Masques De Cristal. Terry Salvini

Masques De Cristal - Terry Salvini


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garda le téléphone près d'elle.

      Finalement, comprenant qu'il ne reviendrait pas de la nuit, elle ressentit le besoin d'entendre une voix amie. Elle appela Davide et, pour la seconde fois, annonça la nouvelle du bébé qui arrivait.

      Son ami resta silencieux. On n'entendait qu'un chat qui miaulait à l'autre bout de la ligne.

      «Eh, Davide, tu parles ou pas?

      –Mon Dieu, Loreley! Et tu me le dis comme ça, par téléphone?

      –Je n'ai pas d'autre moyen de le faire, pour le moment. Tu ne penses pas? Elle avait besoin de ses réconfortants bras virtuels à l'instant, pas de reproches.

      –Je suis content de l'heureux évènement, mais pas de la situation dans laquelle tu te trouves maintenant… Bordel de merde, tu devais lui dire avant de partir; tu te serais épargnée de rester seule pour affronter tout ça!

      –Ça m'avait semblé une bonne idée, mais c'est fini de toute façon.

      –Ne saute pas trop vite aux conclusions, lui conseilla-t-il. Parfois, les premières réactions sont disproportionnées par rapport à ce que l'on éprouve quand on a le temps d'y réfléchir. C'est sûr, ce sera un sacré changement!

      –Je me serais attendue à tout, mais pas à tomber enceinte. Je n'étais pas prête à ça et je pense que je ne le suis toujours pas, répliqua-t-elle, fatiguée de l'amertume qu'elle éprouvait. Il m'a fallu du temps pour…» Elle s'arrêta. Si elle avait eu besoin de jours pour accepter la nouvelle, pourquoi prétendre de John que ce soit différent pour lui?

      «D'accord, j'ai compris: j'attendrai un peu avant de considérer son non comme définitif.

      –Va dormir maintenant et tiens-moi au courant, s'il te plaît.

      –Bien sûr, je le ferai. Bonne nuit. Elle allait raccrocher, mais elle entendit la voix de son ami la rappeler.

      –Attends, Loreley! Félicitations pour le bébé!»

      6

      Elle somnolait encore quand elle entendit la porte de la chambre s'ouvrir. Elle entrouvrit à peine les yeux et resta immobile.

      Entre ses cils, elle vit John ouvrir l'armoire, en sortir les quelques affaires qu'il avait emportées et les mettre dans son grand sac.

      Il se déplaçait furtivement, comme un voleur. Il partait.

      Son coeur rata un battement et il lui sembla qu'il ne voulait pas reprendre son rythme normal. Elle prit une profonde respiration et dès que cette sensation désagréable cessa, repoussa les couvertures et sortit du lit, prête à l'affronter. Elle ne pouvait pas lui permettre de partir de cette façon, avec la certitude qu'elle l'avait trompé.

      Il se tourna et la regarda.

      «Je vais au rendez-vous avec l'architecte Morel puis je rentre à New York… seul. Finis ton week-end, lui dit-il en la transperçant du regard.

      –Arrête de te comporter comme ça! Tu ne m'as même pas laissée parler quand on était sur la Tour Eiffel.

      –Je n'ai toujours pas envie de t'entendre. Tu es avocate: si tu arrives à embrouiller tout un jury pour sauver ton client, je n'ose pas imaginer ce que tu dirais pour te sauver toi.

      –C'est un coup bas!

      –Et le tien, tu le définirais comment? Il lui montra son ventre.

      Discuter dans ces conditions était compliqué, mais elle devait essayer.

      –Je ne l'ai pas fait exprès. Je n'ai jamais cessé de prendre la pilule, tu dois me croire!

      –Désolé, mais je n'y arrive pas.» John attrapa son petit bagage, se dirigea vers la porte et quitta la chambre, sans plus lui accorder un regard.

      Loreley resta immobile quelques secondes. Elle aurait dû l'envoyer au diable et dire qu'elle s'occuperait seule de l'enfant, mais elle devait tenter de le convaincre qu'elle était sincère avant d'en arriver là; car si la situation était telle, et si cet homme ne méritait pas d'avoir un enfant, l'enfant, lui, méritait d'avoir un père. Il changerait peut-être d'avis un jour: c'était arrivé à d'autres hommes de se raviser après avoir vu leur bébé. Le tribunal lui avait appris qu'il était parfois nécessaire de mettre son orgueil de côté.

      Non, s'il y avait le plus infime espoir, elle sentait qu'elle devait faire au moins une tentative pour arranger les choses.

      Elle enfila son jean, un pull et ses bottines, prit son blouson et se précipita dehors.

      L'ascenseur près de la chambre était occupé et le signal était allumé sur celui d'en face également.

      Elle devait prendre les escaliers. Si elle descendait assez rapidement, elle réussirait à le rejoindre avant qu'il ait le temps de prendre un taxi.

      Quatrième étage.

      Escalier, palier, escalier.

      Troisième étage.

      Escalier, palier, escalier. Plus vite, plus vite…

      Deuxième étage.

      Escalier, palier, vide…

      Un de ses pieds manqua une marche et elle dégringola les suivantes. Elle lança un cri de terreur.

      Une douleur atroce, puis un tourbillon d'ombres noires l'engloutit dans le néant.

***

      La légère brûlure au bras et la douleur aux reins tirèrent peu à peu ses sens de leur obscur brouillard. Elle n'arrivait pas à ouvrir les yeux.

      «Miss Lehmann… Vous m'entendez?»

      Les mots avaient été prononcés dans un anglais hésitant, avec un fort accent étranger, et la voix féminine semblait provenir de très loin.

      Seules quelques syllabes sans aucun sens sortirent de sa bouche. Sa langue était collée au palais et ses lèvres étaient sèches. Elle se limita à acquiescer.

      «Elle reprend ses esprits. Vous pouvez l'emmener dans le service.» C'était une voix d'homme qui parlait maintenant, mais dans un français parfait cette fois. Loreley remercia son père de l'avoir obligée à apprendre cette langue quand ils vivaient encore à Zurich.

      Elle se raidit: où se trouvait-elle? La question resta en suspens dans le bref silence qui suivit, jusqu'à ce que quelques souvenirs confus l'assaillent avec la violence d'un coup de massue. L'ambulance, les urgences, l'examen… Et le vide à nouveau.

      Elle était à l'hôpital!

      Un tremblement violent la saisit.

      Quelqu'un tenta de la tenir immobile, mais elle n'arrivait pas à contrôler les intenses frissons qui secouaient son corps.

      «Je crois que c'est une réaction au stress du traumatisme» entendit-elle dire.

      Que lui avaient-ils fait? se demanda-t-elle, en proie à un soupçon terrible. Elle voulait savoir, mais n'arrivait pas à demander. Ses dents claquaient avec la force d'un marteau-piqueur et son coeur semblait vouloir les vaincre à toute vitesse; comme si elle avait un nid de vipères enragées dans la tête. Elle s'imposa le calme en respirant à fond plusieurs fois.

      «Voilà, bien… comme ça. N'ayez pas peur.»

      Cette voix masculine de nouveau, si rassurante.

      «Docteur, le professeur Leyrac vous demande dans la salle deux.» Une femme était intervenue.

      «Oui, j'arrive immédiatement. Emmenez mademoiselle Lehmann dans une chambre» répéta l'homme.

      Loreley perçut des pas qui s'éloignaient. La légère torpeur qui enveloppait encore son esprit s'évanouissait. Quelques instants plus tard, elle put ouvrir les yeux.

      La première chose qu'elle vit furent les portes d'un grand ascenseur qui se fermaient, puis la silhouette d'une femme en blouse blanche qui s'apprêtait à appuyer sur un bouton.

      Peu après, ils la déplacèrent du brancard à un lit.

      «Vous vous sentirez mieux demain» la rassura une


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