Tess, Le Réveil. Andres Mann

Tess, Le Réveil - Andres Mann


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que vous pourriez vivre une vie de plaisirs ? »

      D'un ton cassant, Tess riposta : « Général, parlant de servir des politiciens, n'est-ce pas exactement ce que vous faites ? Vous vous battez pour soutenir un dictateur brutal et un parti corrompu. Et comment envisagez-vous le simple fait que votre nation ne peut gagner une guerre contre les armées de la Coalition ? Pouvez-vous honnêtement dire que vous avez un avenir ? » Ouh la, elle regretta presque ses mots. 'Je devrais le laisser parler. Gagner du temps. Sauver mes hommes.'

      Amir soupira et prit une gorgée de vin. « Tess, vous n'êtes manifestement pas étudiante en histoire. Quelles que soient les atrocités commises en temps de guerre, seuls quelques-uns des dirigeants paieront pour leurs crimes. Il n'y eut jamais qu'une infime fraction de la population au sommet du pouvoir qui ait été appelée à rendre des comptes. Après la Seconde Guerre Mondiale, les Nazis qui ont été pendus étaient si peu nombreux que c'en fut dérisoire comparé aux millions de victimes qu'ils avaient assassinées. Même au sein de la hiérarchie Nazie, y compris les pires de la SS et de la Gestapo, beaucoup avaient été emprisonnés mais finalement relâchés. Les Alliés ne pouvaient tout simplement pas les pendre tous. Au Japon, ils ont épargné l'Empereur et seuls le Général Yamashita et quelques officiers, dont la culpabilité était contestable, furent pendus ; la plupart de l'impitoyable hiérarchie samouraï qui avait mené d'innombrables massacres s'en était tirée. Il en ira de même ici en Irak.

      "Mon grand-père était très rusé. Il avait compris que pour que la famille survive et prospère, elle devait être assez proche du régime pour lui être utile, mais aussi assez éloignée pour ne pas y être associée. Il avait totalement saisi la nature éphémère du pouvoir et me l’a bien appris. Je parviens à être important pour le régime mais pas trop important. »

      Il but un peu de vin. « De plus, les circonstances de ce conflit sont inhabituelles. Je suis sûr que vous comprenez que les Américains et les Britanniques essaient naïvement de gagner les cœurs et les esprits du peuple irakien, si ce n'est du monde arabe. Ils ne peuvent pas se permettre de punir et d'humilier d'innombrables chefs arabes, quoi que ceux-ci aient fait. Après tout, vous ne venez pas conquérir mais 'libérer' l'Irak. Les choses reviendront à la normale très vite ; les politiciens continueront à faire ce qu'ils ont toujours fait, et pour le reste d'entre nous, nous retournerons aux affaires. » Tess dut admettre à contrecœur que l'homme avait marqué un point.

      La porte s'ouvrit et un serviteur annonça en arabe que le dîner était servi. Amir se leva et offrit son bras. « Voulez-vous ? » Tess permit au général de tenir sa chaise alors qu'elle s'asseyait. Prenant sa place à la table, Amir s’excusa du peu de victuailles préparées pour le dîner. « La guerre a entraîné des pénuries », expliqua-t-il.

      Aux yeux de Tess cependant, cela paraissait un vrai festin. Le général prit quelques minutes pour présenter la composition des quelques plats. Cela sonnait comme une véritable symphonie de spécialités du Moyen-Orient : agneau, poulet, couscous, divers grains mélangés à plusieurs sortes de riz et de légumes. Tess sentit son estomac rongé par la faim et, en d'autres circonstances, elle se serait jetée sur la nourriture dans la plus pure tradition GI. Une pensée pour ses hommes qui croupissaient probablement dans ce sale trou la transperça de culpabilité.

      Â« Général, mes hommes ont-ils été nourris ? »

      Amir parut brusquement irrité. « On s'occupe d'eux ! Et maintenant, mangez avant de perdre encore plus de poids ! » Mais bien sûr, se dit-elle, il me veut douce et grasse comme Gretel dans le conte de fées.

      Ils entamèrent le repas, un silence de plomb se dressant entre eux telle une barrière de béton. Après quelques bouchées, Amir demanda : « Tess, resteriez-vous avec moi ? Je quitterais toutes les autres pour vous. » Tess déglutit, prit une gorgée d'eau et la secoua légèrement la tête.

      Â« Non, Général, je ne le ferai pas. Je ne suis pas à la recherche d'une histoire d'amour et nous avons déjà abordé les autres questions. Je préfère m'assurer que l'on prenne soin de mes hommes. Si vous m'aidez, je suis certaine que mes supérieurs seront reconnaissants de votre coopération et en tiendront compte lorsque la reconstruction de votre pays commencera. Nous comprenons tout à fait que le régime puisse vous avoir contraint à faire des choses peu louables. Vous devez savoir que les forces de la Coalition approchent et que vos troupes n'ont pas une chance. Vous pouvez offrir votre reddition pour leur bien, de mon côté je m'engage à ce que vous soyez bien traité. »

      Amir fit un geste dédaigneux de la main. « En ne luttant pas contre l'envahisseur étranger sur le sol irakien, vous me demandez de commettre une trahison. Mes soldats mourront si c'est leur seul choix ! »

      Tess tenta un dernier appel à la raison. « Général, il n'y a aucun honneur à mourir pour une cause perdue. Vous provoquerez juste le massacre de votre propre peuple. »

      Amir répondit avec colère : « Mon peuple ne compte pas. Ce sont des paysans primitifs et incapables de raisonnement et ils mourront sur place si je leur dis de le faire ! » Il se leva, comme pour donner un cours magistral. « Ne comprenez-vous donc pas la réalité de ce monde ? » ajouta-t-il, « Seule une poignée de personnes compte vraiment, le reste n'est là que pour se soumettre à eux. Vous vous trouvez parmi ces derniers et je vous offre la chance de gravir de l'échelle et de vivre dans le monde auquel vous appartenez. Vous vivez dans l'illusion que la démocratie est la solution à tout problème. Vous-êtes vous rendu compte que votre propre pays, les États-Unis d'Amérique, est dominé par une ploutocratie, par quelques personnes fortunées qui accaparent 80% des richesses et ne vous laissent que les miettes ? Pourquoi voulez-vous vous sacrifier pour quelques politiciens, quelques PDG gourmands et corrompus et leur empire ? »

      Sans être statisticienne, Tess était consciente du pouvoir et de l'influence qu'exerçait une certaine classe riche mais elle ne s'en sentait pas victime pour autant. Tout ce qu'elle avait entrepris dans la vie relevait de son libre arbitre, de ses propres décisions, et en toute conscience des conséquences de ses actes.

      Â« Oui, il y a les nantis et les autres, » admit-elle. « Pour autant, la majorité de la population de mon pays vit bien comparé au reste du monde. Dans la plupart des cas, nos élites le sont devenues au mérite et non par le nom de leurs familles. »

      Amir secoua lentement la tête, montrant ainsi son mépris pour ces idées aussi simplistes. En même temps, il prenait plaisir à ses réponses pleine d'enthousiasme. Plus elle résistait, plus cela l'excitait. Cette magnifique tigresse avait besoin d'être domptée, subjuguée et savourée. Il savait être l’homme qui y arriverait.

      Â« Tess, nous pouvons discuter à longueur de journée, et nous ne serons pas d'accord sur tout. Peu importe. Ce qui l'est, c'est mon désir pour vous et vous aurez envie de moi une fois que vous me connaîtrez. Je vous veux ! » Amir s'avança vers elle. Tess se leva, recula de quelques pas et s'arma de courage.

      Â« Vous ne m'aurez pas, à moins de me violer. Et si vous le faites, alors vous n'êtes pas un homme ! »

      Amir se mit à rire. « Vous violer ? Non, je ne ferai pas ça. Les femmes viennent à moi ! Les femmes veulent de moi ! Elles m'offrent leur corps parce qu'elle veulent que je leur donne un plaisir qu'elle n'ont jamais connu auparavant. Je les fais pleurer d'extase. Vous aussi — mais je ne vous violerai pas. C'est vous qui viendrez à moi. C'est la seule façon dont je vous veux. »

      Tess regarda Amir avec hostilité.

      Â« Et comment espérez-vous


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