’idée que quelqu’un d’autre le joue à ma place.

      - Ça a l’air d’être une belle connerie. Ça ne ressemble pas.

      - Je sais que ça l’est. Je sais. Il y a une connexion entre Deannah et moi, que je n’arrive pas à comprendre. Je l’ai senti lorsque j’ai lu le livre et ça ne m’est jamais sorti de la tête. Je n’ai que vingt ans, et c’est comme si j’étais née pour jouer ce rôle. N’est-ce pas étrange ?

      - Ça va au-delà de l’étrange, c’est plutôt effrayant. Fais attention que tu ne prennes pas cela trop au sérieux, Mai. C’est uniquement du showbiz. Ce n’est pas la vraie vie.

      - C’est là où tu as tort.

      CHAPITRE TROIS

      Mardi matin, les premiers signes de la fin de l’automne se manifestaient. Une vraie vague de froid dans l’air traversant les gants et les écharpes. Arrivée aux portails de la vieille école, Mai resta debout derrière un grand pilier en béton, à l’abri du vent persistant, et appela Alfie. Il n’était que 8:45, mais elle avait de l’espoir. Des feuilles tournaient autour de ses chevilles et le ciel gris était parsemé d’oiseaux bruyants impatients de voler vers le sud.

      Il répondit à la première sonnerie.

      - Salut toi !

      - Tu as passé une nuit blanche ou tu viens juste de te réveiller ?

      - Debout depuis sept heures, je fais des exercices. Une grande tournée qui approche, je ne peux pas me permettre de tomber malade.

      - Impressionnant ! Je suis à l’extérieur d’une école dans le sud de Londres.

      - Ça marche avec les écoliers ?

      - Je suis une vieille dame pour eux. Ils ne veulent pas le savoir, même si je leur offrais des bonbons.

      - La vingtaine passée. On a donc aucun espoir, nous autres.

      Tous deux firent une pause et s’écoutèrent respirer. Mai sentit le froid s’approcher doucement de son visage, lui donnant un sentiment de picotements sur ses lèvres et ses oreilles. Elle se demandait pourquoi elle avait cette conversation maintenant. Qu’est-ce qu’elle voulait ?

      - Alors, dit Alfie, tu viens demain ? Je t’ai réservé une place au premier rang. Tu viendras en coulisses pour rencontrer le groupe après, pour nous lancer des tulipes. Ou des culottes, c’est à toi de choisir.

      - Vous avez toujours le même nom ?

      Elle avait essayé de les persuader de ne pas utiliser The Gastric Band comme nom, mais les adolescents attardés qu’étaient les collègues d’Alfie s’en moquèrent et refusèrent de le changer. La tournée réservée, il était probablement trop tard. Leur petite maison de disques avait également renoncé après deux réunions de trois heures, qui s’étaient terminées dans un silence sombre de la part des membres du groupe. En dépit des risques que les critiques puissent inclure des phrases comme ‘The Gastric Band ne sont pas assez hermétiques’ et ‘The Gastric Band ne peuvent pas remettre de l’ordre dans leur merdier’.

      - Ne commence pas, Mai, dit Alfie. C’est fait. Alors, tu y seras ?

      - J’essayerai. Le directeur de cette pièce est un nazi, donc je ne peux pas lui faire confiance pour finir à l’heure.

      - Les nazis étaient connus pour le non-respect des horaires.

      - Tu me comprends alors. Elle ne pouvait pas s’empêcher d’ajouter de sa petite voix défensive intérieure faisant du temps supplémentaire : Ne sois pas pointilleux !

      Plutôt que de répondre, il resta silencieux comme d’habitude. Elle savait qu’il ne pouvait faire face à aucun type de conflit, il prétendit alors qu’il n’y en avait aucun. Ironiquement, c’était une source de conflit entre eux.

      - Tu n’as pas appelé hier, dit-il après un moment.

      - Toi non plus, gros malin.

      - Ouais, désolé. Le temps nous a échappé. On n’a pas fini avant minuit. Je ne voulais donc pas t’appeler, à cause des répétitions et tout.

      - Ce n’est pas grave, c’est pareil pour moi. La raison pour laquelle je n’ai pas appelé.

      Elle se demandait pourquoi elle n’avait pas mentionné être sortie avec Stefan. Elle ne se sentait pas coupable, en fait.

      - Alors, c’était bien ou quoi ? demanda Alfie.

      - Non, de la merde, en fait, se sentant soudainement au bord des larmes, une chaleur lui montant derrière les yeux. Le directeur est un tyran. Un frimeur. Il veut me briser, comme un cheval. Pour que je fasse simplement ce qu’il veut.

      - Tu aimerais qu’un grand homme fort se pointe et le tabasse ?

      - Ce serait bien !

      - Je vais voir si je peux en trouver un…

      Mai fit un petit sourire – c’était exactement ce qu’il dirait. Intéressant qu’Alfie puisse être aussi dynamique et physique derrière son arsenal, mais si froid dans la vie réelle. Peut-être que c’est de là qu’il l’a eu, toute cette frustration et cette colère.

      - Et il y a autre chose, dit-elle. Bientôt, tu pourrais en lire beaucoup sur moi dans les journaux.

      - Le raffut sur Deannah.

      - Bien deviné.

      - Facile. Joe m’en a parlé. Il t’a vu lire le livre lorsque tu es venu à cette répétition de l’autre jour. Il a demandé si tu étais intéressée. J’ai fait des recherches sur le net hier soir.

      - Alors, qu’est-ce que t’en penses ? Est-ce je devrais tenter ma chance ?

      - C’est tout à fait toi, non ? Une fille ordinaire qui devient une princesse à temps partiel.

      Mai se mit à rire.

      - Enfoiré. De toute manière, je n’ai pas besoin de ta permission. Je leur ai déjà dit que je suis dans la course.

      - Ça ressemble un peu à un concours de beauté, pourtant. Est-ce ça que tu veux ?

      - On dirait que oui puisque j’ai accepté. Qu’en penses-tu ?

      - Hé, c’est ta carrière. Tu as décidé de jouer la pièce. Tu as décidé de tourner ce film pourri.

      - On ne sait pas encore si c’est pourri. Ça dépendra des effets spéciaux. Une jeune fille doit commencer quelque part.

      Mai n’aimait pas la voie que la conversation prenait. Alfie semblait inutilement agressif ce matin, comme s’il libérait son stress intérieur petit-à-petit et qu’il testait sa fermeté.

      - Tu vas bien ? demanda-t-elle.

      - Oui, pourquoi ?

      - Je n’sais pas. Tu as l’air… de mauvaise humeur.

      - Tu serais de mauvaise humeur si tu répétais dix chansons pendant trois semaines sans interruption. J’ai une douleur horrible aux bras et je n’arrive plus à sentir mes doigts. J’ai l’impression que ceux sont des bananes qui ont été suturées au bout de mes


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