Poésies de Charles d'Orléans. Charles d'Orléans

Poésies de Charles d'Orléans - Charles d'Orléans


Скачать книгу
tost se tira devers eulx,

      Apres elle m'en alay tout honteulx,

      Car jeunes gens perdent tost contenance

      Quant en lieu sont où n'ont point d'acointance;

      Si lui ont dit: «Bien soyez vous venue;

      Puis par la main l'ont liement tenue;

      Elle leur dit: «De cueur vous en mercy;

      J'ay amené céans cest enfant cy,

      Pour lui monstrer le tres loyal estat

      Du Dieu d'amours, et son joyeulx esbat.

      Vers moy vindrent me prenant par la main,

      Et me dirent: «Nostre Roy souverain

      Le Dieu d'amours vous prie que venez

      Par devers lui, et bien venu serez.

      Je respondy humblement: «Je mercie

      Amour et vous de vostre courtoisie:

      De bon vouloir iray par devers lui,

      Pour ce je suis venu cy aujourdui,

      Car Jeunesse m'a dit que le verray

      En son estat et gracieux array.

      Bel-acueil print Jeunesse par le bras,

      Et Plaisance si ne m'oublia pas,

      Mais me pria qu'avec elle venisse,

      Et tout le jour pres d'elle me tenisse;

      Si alasmes en ce point jusqu'au lieu

      Là où estoit des amoureux le Dieu.

      Entour de lui son peuple s'esbatoit,

      Dancant, chantant, et maint esbat faisoit;

      Tous à genoulz nous meismes humblement,

      Et Jeunesse parla premierement;

      Disant, «Tres haut et noble puissant Prince,

      A qui subgiet est chascune province,

      Et que je doy servir et honnourer,

      De mon povoir je vous viens presenter

      Ce jeune filz qui en moy a fiance,

      Qui est sailly de la maison de France,

      Creu ou jardin semé de fleurs de lys,

      Combien que j'ay loyaument lui promis

      Qu'en riens qui soit je ne le lyeray,

      Mais à son gré son cueur gouverneray.

      Amour repont, «Il est le bien venu,

      Ou temps passé j'ay son pere congneu,

      Plusieurs autres aussi de son lignaige

      Ont mainteffoiz esté en mon servaige,

      Parquoy tenu suy plus de lui bien faire,

      S'il veult apres son lignaige retraire;

      Vien ça, dist il, mon filz, que pense tu?

      Fu tu oncques de ma darde feru;

      Je croy que non, Car ainsi le me semble;

      Vien pres de moy, si parlerons ensemble.

      De cueur tremblant pres de lui m'aprouchay,

      Si lui ay dit: «Sire, quant j'accorday

      A Jeunesse de venir devers vous,

      Elle me dist que vous estiez sur tous

      Si tres courtois que chascun desiroit

      De vous hanter, qui bien vous congnoissoit;

      Je vous supply que je vous trouve tel,

      Estrangier suy venu en votre hostel,

      Honte seroit à vostre grant noblesse

      Se fait m'estoit ceans mal ou rudesse.

      Par moy contraint, dist Amour, ne seras,

      Mais de ceans jamais ne partiras

      Que ne soies es las amoureux pris:

      Je m'en fais fort, se bien l'ay entrepris:

      Souvent Mercy me vendras demander,

      Et humblement ton fait recommander,

      Mais lors sera ma grace de toy loing;

      Car à bon droit le fauldray au besoing,

      Et si feray vers toy le dangereux,

      Comme tu fais d'estre vray amoureux.

      Venez avant, dist il, plaisant Beaulté,

      Je vous requier que sur la loyaulté

      Que me devez, le venez assaillir,

      Ne le laissiez reposer ne dormir,

      Ne nuit, ne jour, s'il ne me fait hommaige,

      Aprivoisiez ce compaignon sauvaige;

      Ou temps passé vous conqueistes Sampson

      Le fort, aussi le saige Salmon.

      Se cest enfant surmonter ne savez,

      Vostre renom du tout perdu avez.

      Beaulté lors vint, de costé moy s'assist,

      Ung peu se teut, puis doulcement m'a dist:

      Amy, certes, je me donne merveille

      Que tu ne veulx pas que l'en te conseille;

      Au fort saiches que tu ne peuz choisir,

      Il te convient à Amour obeir;

      Mes yeulx prindrent fort à la regarder,

      Plus longuement ne les en peu garder;

      Quant Beaulté vit que je la regardoye,

      Tost par mes yeulx ung dard au cueur m'envoye.

      Quand dedens fu, mon cueur vint esveiller,

      Et tellement le print à catoillier

      Que je senty que trop rioit de joye;

      Il me despleut qu'en ce point le sentoye;

      Si commençay mes yeulx fort à tenser,

      Et envoyay vers mon cueur ung penser,

      En lui priant qu'il gectast hors ce dard;

      Helas! helas! j'y envoyay trop tart,

      Car quant Penser arriva vers mon cueur,

      Il le trouva ja pasmé de doulceur.

      Quant je le sceu, je dis par desconfort,

      Je hé ma vie, et desire ma mort,

      Je hé mes yeulx, car par eulx suis deceu,

      Je hé mon cueur qu'ay nicement perdu,

      Je hé ce dard qui ainsi mon cueur blesse,

      Venez avant, partuez moy, Destresse,

      Car mieulx me vault tout à ung cop morir

      Que longuement en desaise languir;

      Je congnois bien, mon cueur est pris es las

      Du Dieu d'amours, par vous Beaulté, helas!

      Adonc je cheu aux piez d'Amour malade,

      Et semblay mort, tant euz la coleur fade:

      Il m'apperceu, si commenca à rire

      Disant: «Enfant, tu as besoing d'un mire;

      Il semble bien par ta face palie

      Que tu seuffres tres dure maladie;

      Je cuidoye que tu fusses


Скачать книгу