Inhumain. Ecrivain Anonyme
plaisir.
- Okay, mais tu me saoules vraiment.
Je lui prends le manteau des mains et me couvre. Les manches me tombent sur les mains et le tissu m'arrive en dessous des fesses. Il faut dire que je suis plutôt petite, c'est vrai.
Matthew me regarde m'enfoncer dans les bois avec nervosité alors que je suis totalement sereine. Je ne crois pas aux légendes, je suis du genre à ne croire que ce que je vois. Et je vois une forêt inoccupée depuis des années avec le doux son des oiseaux, et l'agréable vent de ce début d'après-midi. Je n'aperçois rien qui soit susceptible de me faire du mal.
Les feuilles bougent et quelques-unes d'entre elles se décrochent, venant embellir le sol qui craque sous chacun de mes pas. Le vent siffle contre l'écorce des arbres et, plus je m'enfonce dans la forêt, plus je me sens libérée d'un poids. Je ne sens plus la pression de mes parents, ni celle de mes professeurs ou bien ce besoin absurde d'être une fille parfaite. Fille que je ne suis évidemment pas.
Ici, au fin fond de cette forêt, je peux être celle que je veux : celle que je suis.
Personne ne me regarde ; c'est un endroit tranquille, désert, qui laisse mon esprit se nourrir de la nature que nous offre notre planète. J'aime cette forêt et je comprends pourquoi mes parents ne voulaient pas que j'y aille. Ce n'est pas à cause de cette série de meurtres, mais à cause de ce sentiment, cette légèreté qui me pousse à vouloir me rebeller pour une liberté infinie.
La nature me donne cette envie de croire que tout est possible, que je peux atteindre des sommets rien qu'avec une pensée. Je respire, je revis, l'espace d'une seconde.
Une branche craque un peu plus loin. J'ai un mouvement de recul et fronce les sourcils, m'attendant à ce que quelque chose me saute à la figure. Je ris lorsque je me rends compte que je suis stupide de réagir ainsi. Cette histoire de tueurs en série me monte un peu trop à la tête.
Les recoins se ressemblent et j'en viens à me dire que, si un jour des gens sont morts dans cette forêt, ce n'est pas uniquement parce qu'ils se sont faits assassiner. C'est qu'ils n'ont tout simplement pas trouvé de sortie. Ils sont rentrés dans ce labyrinthe, uniquement délimité par les arbres, sans même avoir un plan, et se sont perdus au beau milieu de ces feuillages.
Une nouvelle brindille craque et je me retourne immédiatement. Je ne rêve pas, une branche vient de bouger. Je fronce les sourcils.
Matthew m'a-t-il suivi ?
- Mat, je sais que c'est toi, tu peux sortir de ta cachette maintenant, dis-je, mais je n'obtiens aucune réponse, seulement un nouveau bruit de craquement.
Je commence à avoir peur lorsque je sens une présence derrière moi. Je respire fort et mon cœur s'emballe au même moment que ma respiration devient effrénée.
Je pivote doucement sur moi-même, ne tenant pas spécialement à voir ce qui se passe derrière moi. Je suis surprise de faire face à un homme, inconnu.
Mes lèvres s'ouvrent à la surprise de ce que mes yeux découvrent.
Il est accroupi sur le sol, mais ce qui me marque le plus est sa peau. Il est nu, complètement nu ; sans aucune gêne. Il possède de très longs cheveux, comme s'il ne les avait jamais coupés et son corps est sale, boueux et plein d'égratignures de toutes sortes. Son regard, d'un vert aussi pur que la forêt qui nous entoure, me percute les pupilles. Il semble aussi perdu et angoissé que moi, si ce n'est plus. Sa mâchoire est carrée, taillée dans une profonde virilité tandis que ses traits me paraissent plus doux, plus angéliques.
- Tu dois être bourré pour te balader nu comme ça. Je pense sérieusement que tu devrais rentrer chez toi, mec.
Je ne vois pas d'autre explication à sa venue dans ces bois, complètement dévêtu. Il ne semble pas très vieux et les fêtes qui dégénèrent ne sont pas rares ici.
Il me regarde, mais c'est comme si son regard passait à travers moi, me rendant réellement perplexe. Il ne répond pas, il me fixe simplement. Il avance d'un pas vers moi et, par instinct, je recule.
Ses bras sont forts, musclés comme un boxeur et j'ai peur qu'il tente de me blesser. Il n'est probablement pas dans son état normal, mais je ne compte pas lui laisser le bénéfice du doute et lui donner l'occasion de faire n'importe quoi avec moi. J'ai l'habitude de traîner avec ce genre de mec, musclés et défoncés.
Lorsqu'il arrive à ma hauteur, je heurte un arbre à force de reculer. Il est toujours accroupi devant moi alors qu'il hausse un sourcil.
Ce mec est vraiment bizarre.
De près, j'aperçois que ses lèvres sont meurtries, baignant dans un sang séché qui me fait grimacer. Il les ouvre, cherchant probablement ses mots pour me répondre, mais il ne trouve rien à dire.
Tout à coup, il se lève.
Sa hauteur me fait frissonner et mon cœur rate un battement tellement l'angoisse m'enveloppe le cerveau. Il est grand, très grand. Il fait probablement 1m90, ou plus encore.
Je ne me sens pas à mon aise avec lui ; son regard me rend nerveuse, mais je tente de le lui cacher, comme j'en ai l'habitude.
Son bras se lève et mes yeux se ferment automatiquement, par réflexe. Mon souffle devient saccadé à la seconde où ses doigts se déposent sur la chair de ma joue. Il la caresse, doucement, lentement, comme s'il avait peur que je disparaisse ou que je ne sois pas réelle, ou bien différente de lui.
Mes paupières s'ouvrent et je l'observe, curieuse. Son regard se connecte au mien dans un silence apaisant tandis que son pouce en vient à effleurer mes lèvres. Je frissonne à la douceur de son touché.
Il me regarde comme s'il n'avait jamais vu quelque chose d'aussi rare et cela me déconcerte réellement.
- Qui es-tu ? demandé-je, calmement.
Mais il recule brusquement, comme si je l'avais frappé de plein fouet.
- Je ne veux pas te faire peur, je veux juste savoir qui tu es.
Je tente de le rassurer, mais il ne me parle toujours pas et recule même un peu plus. J'essaie de ne pas regarder son corps, de ne pas l'analyser, mais le voir comme ça, devant moi, nu, me perturbe quand même un peu.
- C'est quoi ton nom ?
Il ne me répond toujours pas, il me fixe sans relâche tout en s'asseyant sur le sol, encore plus loin.
Je fronce les sourcils, il ne sait peut-être pas parler. Est-il muet ou étranger ?
- Tu sais parler ? Tu me comprends ?
Il hoche la tête ; il m'a comprise.
- Tu n'es pas muet alors ?
Il secoue la tête de gauche à droite, de manière négative.
- Quel est ton nom ? redemandé-je.
- O-Oli-Oliver, bégaie-t-il dans un murmure, un murmure si faible qu'il me parvient à peine aux oreilles.
- Oliver ?
Il hoche à nouveau la tête.
- Tu connais ton âge ?
Il hausse les épaules en réponse et je devine qu'il ne sait pas quel âge il a.
- Je m'appelle Rose et j'ai 20 ans, je lui dis avec un petit sourire.