Poésies de Charles d'Orléans. Charles d'Orléans
Qu'il dessert bon guerdonnement,
Pour bien et loyaument amer.
Par mon cueur je congnois pieca
Ce mestier, car quant il souspire,
Jamais rapaisié ne sera,
Tant qu'il ait envoyé de tire
Vers la belle que tant desire;
Et puis s'il peut aucunement
Oir nouvelles seulement
De sa doulce beaulté sans per,
Il oublie l'ennuy qu'il sent,
Pour bien et loyaument amer.
L'ENVOY.
Ma Dame, Dieu doint que briefment
Vous puisse de bouche compter
Ce que j'ay souffert longuement,
Pour bien et loyaument amer.
BALADE.
Belle combien que de mon fait
Je croy qu'avez peu souvenance,
Toutesfoiz se savoir vous plaît
Mon estat, et mon ordonnance;
Saichiez que loingtain de Plaisance,
Je suis de tous maulx bien garny,
Autant que nul qui soit en France,
Dieu scet en quel mauvais party.
Helas! or n'ay je riens forfait
Dont porter je doye penance,
Car tousjours je me suis retrait
Vers Loyaulté et Esperance,
Pour acquerir leur bienvueillance;
Mais au besoing ilz m'ont failly
Et m'ont laissié sans recouvrance,
Dieu scet en quel mauvais party.
Dangier m'a joué de ce trait,
Mais se je puis avoir puissance,
Je feray maugré qu'il en ait,
Encontre lui une aliance,
Et si lui rendray la grevance,
Le mal, le dueil et le soussy,
Où il m'a mis jusqu'à oultrance,
Dieu scet en quel mauvais party.
L'ENVOY.
Aydiez moy à l'oultrecuidance
Vengier, com en vous ay fiance,
Ma Maistresse, je vous supply
De ce faulx Dangier qui m'avance
Dieu scet en quel mauvais party.
BALADE.
Loyal espoir, trop je vous voy dormir,
Resveilliez vous et joyeuse pensée,
Et envoyez ung plaisant souvenir
Devers mon cueur, de la plus belle née
Dont aujourduy coure la renommée;
Vous ferez bien d'ung peu le resjoir,
Tristesse s'est avecques lui logiée,
Ne lui vueilliez à son besoing faillir.
Car Dangier l'a desrobé de plaisir,
Et que pis est, a de lui eslongnée
Celle qui plus le povoit enrichir;
C'est sa dame tres loyaument amée.
Oncques cueur n'eut si dure destinée
Pour Dieu, Espoir, venez le secourir,
Il a en vous sa fiance fermée,
Ne lui vueilliez à son besoing faillir.
Par povreté lui fault son pain querir
A l'uis d'Amours par chascune journée,
Or lui vueilliez l'aumosne departir
De liesse, que tant a désirée:
Avancez vous, sans faire demourée
Pensez de lui, vous savez son desir,
Par vous lui soit quelque grace donnée,
Ne lui vueilliez à son besoing faillir.
L'ENVOY.
Seule sans per, de toutes gens louée,
Et de tous biens entierement douée,
Mon cueur ces maulx seuffre pour vous servir,
Sa loyaulté vous soit recommandée
Ne lui vueilliez à son besoing faillir.
BALADE.
Mon cueur au derrain entrera
Ou Paradis des amoureux,
Autrement tort fait lui sera,
Car il a de maulx doloreux
Plus d'un cent, non pas ung ou deux,
Pour servir sa belle maistresse;
Et le tient Dangier le crueulx
Ou Purgatoire de Tristesse.
Ainsi l'a tenu, longtemps a,
Ce faulx traître, vilain, hideux;
Espoir dit que hors le mectra,
Et que n'en soye ja doubteux;
Mais trop y met dont je me deulx,
Dieu doint qu'il tiengne sa promesse
Vers lui, tant est angoisseux
Ou Purgatoire de Tristesse.
Amour grant aumosne fera
En ce fait cy, d'estre piteux,
Et bon exemple monstrera
A toutes celles et à ceulx
Qui le servent, quant desireux
Le verront par sa grant humblesse,
D'aidier ce povre souffreteux
Ou Purgatoire de Tristesse.
L'ENVOY.
Amour! faictes moy si eureux
Que mectez mon cueur en liesse;
Laissiez Dangier et Dueil tous seulx
Ou Purgatoire de Tristesse.
BALADE.
Mon cueur a envoyé querir
Tous ses bienvueillans et amis,
Il veult son grant conseil tenir
Avec eulx, pour avoir advis
Comment pourra ses ennemis,
Soussy, Dueil, et leur aliance
Surmonter, et tost desconfire,
Qui desirent de le destruire
En la prison de Desplaisance.
En desert ont mis son plaisir,
Et joye tenue en pastis;
Mais Confort lui a sans faillir
De nouvel loyaument promis
Qu'ilz seront desfaiz