Tess, Le Réveil. Andres Mann
fut fulgurante. Il fut décoré pour avoir dirigé une brigade dans le conflit irako-iranien, l'un des plus sanglants du siècle.
En termes de tactiques utilisées, cette guerre avait été comparable à la première guerre mondiale. Les deux fronts avaient eu recours à de longues guerres de tranchées, avec barbelés, postes de mitrailleurs, charges à la baïonnette et vagues d'attaques de soldats entre les deux fronts.
Les combattants firent également usage d'armes chimiques comme le gaz moutarde, utilisé par les Irakiens contre les troupes iraniennes. Les Iraniens répliquèrent de même.
Un autre fait d'armes fit état d'Amir, alors colonel, commandant une brigade de chars de la Garde Républicaine pendant la guerre du Golfe. Il était l'un des rares survivants après que son unité fut anéantie par les Américains.
Considéré comme un haut-gradé important de l'armée irakienne, Amir sut se tenir à l'écart de Saddam Hussein en ne rejoignant pas son premier cercle.
Jake se gratta la tête. « Câest un type coriace, rusé, compétent et expérimenté, pour ne pas mentionner impitoyable. Je ne vois pas comment le convaincre de relâcher cette enfant si elle est encore en vie. »
Tess, revivant les quelques heures passées avec Amir, sembla perdre confiance. « Toutes les chances sont de son côté. Il doit y avoir un moyen pourtant. »
Jake poursuivit sa lecture. « Il semble qu'il n'ait aucune intention de rentrer de sitôt en Irak. Il attendra probablement que la guerre soit finie et que les choses se soient calmées.
â Je pense qu'il peut se le permettre. Je lis ici que la fortune familiale est ancienne, qu'il possède plusieurs maisons en Europe et qu'il a sûrement des contacts un peu partout. Il m'a également dit que des membres de sa famille avait tenu des postes diplomatiques importants depuis l'époque de l'Empire Ottoman. »
Jake repoussa sa chaise et croisa les mains. « En supposant qu'on le retrouve, nous pourrons peut-être le persuader d'une façon ou d'une autre en lui offrant une carotte en échange de la fillette. » Tess se détourna un instant de l'ordinateur. « Qu'entends-tu par carotte ?
â Je suis certain que les alliés et le nouveau gouvernement irakien voudront arrêter les hommes de Saddam pour qu'ils répondent de leurs atrocités envers leur propre peuple. Je peux peut-être mettre au point une promesse d'immunité s'il coopère.
â Si tes contacts peuvent nous faire ça, en effet cela pourrait marcher, observa Tess, mais je me souviens qu'il avait bien fait attention de se tenir à l'écart des actes par trop répréhensibles du camp de Saddam. Il se peut qu'il ne se sente pas menacé puisqu'il n'a rien fait de mal.
â As-tu mentionné qu'il avait été impliqué dans le gazage des Kurdes ? Jake demanda. Ãa peut servir de levier. »
Tess fut prise d'une vague de tristesse à la pensée de Kejal qui s'était sacrifiée pour l'aider à retrouver la liberté. « La mère de cette petite fille est morte ; et tout dépend de notre capacité à prouver sa participation à ce massacre, et si même il s'en sent coupable.
â Beaucoup de 'si", observa Jake, mais c'est le seul atout dont on dispose. »
Tess se leva. « Allons à Istanbul et, de là , on avisera. »
Jake se déconnecta de l'ordinateur et remarqua qu'il leur fallait un plan plus solide. « Quel genre de plan ? Je n'en ai aucune idée. » Ils quittèrent la bibliothèque en silence.
Sur le chemin du retour vers l'hôtel, Jake demanda : « As-tu pensé à ce qui adviendrait de cette enfant si on parvient à la libérer ? » Tess s'arrêta. « Non. Je n'ai pas encore réfléchi à ça. »
13 - Istanbul
Le Général Amir Alkan al-Saadi sortit d'un majestueux édifice. Il venait de rendre visite à un ami qui était également ministre du gouvernement turc. Ils avaient discuté de l'invasion de l'Irak et des possibles conséquences du conflit dans la région.
Amir n'éprouvait que du mépris pour la naïveté des Américains, pour leur croyance absurde que la soi-disant démocratie serait souhaitable pour le Moyen-Orient. Les Arabes n'avaient jamais eu de démocratie. Tout au long de leur histoire, c'est le culte de l'homme fort qui leur avait été imposé. Pour ces sociétés tribales aux coutumes et attitudes bien éloignées du monde occidental, il ne pouvait voir comment toute autre modèle politique puisse être souhaitable ni même acceptable.
L'histoire de l'Irak exemplifiait la turbulence et l'interférence des forces occidentales. En 1920, l'Irak fur placé sous autorité britannique par un mandat de la Société des Nations. Les Britanniques installèrent Fayçal Ier d'Irak, roi hachémite, qui avait été forcé de quitter la Syrie à la fin de son "entente politique" avec les Français. Les autorités britanniques placèrent plusieurs élites arabes d'obédience sunnite à certains postes ministériels et gouvernementaux.
Puis la Grande-Bretagne accorda l'indépendance à l'Irak en 1932. Quelques rois éphémères se succédèrent jusqu'en 1941, lorsqu'un coup dâétat mit fin au gouvernement. Pendant le conflit anglo-irakien qui suivit, les Britanniques - qui y avaient conservé des bases aériennes - envahirent l'Irak de crainte que le nouveau gouvernement, aligné aux Forces de l'Axe, n'interrompe la fourniture de pétrole aux nations occidentales.
La monarchie hachémite fut restaurée, suivie d'une occupation militaire. Celle-ci prit fin en 1947 bien que la Grande-Bretagne conservât ses bases militaires en Irak jusqu'en 1954. L'Irak vécut alors sous une succession de premiers ministres autocratiques.
Un autre coup d'état, en 1958, mit fin à la monarchie. Plusieurs généraux se succédèrent jusqu'à l'arrivée du Général Saddam Hussein au pouvoir en 1979. Depuis lors, l'Irak a été maintenue sous sa poigne de fer. Tout comme les Britanniques auparavant, il perpétua au sein du gouvernement une domination sunnite, et supprima la majorité de Chiites et de Kurdes. Ces trois peuples ne parvenaient pas à sâentendre. Ils avaient été contraints de coexister dans un territoire dont le tracé était totalement artificiel.
Maintenant que l'Irak avait été conquis par la Coalition alliée, le pays avait besoin d'être gouverné. Amir estimait la tâche hautement compliquée. Il avait peu d'espoir d'un successeur aussi compétent que Saddam. La situation ne présageait rien de bon.
Anticipant le pire, Amir avait fait enlever les pièces d'héritages les plus importantes de sa résidence en Irak et les dispersa entre ses résidences dâIstanbul, de Paris et de Londres. Il se préparait à faire profil bas jusqu'à ce que les choses sâéclaircissent.
En raison de son influence, il obtint l'assurance des autorités turques qu'il y serait toujours le bienvenu. Après tout, plusieurs de ses ancêtres avaient été généraux et ministres de l'Empire Ottoman ; sa famille possédait un manoir dans le Bosphore depuis deux siècles.
La voiture d'Amir arriva devant sa résidence et il congédia le chauffeur. Il traversa le jardin et parvint devant la maison ; une femme et un enfant s'y trouvaient, plongés dans la lecture d'un livre. La petite fille le vit et courut vers lui avec un cri de joie. « Oncle Amir ! »
Il la souleva dans ses bras et elle l'étreignit. « Tu m'as manqué, oncle Amir », roucoula-t-elle. « Tu restes avec nous ? »
Amir embrassa la fillette sur la joue et la fit tourner en une pirouette, provoquant une autre cascade de rires. Il l'emmena à l'intérieur