Masques De Cristal. Terry Salvini

Masques De Cristal - Terry Salvini


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eut un bref sursaut.

      –Non… Enfin, je ne saurais pas te dire. J'ai parfois des images, des scènes qui me la rappellent, mais je ne suis pas nostalgique, pas au point de vouloir absolument y retourner. Par contre, mon frère me manque beaucoup, même si je me souviens peu de lui. Elle fit une courte pause et enroula une longue mèche de cheveux autour de son index. Je voudrais tellement pouvoir le revoir, mais je ne sais pas où il est, ni comment il a fini.

      –Il doit bien y avoir un indice quelque part.

      –Juste le message qu'il a laissé à Hans avant de disparaître, où il dit qu'il veut me confier à lui.

      Un message pour Hans écrit par Jack? se demanda-t-elle perplexe.

      Hans ne lui en avait pas parlé. Elle n'avait jamais compris la raison qui avait poussé Jack à partir aussi rapidement, et plus d'une année s'était écoulée désormais depuis que c'était arrivé.

      –Faisons quelque chose de sympathique: allons casser les pieds de nos hommes dans le séjour» proposa-t-elle à Ester.

***

      Lorsqu'elle quitta la tiédeur du bureau, l'air froid de fin octobre la tira de l'état de confusion dans lequel elle était depuis plusieurs heures: elle s'était levée ce matin avec une nausée qui lui avait fait sauter le repas. Elle était probablement en train de tomber malade, peut-être de ce malaise qui précède la vraie grippe.

      Elle leva les yeux: des nuages menaçants obscurcissaient le ciel du soir et les arbres dépouillés semblaient des prolongements décharnés du sol dirigés vers le haut. Le vent fort la contraignit à fermer sa veste et à mieux nouer son écharpe de soie autour de son cou. Elle n'aimait pas l'hiver, sauf pour Noël et les amusantes parties de patinage sur glace.

      Elle rejoignit un taxi qui déchargeait un client un peu plus loin et se fit porter à la maison. Alors qu'elle ouvrait la porte, elle sentit une odeur de nourriture. Elle enleva son manteau et le posa avec son sac sur le canapé, puis se rendit à la cuisine. Mira, vêtue de son habituelle blouse bleue et d'un grand tablier blanc, mettait la table.

      «Tu as faim? lui demanda la gouvernante en se retournant pour lui parler: ses petits yeux bleus souriaient, tout comme ses lèvres fines.

      Loreley avait souhaité qu'elle la tutoie: elle détestait le formalisme et les révérences, elle devait déjà les supporter au tribunal.

      –Pas vraiment. Johnny est rentré?

      –Il est enfermé dans son bureau. Le dîner est presque prêt.

      –Je vais le prévenir.»

      Il fallut un moment pour le tirer de son travail de dessin, mais Johnny dévora ensuite un gros steak grillé et une quantité de légumes qu'elle aurait mangé en deux fois.

      À un certain point, Loreley écarta son assiette avec une grimace de dépit: elle ne comprenait pas pourquoi voir Johnny manger autant la dérangeait tellement ce soir-là.

      Elle se leva en s'excusant et se dirigea vers la salle de bain pour prendre une douche. Quand la chaleur de l'eau la détendit, laissant place à ses pensées, elle ne s'y opposa pas. Elle vagabonda longtemps dans le passé, à l'époque de l'université, de Davide, de la première rencontre avec Johnny et de son avenir avec lui. Un avenir à long terme… Devenir une vraie famille.

      Mais à quoi était-elle en train de penser, bon sang?!

      Johnny ne lui avait jamais laissé entendre qu'il voulait en créer une avec elle. Il avait déjà été marié et il avait fui au bout de quelques années seulement. Durant leur mariage, ils avaient mis une fille au monde, dont il parlait peu, à la différence de beaucoup de pères qui…

      Elle interrompit le cours de ses pensées avec un frisson. Elle ouvrit grand la bouche et l'eau coula dans sa gorge. Elle toussa pour la faire sortir tandis qu'elle fermait le robinet. Il fallut d'interminables secondes avant qu'elle puisse à nouveau respirer normalement. Elle s'appuya sur le mur carrelé, écartant ses cheveux mouillés de son visage. Elle devait recommencer à prendre la pilule ce jour-là et rien n'était venu. Pourquoi? Elle avait lu quelque part que le flux pouvait diminuer jusqu'à disparaître avec certains types de contraceptifs. Oui, ce devait être ça.

      Et si quelque chose ne s'était pas déroulé comme prévu? se demanda-t-elle en essorant ses cheveux d'un geste nerveux.

      Ce doute la tracassa au point de la pousser à se sécher à la hâte et à se rhabiller. Elle ne pouvait pas attendre le lendemain et rester dans l'incertitude ou elle ne fermerait pas l'oeil de la nuit.

      Une fois prête, elle dit à Johnny qu'elle avait oublié d'acheter ses analgésiques et sortit en courant.

      Quelques minutes plus tard, elle atteignait la pharmacie la plus proche, de l'autre côté de la rue. Elle entra et demanda un test de grossesse: c'était absurde de s'inquiéter autant, mais elle savait qu'il pouvait y avoir une marge d'erreur.

      Quand elle retourna à la maison, elle trouva Johnny étendu sur le canapé, occupé à regarder un match de football; elle en profita pour se dévêtir et s'enfermer dans la salle de bain sans être dérangée: personne ne pourrait décoller Johnny de là, même avec la perspective de plusieurs heures de sexe effréné.

      Elle suivit les instructions sur la boîte et attendit le résultat. Elle aurait dû faire le test le matin, mais le soir elle risquait au maximum un résultat négatif, jamais un faux positif. Au cas où, elle recommencerait le matin suivant.

      Assise sur le tabouret, elle s'imagina les réactions possibles de Johnny si le résultat s'avérait positif. Ils n'avaient jamais parlé mariage, encore moins d'avoir des enfants. Ce serait vraiment un coup dur pour tous les deux.

      Elle regarda sa montre, puis l'indicateur du test…

      5

      Le test était positif. Exactement comme elle le craignait.

      Comment cela avait-il pu arriver? Où s'était-elle trompée? se demanda-t-elle en enveloppant le stick dans un mouchoir en papier pour le jeter à la poubelle.

      Elle sortit de la salle de bain de longues minutes plus tard. Elle se sentait dans le même état que si on lui avait administré une forte dose de sédatifs. Elle ne rejoignit pas Johnny dans le séjour: elle ne voulait pas courir le risque qu'il se rende compte de l'état dans lequel elle était et elle ressentait le besoin de réfléchir avant de parler avec lui.

      Elle se dirigea vers la chambre à coucher, de l'autre côté de la maison. Une fois déshabillée, elle prit son pyjama sous son oreiller et l'enfila avec des gestes d'automate. Elle réalisa qu'elle avait mis le pantalon à l'envers mais se ficha de le remettre dans le bon sens.

      En entendant des pas, elle tourna le dos à la porte. «Tu vas déjà au lit? lui demanda Johnny.

      –Je suis très fatiguée. Ça t'ennuie? Elle fit semblant de chercher quelque chose dans le tiroir de la table de nuit pour qu'il ne remarque pas son trouble.

      –Non, pas du tout… Je viens dès que le match est terminé, je suis à la mi-temps.

      Elle l'entendit s'approcher davantage et se plaqua un masque d'impassibilité sur le visage, le même qu'au tribunal.

      –D'accord. Elle referma le tiroir après y avoir pris un paquet de mouchoirs qui ne lui servait à rien.

      John l'enlaça par derrière, lui entourant la taille.

      –Mets-toi au lit, lui dit-il. J'éteindrai les lumières et fermerai les volets.»

      Elle tourna la tête pour lui lancer un regard noir.

      « Pourquoi tu me fixes comme ça? demanda-t-il.

      –Tu détestes faire ces choses, je dois toujours y penser moi-même.

      Elle le vit sourire.

      –Vu que tu vas te coucher et que je dois sortir, je me forcerai à le faire.

      –Tu sors avec Ethan?

      –Comme toujours. Mais ne t'inquiète, on ne rentrera pas tard cette fois.»

      L'homme


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