Poésies de Charles d'Orléans. Charles d'Orléans

Poésies de Charles d'Orléans - Charles d'Orléans


Скачать книгу
tristesse

      Voise voir son doulx maintenement,

      Je me fais fort que le mal qui le blesse

      Le laissera pour lors soudainement,

      Et en oubly sera mis plainement;

      C'est Paradis que de sa compaignie,

      A tous complaist, à nul n'est ennuyant,

      Qui plus la voit plus en est désirant,

      De ces grans biens est ma Dame garnie.

      L'ENVOY.

      Toutes dames qui oyez cy comment

      Prise celle que j'ayme loyaument,

      Ne m'en saichiez maugré, je vous en prie;

      Je ne parle pas en vous desprisant,

      Mais comme sien je dy en m'acquittant:

      De ces grans biens est ma Dame garnie.

       BALADE.

      A ma Dame je ne scay que je dye,

      Ne par quel bout je doye commencer,

      Pour vous mander la doloreuse vie

      Qu'Amour me fait chascun jour endurer;

      Trop mieulx vaulsist me taire que parler,

      Car prouffiter ne me pevent mes plains,

      Ne je ne puis guerison recouvrer,

      Puisqu'ainsi est que de vous suis loingtains.

      Quanque je voy me desplaist et ennuye,

      Et n'en ose contenance monstrer,

      Mais ma bouche fait semblant qu'elle rie,

      Quant mainteffoiz je sens mon cueur plourer.

      Au fort, martir on me devra nommer,

      Se Dieu d'amours fait nulz amoureux Saints,

      Car j'ay des maulx plus que ne scay compter,

      Puisqu'ainsi est que de vous suis loingtains.

      Et non pourtant humblement vous mercie,

      Car par escript vous a pleu me donner

      Ung doulx confort que j'ay à chiere lie

      Receu de cueur, et de joyeulx penser,

      Vous suppliant que ne vueilliez changier,

      Car en vous sont tous mes plaisirs mondains

      Desquelz me fault à present deporter,

      Puisqu'ainsi est que de vous suis loingtains.

       BALADE.

      Loingtain de vous, ma tres belle maistresse,

      Fors que de cueur que laissié je vous ay,

      A compaignie de Deuil et de Tristesse,

      Jusques à tant que reconfort auray

      D'un doulx plaisir, quant reveoir pourray

      Vostre gent corps, plaisant et gracieux;

      Car lors lairray tous mes maulx ennuyeux

      Et trouveray, se m'a dit Esperance,

      Par le pourchas du regard de mes yeulx

      Autant de bien que j'ay de desplaisance

      Car s'oncques nul sceut que c'est de destresse,

      Je pense bien que j'en ay fait l'essay;

      Si tres avant et à telle largesse

      Qu'en dueil pareil nulluy de moy ne scay;

      Mais ne m'en chault; certes j'endureray

      Au desplaisir des jaloux envieux,

      Et me tendray par semblance joyeulx,

      Car quand je suy en greveuse penance,

      Ilz recoyvent, que mal jour leur doint Dieux,

      Autant de bien que j'ay de desplaisance.

      Tout prens en gré jeune, gente Princesse,

      Mais qu'en saichiez tant seulement le vray,

      En actendant le gueredon de Liesse

      Qu'à mon povoir vers vous desserviray;

      Car le conseil de Loyaulté feray,

      Que garderay pres de moy en tous lieux,

      Vostre tousjours soye, jeunes ou vieulx,

      Priant, a Dieu ma seule desirance,

      Qu'il vous envoit, savoir ne povez mieulx,

      Autant de bien que j'ay que desplaisance.

       BALADE.

      Puisqu'ainsi est que loingtain de vous suis,

      Ma Maistresse, dont Dieu scet s'il m'ennuye,

      Si chierement vous requier que je puis,

      Qu'il vous plaise de vostre courtoisie,

      Quant vous estes seule sans compaignie,

      Me souhaidier ung baisier amoureux

      Venant du cueur et de pensée lie,

      Pour alegier mes griefz maulx doloureux.

      Quant en mon lit doy reposer de nuis,

      Penser m'assault, et Désir me guerrye;

      Et en pensant mainteffoiz m'est advis

      Que je vous tiens entre mes bras, m'amye;

      Lors accolle mon oreillier, et crie:

      Mercy Amours, faictes moy si eureux,

      Qu'avenir puist mon penser en ma vie,

      Pour alegier mes griefz maulx doloureux.

      Espoir m'a dit et par sa foy promis

      Qu'il m'aidera, et que ne m'en soussie;

      Mais tant y met qu'un an me semble dix,

      Et non pourtant, soit ou sens ou folie,

      Je m'y actens, et en lui je m'afie

      Qu'il fera tant que Dangier le crueux

      N'aura briefment plus sur moy seigneurie,

      Pour alegier mes griefz maulx doloureux.

      L'ENVOY.

      A Loyaulté de plus en plus m'alye,

      Et à Amours humblement je supplie

      Que de mon fait vueillent estre piteux,

      En me donnant de mes vouloirs partie,

      Pour alegier mes griefz maulx doloureux.

       BALADE.

      Pourtant se souvent ne vous voy,

      Pensez vous plus que vostre soye;

      Par le serement que je vous doy,

      Si suis autant que je souloye;

      N'il n'est ne plaisance, ne joye,

      N'autre bien qu'on rac puist donner,

      Je le vous prometz loyaument,

      Qui me puist ce vouloir oster

      Fors que la mort tant seulement.

      Vous savez que je vous feis foy

      Pieca de tout ce que j'avoye,

      Et vous laissay, en lieu de moy,

      Le gaige que


Скачать книгу