Tess, Le Réveil. Andres Mann
On devrait prendre une perm et commencer à fouiller du côté d'Istanbul où, d'après son serviteur, Amir a une résidence », répondit Tess tandis qu'elle conduisait le Humvee à tombeau ouvert.
Jake, toujours très pratique, lui jeta un regard interrogateur. « Et on va en Turquie comment ? Nous sommes au milieu d'une guerre, au cas où tu l'aurais oublié.
â Je croyais que c'était toi le créatif. Bon, comme ton imagination semble être au point mort, voyons si on peut trouver un transport militaire pour la base américaine d'Incirlik ou peut-être d'Izmir en Turquie. »
Jake secoua la tête. « On aura besoin d'ordres de mission pour aller là -bas. Ce serait mieux d'aller en Italie, soit à Sigonella en Sicile ou à la base navale de Naples. On aura toujours besoin d'ordres de mission mais ce sera plus facile, les Turques sont pénibles. Ils risquent d'examiner tout mouvement en provenance d'Irak de très près. Ils ne veulent pas être mêlés à ce que nous faisons ici. »
Tess fit une embardée pour éviter une chèvre errante. « Alors, monsieur le barbouze. Tu peux nous produire des ordres pour l'Italie ? Ãa ne me dérangerait pas une bonne platée de pâtes.
â Je vais voir avec mes contacts s'ils peuvent nous trouver un motif pour nous envoyer là -bas. »
Jake et Tess arrivèrent à la base et, durant deux jours, ils se plièrent à une série de réunions et d'évaluations médicales.
Les opérations militaires atteignaient leur point culminant, les unités pénétraient Bagdad avec peu de résistance active. à ce stade, ce nâétait plus qu'une question de temps avant que les Irakiens ne capitulent.
Jake fit appel à tous ces atouts pour leur faire délivrer des ordres pour Naples et prétendument briefer l'antenne locale de la CIA sur les progrès de la guerre. Le jour suivant, ils montèrent à bord d'un avion de transport et arrivèrent à Naples en peu de temps.
En descendant de l'avion, Jake jugea utile de souligner une évidence. « Okay, Commandant, maintenant que nous sommes ici, nous sommes livrés à nous-mêmes. On peut obtenir un congé, mais nous devons payer nos vols et nos dépenses pour Istanbul de notre poche. Et je ne pense pas que mon salaire de la CIA nous mènera loin. » Jake avait en réalité une importante cagnotte ; il n'était pas certain cependant de vouloir l'utiliser pour une quête qui pouvait s'avérer vaine.
Tess répondit : « Ce n'est pas un problème. J'ai de l'argent.
â Bon à savoir. »
En fait, Tess n'avait pas beaucoup d'argent. Elle pouvait compter sur son père, mais elle ne voulait pas lâimpliquer dans son plan. Elle ne voulait pas l'alarmer en lui annonçant qu'elle et son partenaire s'embarquaient dans une aventure improbable.
Aussitôt libérés du service, ils prirent un taxi pour le centre de Naples. Tess annonça qu'elle avait fait une réservation au Grand Hôtel Vesuvio, un superbe palace avec des chambres à balcon avec vue sur la mer. C'était l'un des lieux de séjour préférés de Tess. Situé sur le front de mer, l'établissement surplombait le Golfe de Naples, l'île de Capri et le Mont Vésuve.
Aussi coriace qu'elle fût, Tess appréciait le confort matériel que son éducation privilégiée lui avait donnée. Elle avait souvent séjourné dans cet établissement, lieu d'étape vers la résidence de vacances de sa tante à Capri.
Jake proposa une meilleure idée.
Il guida le taxi à travers les rues anciennes et sombres de Naples et le fit s'arrêter devant un portail de fer décrépit dans une allée lugubre flanquée de hauts immeubles qui faisaient sécher leur linge au-dessus de la ruelle.
Tess était un peu consternée. L'entrée de la rue était sombre et inhospitalière.
Jake lui attrapa la main et ils grimpèrent un escalier en béton jusqu'au deuxième étage. Il les fit s'engouffrer, avec leurs petits sacs de voyage, dans le vieil ascenseur, puis il se mit à fouiller dans ses poches. Un petit panneau informait que le coût de l'ascenseur était de 10 centimes â pas idéal quand vous arrivez avec des bagages lourds et aucune pièce de 10 centimes ! Tess comprit alors pourquoi Jake avait insisté pour acheter un café à lâaéroport.
Miraculeusement, la pièce ramena l'ascenseur antédiluvien à la vie, les dégorgeant dans l'aire de réception d'une Pensione, la version italienne d'un B&B.
Le type à la réception était serviable et efficace, pas extrêmement sympathique et accueillant, mais acceptable. Il informa les clients que la réception fermait à 20 heures et qu'il fallait se conformer aux instructions au sujet de quelle clé ouvre quelle porte s'ils retournaient à la Pensione tard dans la soirée.
Tess était prête à repartir, mais Jake lui prit la main et l'emmena dans la chambre. Ãtonnamment, elle était propre et de bonnes dimensions. Le lit était grand et confortable, les placards de rangements généreux. En comparaison, la salle de bain était un peu décevante. Elle était propre mais montrait des signes d'usure ; il y avait des tâches noires au fond du bac à douche, traces des ravages d'années d'humidité, et aussi quelques égratignures sur la porte. Un rideau de douche laid et bon marché complétait le décor.
Tess regarda Jake d'un air interrogateur. « J'espère que tu te rends compte que je suis habituée à mieux que ça. »
Jake sourit. « J'en suis sûr. »
La chambre ouvrait sur une terrasse commune et chaque chambre avait sa propre table et des chaises. Le réceptionniste avait souligné qu'ils pouvaient y prendre leur petit déjeuner. Jake dit qu'ils le feraient si le temps le permettait.
Ils laissèrent leurs sacs dans la chambre et retournèrent au dehors. Bientôt, Tess devait avouer que se trouver proche du centre-ville et à portée des attractions était bien pratique. Ils virent de nombreux endroits où manger et découvrirent de merveilleuses petites rues. Les ruelles débordaient de visiteurs, de musiciens, de marchands, de restaurants et de boutiques. Tant de choses à voir !
Finalement, Jake entra dans un petit restaurant. Une vieille femme potelée les vit et leur dit en italien : « Signor Jake ! Où avez-vous été tout ce temps ? Vous ne m'avez pas rendu visite depuis au moins un an. »
Jake la prit dans ses bras et lui présenta Tess. « Voici Mamma Assunta, le meilleur cuisinier de Naples ! »
Mamma prit Tess dans ses bras et déclara : « Jake, quelle honte, tu ne lui donnes donc pas à manger à cette pauvre jeune fille !? » Elle s'écarta et évalua Tess du regard. « Aucun souci. Nous allons la nourrir comme il faut ! Maintenant, asseyez-vous. »
Le couple se glissa à une petite table. Tess prit un des grissini, des petits bâtons de pain, et le trempa dans un bol d'excellente huile d'olive. Le garçon apporta une bouteille de vin. Tess nota lâétiquette â Taurasi. « Jamais entendu parler. »
Jake en versa un peu dans son verre. « C'est un vin de région. » Tess goûta et le trouva merveilleux, un vin superbe, corsé et opulent.
Il n'y avait pas de menu et Jake ne sâembarrassa pas d'aller en chercher.
Tess le piqua de son pain et tout en en mâchant un autre : « Je suis affamée ! » Jake jeta un coup dâÅil vers la cuisine et annonça que la nourriture était en chemin. « Mamma ne s'embête avec les menus. Elle sert juste ce qu'elle est en train de préparer. »
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