Poésies de Charles d'Orléans. Charles d'Orléans

Poésies de Charles d'Orléans - Charles d'Orléans


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qui Aage s'appella,

      Une lectre de creance bailla

      A Enfance, de par Dame Nature,

      Et si lui dist que plus la nourriture

      De moy n'auroit, et que Dame Jeunesse

      Me nourriroit, et seroit ma maistresse;

      Ainsi du tout Enfance delaissay,

      Et avecques Jeunesse m'en alay.

      Quant Jeunesse me tint en sa maison,

      Ung peu avant la nouvelle saison,

      En ma chambre s'en vint ung bien matin,

      Et m'esveilla le jour saint Valentin,

      En me disant: Tu dors trop longuement,

      Esveille toy, et aprestes briefment,

      Car je te vueil avecques moy mener

      Vers ung seigneur dont te fault acointer,

      Lequel me tient sa servante tres chiere;

      Il nous fera, sans faillir, bonne chiere.

      Je respondy: Maistresse gracieuse,

      De lye cueur et voulenté joyeuse,

      Vostre vouloir suy content d'acomplir;

      Mais humblement je vous vueil requerir

      Qu'il vous plaise le nom de moy nommer

      De ce seigneur dont je vous oy parler,

      Car s'ainsi est que sienne vous tenez,

      Sien estre vueil, se le me commandez;

      Et en tous faiz vous savez que desire

      Vous ensuir, sans en riens contredire.

      Puis qu'ainsy est, dist elle, mon enfant,

      Que de savoir son nom desirez tant,

      Saichiez de vray que c'est le Dieu d'amours

      Que j'ay servy, et serviray tousjours,

      Car de pieca suy de sa retenue,

      Et de ses gens, et de lui bien congneue,

      Oncques ne vis maison, jour de ta vie,

      De plaisans gens si largement remplie;

      Je te feray avoir d'eulx acointance,

      Là trouverons de tous biens habondance.

      Du Dieu d'amours quand parler je l'oy.

      Aucunement me trouvay esbahy;

      Pour ce lui dis: Maistresse, je vous prie

      Pour le present que je n'y voise mie,

      Car j'ay oy à plusieurs raconter

      Les maulx qu'Amour leur a fait endurer,

      En son dangier bouter ne m'oseroye,

      Car ses tourmens endurer ne pourroye;

      Trop jeune suy pour porter si grant fais,

      Il vaulx trop mieulx que je me tiengne en pais.

      Fy, dist elle, par Dieu tu ne vaulx riens;

      Tu ne congnois l'onneur et les grans biens

      Que peus avoir, se tu es amoureux,

      Tu as oy parler les maleureux,

      Non pas amans qui congnoissent qu'est joye;

      Car raconter au long ne te sauroye

      Les biens qu'Amour scet aux siens departir;

      Essaye les, puis tu pourras choisir

      Se tu les veulx ou avoir ou laissier;

      Contre vouloir nul n'est contraint d'amer.

      Bien me revint son gracieux langaige,

      Et tost muay mon propos et couraige,

      Quant j'entendy que nul ne contraindroit

      Mon cueur d'amer fors ainsy qu'il vouldroit;

      Si luy ay dit: Se vous me promectez,

      Ma Maistresse, que point n'obligerez

      Mon cueur, ne moy, contre nostre plaisir,

      Pour ceste fois je vous vueil obeir,

      Et à present vous suivray ceste voye,

      Je prie à Dieu qu'à honneur m'y convoye.

      Ne te doubles, se dist elle, de moy,

      Je te prometz et jure par ma foy

      Par moy ton cueur ja forcé ne sera,

      Mais garde soy qui garder se pourra,

      Car je pense que ja n'aura povoir

      De se garder, mais changera vouloir;

      Quant Plaisance lui monstrera à l'ueil

      Gente beaulté plaine de doulx acueil,

      Jeune, saichant, et de maniere lye,

      Et de tous biens à droit souhait garnie.

      Sans plus parler, sailli hors de mon lit,

      Quant promis m'eust ce que devant est dit,

      Et m'aprestay le plus joliement

      Que peu faire, par son commandement:

      Car jeunes gens qui desirent honneur,

      Quant veoir vont aucun royal Seigneur,

      Ilz se doivent mectre de leur puissance

      En bon arroy, car cela les avance;

      Et si les fait estre prisiez des gens,

      Quant on les voit netz, gracieux et gens.

      Tantost apres tous deux nous en alasmes,

      Et si longtemps ensemble cheminasmes

      Que venismes au plus pres d'un manoir

      Trop bel assis, et plaisant à veoir;

      Lors Jeunesse me dist: Cy est la place

      Où Amour tient sa court et se soulace,

      Que t'en semble, n'est elle pas tres belle?

      Je respondy: Oncques mais ne vy telle.

      Ainsi parlans aprouchasmes la porte,

      Qui à veoir fut tres plaisant et forte.

      Lors Jeunesse si hucha le portier,

      Et lui a dit: J'ay cy ung estrangier,

      Avecques moy entrer nous fault leans;

      On l'appelle CHARLES DUC D'ORLÉANS.

      Sans nul delay le portier nous ouvry,

      Dedens nous mist, et puis nous respondy:

      Tous deux estes ceans les bien venuz;

      Aler m'en vueil, s'il vous plaist, vers Venus

      Et Cupido, si leur raconteray

      Qu'estes venuz, et ceans mis vous ay.

      Le portier fu appellé compaignie

      Qui nous receu de maniere si lye,

      De nous party, à Amour s'en ala:

      Briefment apres devers nous retourna,

      Et amena Bel-acueil et Plaisance

      Qui de l'ostel avoient l'ordonnance;

      Lors quant de nous approucher je les vy,

      Couleur changay, et de cueur tressailly.

      Jeunesse dist: De riens ne t'esbahys,

      Soyes courtois et


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