Tess, Le Réveil. Andres Mann
cette femme aidée de sauveteurs américains qui est responsable ! Ils nous ont surpris. Trois hélicoptères américains nous ont tiré dessus ! »
Devant tant d'ineptie, Amir en perdit ses mots. « Et qu'avez-vous fait, imbécile ?
â Nous avons riposté, Général, mais ils avaient une grande puissance de feu. Devinant qu'Amir allait lui tirer une balle entre les yeux, il rajouta : La femme, Kejal, les a aidés mais je crois que j'ai réussi à l'abattre ! »
Amir porta sa main à sa hanche où, généralement, il gardait son arme attachée mais se souvint qu'il n'était pas habillé pour l'occasion. Il aurait tué le malheureux soldat mais se contenta de lui asséner un coup de poing au visage qui envoya l'homme au bas de l'escalier.
« Où est la femme ?! demanda-t-il.
â Ils l'ont emmenée avec eux à bord de l'hélicoptère, Général. Kemal, toujours sur le dos, leva les bras pour parer à d'autres coups. Le général lui donna un coup de pied.
â Serais-je donc maudit d'avoir des eunuques pareils ! » Un autre coup de pied.
Amir pivota sur ses talons et monta à l'étage pour regagner sa suite et se changer. Il ne voulait pas se l'admettre à lui-même mais il s'était pris d'affection pour Kejal. Elle était froide comme la glace, obstinée et pleine de colère. Il lui avait brisé sa superbe et l'avait forcée à le servir et le rejoindre au lit chaque fois qu'il en éprouvait l'envie. Il aimait cette hostilité et ce mépris passifs qu'elle affichait. Son sentiment de domination n'en était que plus grand â imposer son corps à sa volonté, sans aucun semblant d'affection ni de préliminaires. Il sentait son silence et sa résistance quand il la possédait, savourant sa soumission et le sentiment quâil nâutilisait les vaincus que pour se faire plaisir et sans avoir à en donner. Pourtant, il s'était habitué à sa présence et avait commencé à apprécier sa beauté et son élégance. l avait fini par nourrir l'espoir qu'elle finirait par accepter ce qui était arrivé à sa famille, que rien nâétait tout noir ou tout blanc. Maintenant elle avait disparu à cause de ces analphabètes abrutis, eux et cette perfide garce américaine. C'est de ma faute, se dit-il. J'aurais du la prendre sur le champ, cette salope, au lieu dâavoir prétendu vouloir la séduire.
Il nettoya sa blessure, revêtit son uniforme, enfila sa ceinture de cuir à laquelle son arme était attachée et alla remettre de l'ordre au chaos à l'extérieur. En enjambées rapides, il évalua les dégâts, ordonna que les morts soient enterrés, que les blessés soient expédiés à l'hôpital voisin, espérant que ce dernier tint encore debout.
Après avoir remis de l'ordre dans le domaine, il convoqua une réunion du personnel dans son bureau.
Sur ordre immédiat, ses hauts commandants retournèrent des lignes de bataille, assemblés autour de la longue table en compagnie d'Abdul Tek, le chef du groupe fedayin affecté aux unités d'Amir.
Amir était assis en bout de table et demanda une mise à jour tactique. Un colonel résuma la situation. Les Britanniques avaient pris Bassora. Les Américains traversaient le désert à une vitesse incroyable et détruisaient tout sur leur passage. Il était évident quâils se dirigeaient vers Bagdad, et il nây avait pas grand chose que les Irakiens puissent y faire.
Le reste des officiers était d'accord avec l'évaluation de la situation et ils se tournèrent vers Amir en attente de conseils, d'ordres, de tout ce qui pût leur donner de l'espoir.
Amir resta silencieux. 'C'est une répétition de la Guerre de 1991, mais en pire', pensa-t-il. à lâépoque, Amir était aux commandes d'une unité de chars. Il se sentait fier de faire partie de la quatrième plus grande armée du monde et fier de son bataillon de T-55 de fabrication russe. C'était un armement efficace â un fait établi par plusieurs victoires sur les iraniens en 1980.
Mais au cours de la guerre du Golfe, les Irakiens avaient gravement sous-estimé lâefficacité des forces de la Coalition dirigée par les Américains.
En très peu de temps, en 100 heures, l'ennemi domina par une attaque au sol d'une rapidité surprenante, déchaîna une puissance de feu phénoménale et réduisit la résistance irakienne à sa désintégration. La plupart des unités irakiennes capitulèrent, alors que d'autres avaient été détruites ou battaient en retraite. De ces dernières, les équipements furent abandonnés et les hommes s'enfuirent vers Bassora.
Dans une tentative désespérée pour ralentir lâennemi, certains éléments de la Garde Républicaine s'étaient engagés dans des combats contre les forces de la Coalition. Mais sans commandement central, ces éléments épars agissaient isolément et avaient perdu toute cohésion.
Les unités d'Amir tentèrent courageusement de retarder l'envahisseur pour permettre à autres unités de battre en retraite. Ses hommes et lui-même se mesurèrent contre les Américains mais la portée de leurs canons n'était pas comparable à celle des chars Abrams et des armes de l'ennemi. Tous les tirs provenant des T-55 vieillissants d'Amir tombaient court. L'attaque des unités américaines fit subir l'enfer aux positions irakiennes, détruisant 61 chars et 34 blindés de la Division Médina en moins d'une heure. à la fin de la bataille, Amir gisait blessé à l'extérieur de son char en feu. Les Irakiens furent dépassés par la puissance de feu de la plus formidable des forces armées que le monde ait jamais vu. L'ensemble de son unité était en flammes. Partout, des chars déchiquetés, certains encore en feu, explosaient sous l'intensité des flammes qui les engloutissaient. Mais le plus horrifiant était l'odeur de chair brûlée et les hurlements des membres survivants d'équipage qui tentaient de sortit de leurs chars en feu, créant un spectacle surréaliste.
Amir n'avait aucune illusion de victoire cette fois. Abdul, le commandant fedayin, était partisan d'un combat à mort. « Quelle plus grande gloire que de mourir pour l'Islam et pour le Grand Leader Saddam ? »
Amir garda le silence. Il avait horreur d'Abdul, un fanatique révoltant. Lui et sa bande de barbares avaient été affectés aux unités d'Amir ainsi qu'à d'autres, non pour se battre, mais pour s'assurer que les commandants et soldats de terrain le fassent. Au moindre doute, ils étaient autorisés à tirer les réticents d'une balle dans la tête. Abdul et ses hommes s'étaient déjà livrés à un petit nombre de ces exécutions pour marquer les esprits. Quand Amir l'apprit, il avait attrapé Abdul par la gorge et lui avait promis de le détruire s'il osait faire une telle chose sans son autorisation, et au diable les ordres de Saddam.
Abdul fit une suggestion. « Général, je sens que nous avons besoin de motiver les troupes pour combattre les Américains. Ils ont entendu des rumeurs sur ce qui se passe s'ils résistent à l'ennemi, le moral des troupes est bas. J'ai entendu parler de défections. Nous ne pouvons pas tolérer ça.
â Qu'est-ce que vous proposez ? » Amir le sentit venir.
Abdul se leva et commença à marcher dans la pièce, forçant les policiers à le suivre de leurs yeux. « Les Romains savaient comment faire pour garder les soldats et les guerriers féroces et motivés. Parfois, lorsque les légions faillaient, les généraux avait recours à la pratique militaire de décimation. Celles qui étaient peu performantes au combat étaient punies en désignant une escouade de dix soldats tirés au sort et en les battant à mort avec des bâtons. »
L'un des officiers pâlit et manqua de tomber de sa chaise. « Vous êtes fou ! Est-ce ce que vous proposez pour nos troupes â maintenant ? »
Abdul