La Cité Ravagée. Scott Kaelen

La Cité Ravagée - Scott Kaelen


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et des cercles rouges se dessinaient au travers.

      "Qu'est-ce que..." dit Oriken en attrapant la couverture pour essuyer le liquide. "C'est engourdi."

      Dagra fixait la couverture des yeux. Les parties de laine où la créature avait posé sa tête et ses mains commençaient à se désintégrer.

      Jalis l'avait également remarqué. En toute hâte, elle s'empara de son sac et en sortit une serviette et une pochette et elle versa de l'eau sur la poitrine d'Oriken. Avec le coin de la couverture, elle épongea la substance collante des plaies autant qu'elle le put. De la pochette, elle prit une feuille humide et la plaça sur la plus grande des trois plaies. "Le népenthès est le meilleur traitement que nous ayons sous la main pour le moment. Peut-être cette créature n'était-elle pas venimeuse."

      Oriken hocha la tête et regarda Dagra. "Ça ressemblait à quoi ?"

      Dagra était perplexe. Il décrivit la créature du mieux qu'il put mais ni Oriken, ni Jalis ne purent s'en faire une idée précise.

      "Nous allons devoir être plus vigilants." Jalis prit deux feuilles de plus de la pochette et dit à Dagra : "Bravo de l'avoir vue à temps. On ignore l'étendue du mal que ça a pu causer à Oriken pendant son sommeil. J'imagine que la sécrétion contenait un anesthésique."

      Oriken pâlit pendant que Jalis continuait d'appliquer les feuilles de népenthès sur ses plaies. "Je te revaudrai ça, Dag. Écoute, je m'excuse de t'avoir crié dessus."

      Dagra bougonna. "Oublie ça. Retourne te coucher. Je vais monter une autre garde et je te réveille dans deux heures. Je veux faire une rapide surveillance aux alentours de toutes façons. Si j'attrape cette chose, je la mets en pièces."

      "Merci," dit Oriken. "Je doute de pouvoir me rendormir pourtant."

      "Reste éveillé alors," proposa Jalis. "Mais repose-toi. Si tu te sens bizarre, appelle Dag ou réveille-moi." Elle jeta un coup d'œil à son bras. "Comment va cette blessure que tu as eue avec le cravant ?"

      Oriken serra et desserra son poing. "Beaucoup mieux." Il fouilla dans le fond de son sac et en sortit sa veste en peau de nargut doublé de fourrure et l'enfila. Tout en fermant la rangée d'agrafes sur le devant de sa veste, il regarda Dagra et Jalis, tour à tour. "Eh, ça va, je ne veux plus courir aucun risque." Il s'allongea et posa son chapeau sur sa poitrine.

      Jalis retourna s'enrouler dans sa couverture et, en moins d'une minute, se rendormit. Oriken croisa les bras derrière la tête et fit un signe de tête en direction de Dagra. Après avoir rengainé son glaive et vérifié que l'arbalète était chargée, Dagra partit faire sa patrouille.

      Des cadavres, des cravants, des hommes sauvages et des trucs bizarres blancs et gélatineux, pensa-t-il. Et au matin, sans doute les esprits de gens morts depuis longtemps. Il envoya rapidement une autre prière aux dieux et aux prophètes pour que demain ne soit pas une épreuve supplémentaire. Il s'agissait maintenant d'attendre si, et comment, ils répondraient à ses prières.

      

       Chapitre Huit

       Observateurs du Bout du Monde

      Oriken mâchonnait un coriace bout de viande séchée tout en suivant les plaies de son abdomen du bout d'un doigt. Le népenthès avait fait son travail. La peau était à vif mais elle cicatrisait, des croûtes avaient commencé à apparaître et, à la fin de son tour de garde, l'engourdissement avait diminué. Il prit l'un des trois œufs de caille bouillis dans la coupe qu'il gardait près du feu et l'écala. Il regarda le petit œuf d'un air maussade. C'était tout ce qu'il avait pu trouver la veille, bien qu'il eut poursuivi le cri de l'insaisissable caille. Leurs dernières provisions de viande salée, un petit œuf chacun et un bol de baies des marécages, c'était là tout leur petit-déjeuner. Il goba l'œuf et l'avala en quelques secondes.

      "Moi, je vous le dis," annonça-t-il, "si on trouve l'un de ces cravants dans la cité, je m'en avale un."

      Dagra fit une grimace.

      "Bah quoi, qui sait quand on aura un autre repas digne de ce nom ? Je suis juste... innovateur."

      "Si j'étais toi, je m'en abstiendrais," dit Jalis.

      "De quoi, d'être innovateur ?"

      Jalis lui lança un regard sarcastique. "La chair de cravant est plus coriace que le cuir, à moins de la faire mijoter une journée entière."

      Dagra essuya ses mains sur son pantalon et se leva. "Ne me dis pas que tu sais ça d'expérience."

      "Eh bien, en fait, si." Pendant un moment, Jalis parut perdue dans ses pensées. "C'est quelque chose de rare à Sardaya, du moins quand j’étais petite fille. Les cravants volants étaient un vrai fléau les fois où ils descendaient des montagnes. Mon père prenait souvent part à la chasse mensuelle et, parfois, il apportait un jarret de cravant que les bonnes faisaient mijoter." Elle regarda Oriken. "Mais nous n'en trouverons pas dans la cité parce que nous n'y allons pas. Ça n'est pas nécessaire. Pendant mon tour de garde, j'ai étudié la carte que Cela a donnée à Maros. Les Jardins Funéraires sont directement au-delà du portail. Nous n'avons donc pas besoin d'entrer dans Lachyla."

      "Hmm." Oriken saisit son ceinturon posé au sol et se leva. "C'est vraiment dommage. J'étais impatient d'aller faire un tour à l'intérieur."

      Dagra soupira. "Bien sûr que tu l'étais."

      "On en reparlera plus tard." Jalis se redressa elle aussi et frappa dans ses mains. "Avant tout, les garçons, je crois que nous avons un joyau à trouver."

      Le mur d'enceinte s'élevait au-dessus d'eux, aussi solide que le temps lui-même, à part quelques moellons effrités et quelques morceaux de mortier cassé au pied du mur. Oriken se sentait petit et insignifiant devant ces vieilles pierres imposantes.

      "S'il y avait des archers sur ces créneaux," dit-il, "il n'y aurait aucun moyen d’accéder à l'intérieur, pas même avec une armée, et encore moins un trio de sabreurs."

      "Heureusement qu'on a le grappin," dit Jalis.

      "Et qu'il n'y a personne d'autre," réplique Oriken. "N'est-ce pas, Dag ?"

      "J'espère," dit Dagra sourdement.

      Oriken remarqua le long du mur les restes d'une corde qui pendait depuis les remparts crénelés. "Y a pas quelque chose qui vous dérange, vous deux ?"

      Jalis fronça les sourcils en regardant la corde usée.

      "Ça a l'air très vieux," dit Dagra.

      Oriken hocha la tête. "Mais je ne crois pas que ça date du fléau. Et si ce que je dis est vrai, ça veut dire que nous ne sommes pas les premiers à nous être aventurés ici depuis que les cartes ont marqué ce territoire de la tête de mort.

      Il porta son attention vers la herse abaissée dont les pointes étaient plantées dans la poussière entre les dalles fendillées. Les barres de fer rouillées étaient chacune aussi épaisse que son poignet. Il avança pour jeter un œil au travers et regarda au-delà, bouche bée.

      "Le mot mort prend tout son sens..." murmura-t-il.

      Jalis était à ses côtés. "Oh...," murmura-t-elle, puis elle recula d'un pas. "Eh bien, Orik. À toi l'honneur ?"

      Avec un sourire, il se débarrassa de son sac. Il en sortit un long rouleau de corde dont l’une des extrémités était attachée à un lourd grappin.

      "Reculez," dit-il. Il enroula la corde autour de son bras et s'avança vers le mur. Il bloqua l'extrémité libre de la corde sous son pied, jaugea la hauteur du rempart et fit osciller le crochet à l'autre extrémité de la corde. Puis, il lâcha la corde et le crochet s'éleva dans les airs, passa au-dessus, puis au-delà du mur et, dans un mouvement d'arc, redescendit et accrocha un rebord sur la passerelle qui longeait le haut du rempart.


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